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Par rapport au code pénal

L'incrimination de crime contre l'humanité applicable aux faits commis avant l'entrée en vigueur du nouveau Code Pénal résulte de la loi du 26 DECEMBRE 1964 tendant à constater leur imprescriptibilité qui se réfère à la Résolution des Nations Unies du 13 FEVRIER 1946 qui prend acte de la définition des crimes contre l'humanité telle qu'elle figure dans la charte du Tribunal Militaire International du 8 AOUT 1945.
La charte du Tribunal Militaire International institué à NUREMBERG par l'accord interallié signé à LONDRES le 8 AOUT 1945 comporte en annexe le statut de ce Tribunal dont l'article 6 détermine les actes soumis à la juridiction du Tribunal et l'article 6 C donne la définition des crimes contre l'humanité. Ainsi constituent des crimes contre l'humanité :
".... l'assassinat, l'extermination, la réduction en esclavage, la déportation et tous autres actes inhumains commis contre les populations civiles, avant ou pendant la guerre, ou bien les persécutions pour des motifs politiques, raciaux ou religieux, lorsque ces actes ou persécutions, qu'ils aient constitué ou non une violation du droit interne du pays où ils ont été perpétrés, ont été commis à la suite de tout crime rendant dans la compétence du Tribunal ou en liaison avec ce crime...."
Selon ce même texte : "Les dirigeants, organisateurs, provocateurs ou complices qui ont pris part à l'élaboration ou à l'exécution d'un plan concerté ou d'un complot pour commettre 1'un quelconque des crimes ci-dessus définis sont responsables de tous les actes accomplis par toute personne en exécution de ce plan...."
En premier lieu, il convient donc de procéder à la qualification des faits selon les définitions du droit commun et en second lieu, de rechercher si les faits ainsi qualifiés relèvent de la catégorie des crimes contre l'humanité.
a) qualification au regard des incriminations du code pénal
Certaines des inculpations notifiées à Maurice PAPON ne peuvent être maintenues.
En toute hypothèse en ce qui concerne les violences subies par les victimes au regard des éléments de fait, notamment l'absence d'indications sur les incapacités subies il n'est pas possible de les prendre en considération car elles ne pourraient constituer qu'un délit correctionnel insusceptible comme tel de servir de fondement à un crime contre l'humanité.
L'inculpation d'attentats aux libertés individuelles ne peut pas non plus être retenue. En effet, le fait pour un fonctionnaire français d'agir à l'instigation d'agents d'une puissance étrangère pour se rendre complice d'actes attentatoires à la liberté dans l'intérêt exclusif de la puissance occupante et pour la poursuite de sa politique criminelle à l'encontre des Juifs, rend inapplicable les dispositions de l'ancien article 114 du Code Pénal devenu article 432-4. Dès lors les arrestations et séquestrations illégales tombent uniquement sous le coup des articles 224-1 et suivants du Code Pénal.
L'inculpation d'enlèvements, entraînements, détournements ou délacements de mineurs de plus ou de moins de quinze ans suivis de mort ne peut non plus être retenue. En effet, depuis l'entrée en vigueur du nouveau Code Pénal, cette infraction, du fait de la disparition, de la circonstance aggravante tirée de la minorité de plus de quinze ans, et du fait que l'intention homicide avec préméditation a été retenue, doit s'analyser en l'espèce, et pour les seuls mineurs de quinze ans, en, d'une part, des crimes aggravés d'enlèvements et de séquestrations prévus et réprimés par l'article 224-5 du Code Pénal, et, d'autre part, des crimes d'assassinat, et, pour les mineurs de plus de quinze ans, en crime d'arrestation, d'enlèvement, de détention ou de séquestration prévu par l'article 224-1 du Code Pénal ainsi qu'en crime d'assassinats.
Maurice PAPON, par les actes qu'il a lui-même accomplis dans le cadre des opérations menées contre la communauté juive en donnant des instructions en vue du fichage des Juifs et en communiquant des listes de Juifs aux services de police allemands et tous renseignements nécessaires les concernant, en organisant la préparation matérielle des convois, en donnant à cette fin tous ordres de transfert et en prenant toutes réquisitions utiles, a personnellement concouru en connaissance de cause aux arrestations suivies d'internements et de déportation des 15 JUILLET 1942, du 20 OCTOBRE l942, du 20 au 21 DECEMBRE 1943, du 10 JANVIER 1944 ainsi qu'aux séquestrations suivies de déportations de personnes déjà internées au camp de MERIGNAC du 21 AOUT 1942, du 21 SEPTEMBRE 1942, du 25 NOVEMBRE 1943 et 13 MAI 1944 menées à l'instigation de nazis auquel il a apporté son aide et son assistance.
- Les actes ou instructions de Maurice PAPON tendant à faciliter la remise ou à remettre aux autorités allemandes des personnes, dont certaines étaient mineures de 15 ans, appartenant à la communauté juive, arrêtées ou détenues à cette fin dans le camp d'internement de MERIGNAC ou son annexe de BACALAN constituent à sa charge des actes de complicité par aide et assistance des crimes d'arrestations et de séquestrations arbitraires avec la circonstance qu'une partie des victimes était mineure de quinze ans commis par les agents du IIIème Reich. Ces crimes sont caractérisés dès le moment où les responsables allemands ont obtenu la remise effective entre leurs mains des personnes concernées. Ils se sont poursuivis pendant toute la durée de la déportation de celles-ci et de leur détention dans les camps d'extermination soit plus d'un mois.
La même qualification criminelle sera retenue dans le cas où les victimes ont été exterminées avant que leur séquestration ait duré un mois, toute possibilité de libération volontaire étant exclue de ce fait.
Il ressort encore de l'instruction que l'ensemble des personnes visées par les plaintes avec constitution de partie-civile ont été arrêtées et séquestrées afin d'être déportées selon un plan minutieusement préparé à l'avance dans des camps où les autorités allemandes avaient programmé leur extermination. Seules quelques unes d'entre elles ont réussi à échapper à leur mort programmée pour des raisons indépendantes de la volonté de leurs assassins. Il ressort clairement du dossier que Maurice PAPON qui connaissait la politique maintes fois affirmée par les nazis d'éliminer le peuple juif s'est rendu complice en connaissance par aide et assistance des assassinats et tentatives d'assassinats commis par eux.
L'information a ainsi mis en évidence contre Maurice PAPON, dont les moyens de défense s'apparentent à ceux de René BOUSQUET, Jean LEGUAY, Maurice SABATIER, et au-delà à ceux des accusés de NUREMBERG, et qui n'a d'ailleurs jamais désavoué les persécutions menées contre les Juifs, des charges suffisantes de s'être rendu complice des crimes d'arrestation et de séquestration arbitraire avec cette circonstance que la séquestration a duré plus d'un mois, de tentative d'arrestations et de séquestration arbitraires, d'assassinat et de tentative d'assassinat commis à l'instigation des autorités allemandes :
1° - complicité d'arrestation et séquestrations illégales avec la circonstance qu'elles ont duré plus d'un mois et complicité d'assassinat concernant Timée GELLER, Samuel GELLER, Benjamin LIBRACH, Abraham SLITINSKI, Anna RAWDIN, Mendel HUSETOWSKI, Euta Jeannette HUSETOWSKI, Icek FOGIEL, Rachel Louba FOGIEL, Hirsch ALISWAKS, Antoinette ALISWAKS, Sjajudko PLEVINSKI, Emmanuel PLEVINSKI, Sabatino SCHINAZI, Victor HADDAD, Mona BENAIM, Paulette BENAIM, Georgette BENAIM, Estreja TORRES, Louis TORRES, Ernest TORRES, Esther TORRES, Maklauf MOUYAL, Gaston BENAIM, LOEL Erika épouse JACOB, Max JACOB, Selma JACOB, Sarah JACOB, DAVID Rachel épouse LEVY, DA COSTA Noémie veuve LEON,
2° - complicité d'arrestation et de séquestrations illégales ayant duré plus d'un mois avec cette circonstance que les victimes étaient mineures de quinze ans et complicité d'assassinat concernant : Albert FOGIEL, Henri PLEVINSKI, Jeanine PLEVINSKI, Jacqueline JUNGER, Jacques JUNGER, Nelly STOPNICKI, Rachel STOPNICKI, Monique HADDAD, Jeannine HADDAD, David DRAI, Michel DRAI, Léon DRAI, Jacqueline DRAI, Louise TORRES, Raymond TORRES, Rachel TORRES, Simone TORRES et Georges TORRES,
3° - complicité de séquestration illégale ayant duré plus d'un mois et complicité d'assassinat concernant : Malko SZPECTOR épouse STALKOSKI, Dora SZPECTOR, Anna SZPECTOR, Jeanne GRUNBERG, Jacqueline GRUNBERG, Charlotte GRIFF, toutes ayant été arrêtées par les Allemands pour franchissement irrégulier de la ligne de démarcation, internées à leur demande au Camp de MERIGNAC où elles ont été séquestrées illégalement puis transférées au Camp de DRANCY et de là à AUSCHWITZ où elles ont été exterminées.
4° - complicité de séquestration illégale ayant duré plus d'un mois avec cette circonstance que les victimes étaient mineures de quinze ans et complicité d'assassinat concernant : Jeannette GRIFF, Maurice GRIFF, Simon GRIFF, Léon GRIFF, Arlette SZTAJNER, André SZTAJNER, Tous ayant été arrêtés par les Allemands pour franchissement irrégulier de la ligne de démarcation, internés à leur demande au Camp de MERIGNAC où ils ont été séquestrés illégalement puis transférés au Camp de DRANCY et de là à AUSCHWITZ où ils ont été exterminés.
5° - complicité de séquestration illégale ayant duré plus d'un mois et complicité d'assassinat concernant :
- Léon LIBRACH, en requérant le commandant Gendarmerie de BORDEAUX pour conduire l'intéressé de MERIGNAC au Camp de DRANCY le 8 JUILLET 1942 sur des instructions de la SIPO du 9 JUIN 1942 qui mentionnaient sa qualité de juif et en donnant toutes directives utiles pour l'escorte et les bons de transport, le service des questions juives qu'il avait sous ses ordres étant destinataire des factures concernant ce transfert. Depuis le rapport de GARAT du 2 JUILLET 1942 Maurice PAPON était informé de ce que "l'évacuation" de tous les juifs âgés de 16 à 45 ans était ordonnée par les autorités allemandes. Léon LIBRACH a été ensuite transféré à AUSCHWITZ où il a été exterminé.
- Adolphe BENIFLA qui avait été arrêté par la police française en septembre 1941 avant la prise de fonction de Maurice PAPON et se trouvait interné au camp de MERIGNAC depuis Avril 1942, qui a été transféré à DRANCY le 16 JUILLET 1942 puis à AUSCHWITZ le 19 JUILLET 1942 où il a été exterminé.
- Saadia BENAIM et Simon DRAI qui se trouvaient dans des camps de travailleurs et qui avaient été internés au Camp de MERIGNAC depuis MARS 1942. Ils ont été transférés à DRANCY le 26 AOUT 1942 et de là à AUSCHWITZ le 18 SEPTEMBRE 1942 où ils ont été exterminés.

6° - complicité de la séquestration illégale ayant duré plus d'un mois et tentative d'assassinat :
- de Moïse BENIFLA qui avait été arrêté en 1942 dans des circonstances ignorées, avait été séquestré au Camp de MERIGNAC depuis lors puis transféré à DRANCY le 28 AOUT 1942. Il fut ensuite interné dans plusieurs camps dont celui de PITHIVIERS, de BEAUNE LA ROLLANDE avant d'être admis à l'Hôpital ROTSCHILD à PARIS jusqu'à la libération, ce qui lui permit d'échapper à sa mort programmée.
- de Jules JACOB, arrêté sur dénonciation pour infraction à la législation économique. Il avait été condamné à quatre mois et deux semaines d'emprisonnement par le Tribunal de la Feldkommandantur le 4 MAI 1942 et indiqué présent au Camp de MERIGNAC le 16 MAI 1942. I1 a été déporté à DRANCY par le convoi du 26 AOUT 1942. Selon les déclarations de son fils il aurait été détenu dans plusieurs camps de concentration allemands jusqu'à la fin de la guerre échappant à sa mort programmée.

7° - complicité de l'arrestation et la séquestration illégales ayant duré plus d'un mois et de la tentative d'assassinat :
- Daniel SCHINAZI qui avait été arrêté en 1942, détenu au Fort du Hâ pendant plusieurs mois avant d'être séquestré au Camp de MERIGNAC. I1 figure cependant sur la liste des personnes arrêtées le 23 DECEMBRE 1943. Transféré à DRANCY le 30 DECEMBRE 1943, il réussissait à s'évader en cours de route échappant à sa mort programmée.
- Robert LEON, arrêté le 11 JANVIER 1944, séquestré au Camp de MERIGNAC, avait été transféré le 12 JANVIER à DRANCY d'où il sera renvoyé à BORDEAUX le 15 MAI 1944 et intégré à l'organisation TODT ce qui lui permit d'échapper à sa mort programmée.

8° - complicité de séquestration illégale ayant duré plus d'un mois de :
- René JACOB arrêté en même temps que son père Jules pour infraction, il avait été arrêté. Un avis portant le paraphe de Pierre GARAT signale son arrivée au Camp de MERIGNAC le 22 AVRIL 1942 à la SIPO. René JACOB a été libéré le 25 AOUT 1942, ayant ainsi été séquestré arbitrairement sous l'autorité de Maurice PAPON pendant plus d'un mois.
- d'Alice SLITINSKI s'étant déroulée en même temps et dans des circonstances analogues à la tentative dont était victime son frère Michel et celle-ci ayant été internée au Camp de MERIGNAC du 20 OCTOBRE 1942 au 9 DECEMBRE 1942 date de sa libération.

9° - complicité de la tentative d'arrestation illégale de Michel SLITINSKI commise à BORDEAUX dans la nuit du 19 au 20 OCTOBRE 1942, Pierre GARAT ayant remis aux policiers la liste des juifs à arrêter les policiers français accompagnés de Feldgendarmes s'étant présentés au domicile de la famille SLITINSKI au vu de la liste ainsi remise et Michel SLITINSKI n'ayant pu se soustraire à son sort qu'en s'échappant par les toits.
Les interventions de Maurice PAPON telles qu'énumérées à propos de l'imputabilité des faits, contrairement à ce qu'il soutient, sont antérieures ou concomitantes aux arrestations et séquestrations illégales et assassinats perpétrés à l'instigation ou par les autorités allemandes : notamment la tenue et la mise à jour du fichier des Juifs et des étrangers qui servait de base aux arrestations et leur communication aux autorités allemandes chargées de mettre en oeuvre la persécution des Juifs, contacts préalables aux arrestations massives entre le Service des Questions Juives de la préfecture et les autorités allemandes, la préparations des arrestations massives, intervention du Service des Questions Juives lors des arrestations et la participation au "triage" des Juifs devant être déportés à DRANCY, l'organisation du transport et de la surveillance des convois par le même service.
Cette aide se rattache directement aux faits d'arrestation et de séquestration illégale et d'assassinat commis par les autorités allemandes qui n'auraient pu avoir lieu sans elle, Elle a été apportée en pleine connaissance de ce qu'elle concernait la déportation et l'extermination de membres de la communauté juive, choisis uniquement en raison de critères raciaux ou religieux, dès la note rédigée par Pierre GARAT le 2 JUILLET 1942 et surtout la conférence du Préfet régional en date du 14 JUILLET 1942. Cette aide a été apportée personnellement par les ordres signés par Maurice PAPON ou par les instructions données par lui au Service des Questions Juives de la Préfecture.

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