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La procédure en bref

Les dessous d'un renvoi Quatorze ans après les premières plaintes

Quatorze ans après les premières plaintes, le parquet général de Bordeaux a conclu cette semaine au renvoi de Maurice Papon, 85 ans, devant la cour d'assises de la Gironde pour " complicité de crimes contre l'humanité ". Explication de texte par BERNADETTE DUBOURG.
Cent quatre-vingt-quatre pages. C'est un volumineux document que le parquet général de Bordeaux a transmis mardi soir à la chambre d'accusation de Bordeaux, au terme duquel il se prononce pour le renvoi de Maurice Papon, 85 ans, devant la cour d'assises de la Gironde pour y être jugé de " complicité de crimes contre l'humanité ".
Cet acte important de la procédure intervient quatorze ans après les premières plaintes, déposées le 8 décembre 1981 contre l'ancien secrétaire général de la préfecture de la Gironde pour son rôle dans l'arrestation suivie de déportation de près de 1 700 juifs bordelais dont 225 enfants, entre juin 1942 et août 1944.
Le réquisitoire définitif rédigé par l'avocat général Defos du Rau, en étroite collaboration avec le procureur général Henri Desclaux, écarte d'abord la responsabilité de Maurice Papon dans six des dix convois visés par les plaintes des parties civiles.
L'accusation estime notamment que Maurice Papon, absent de Bordeaux du 19 au 28 septembre 1942, est étranger au convoi du 21 septembre (71 juifs). Ou encore qu'il n'y a pas la preuve au dossier de sa responsabilité pour la rafle des 20 et 21 décembre 1943 effectuée par la police allemande avec l'aide d'agents de la SEC (Section d'enquêtes et de contrôles, chargée de la mise en oeuvre de la politique antijuive de Vichy), ainsi que pour les convois des 25 novembre 1943 (86 juifs), 30 décembre 1943 (79 juifs) et 13 mai 1944 (58 juifs).

Quatre convois

En revanche, le parquet général estime que Maurice Papon, " sous l'autorité de Maurice Sabatier (préfet régional) et en exécution d'ordres allemands, dans tous les cas ratifiés par les autorités gouvernementales de Vichy, a joué un rôle actif lors des arrestations du 15 juillet 1942 et dans l'organisation des convois qui partirent de Bordeaux les 18 juillet 1942, 26 août 1942, 26 octobre 1942 et 12 janvier 1944 ". Ce sont au total 1 059 personnes dont une centaine d'enfants qui ont alors été transférées à Drancy avant d'être déportées vers le camp de la mort d'Auschwitz.
Le parquet général énumère les " éléments objectifs " qui impliquent Maurice Papon dans l'organisation de ces quatre convois " soit par actes personnels, soit par les instructions données à Pierre Garat et à Jacques Dubarry (chefs du service des questions juives) ". Ce sont aussi bien des rapports transmis à Maurice Papon que des notes qu'il a lui-même adressées à Maurice Sabatier pour " analyser les difficultés soulevées par la demande d'arrestations massives de l'autorité occupante ", ou au ministère de l'intérieur sur " la liste des juifs internés à Mérignac ". Voire encore cette demande de location de wagons de voyageurs " pour un transport d'environ 200 personnes " au chef de la gare Saint-Jean de Bordeaux en juillet 1942. " L'ordre premier émanait de l'autorité allemande d'occupation. A partir de là, l'administration française dans son ensemble, et y compris la préfecture, était chargée de mettre en oeuvre les moyens matériels pour assurer l'exécution de cet ordre premier avec une marge de manoeuvre quasi inexistante ", s'est défendu Maurice Papon au cours de ses nombreux interrogatoires par le conseiller à la cour Mme Leotin.

Des arrestations

Le parquet général retient également la responsabilité de Maurice Papon dans les arrestations des 15 et 16 juillet 1942, sur la base d'une note du 3 juillet qu'il a signée en sa qualité de haut responsable du service des questions juives.
Pour l'accusation, il ne pouvait " rien ignorer des exigences allemandes et savait pertinemment que les listes en cours de préparation ou d'examen dans un service placé sous son autorité devaient être utilisées, comme elles le furent, pour les arrestations demandées ". En signant cette note, " il approuvait même les suggestions qu'elle contenait et s'est ainsi volontairement associé aux actes qui allaient aboutir aux arrestations ".
Enfin, le parquet général s'est interrogé sur la connaissance que pouvait alors avoir Maurice Papon du sort des victimes. S'il ressort des propres déclarations de Maurice Papon qu'il s'est douté, dès août 1942, que " les personnes n'étaient pas toutes destinées à rester à Drancy ", le parquet général n'a trouvé aucun élément au dossier permettant d'affirmer qu'il ait eu " connaissance du sort final qui les attendait en Allemagne ".

49 victimes

C'est ainsi que, pour le parquet général, Maurice Papon s'est rendu coupable des crimes d'arrestations et séquestrations arbitraires " accomplis dans les circonstances et pour les motifs qui caractérisent le crime contre l'humanité ".
Le parquet général retient donc l'incrimination juridique de " complicité de crimes contre l'humanité " contre Maurice Papon, qui, " en pleine connaissance de cause, par ses actes personnels et des instructions données à ses subordonnés, s'est associé au sein d'un processus complexe de participation aux opérations antijuives décidées par l'autorité allemande dont il n'ignorait pas que l'un des objectifs était la déportation en Allemagne... Même s'il ignorait les conséquences finales de cette déportation. "
L'avocat de Maurice Papon, Me Jean-Marc Varaut, regrette que, " sur la base de l'arrêt Touvier ", le parquet général n'ait pas conclu au non-lieu qu'il plaidera en mars prochain devant la chambre d'accusation : " Le crime contre l'humanité implique l'adhésion à une idéologie hégémonique ou un ordre direct de l'occupant. Il n'existe pas non plus d'élément intentionnel. " Maurice Papon s'est souvent retranché derrière l'autorité de Maurice Sabatier, qui a déclaré au jury d'honneur " assumer l'entière responsabilité de la répression antijuive dans le ressort de sa préfecture ".
" Je constate cependant qu'on ne retient plus d'initiatives des rafles contre Maurice Papon ", ajoute l'avocat.
De leur côté, les parties civiles ne sauraient accepter ce " non-lieu partiel ", puisque, sur les 70 victimes visées par les plaintes, 49 seulement sont concernées par les arrestations de juillet 1942 et les quatre convois reprochés à Maurice Papon. " Notre but sera de convaincre la chambre d'accusation de renvoyer Maurice Papon devant la cour d'assises pour l'ensemble des dix convois ", résume Me Touzet, l'un des avocats des parties civiles.
Il y a, à ce jour, 37 plaignants et 10 associations parties civiles au dossier Papon. •

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