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LES ARRESTATIONS DE JUILLET 1942 ET LE CONVOI DU 18 JUILLET 1942

Le 2 JUILLET 1942 le chef de la SIPO de BORDEAUX sous la signature de l'Obersturmfuhrer DOBERSCHUTZ adressait une note au Préfet de BORDEAUX ayant trait à l'"évacuation de Juifs" et se référait à un entretien préparatoire avec le Commissaire central FREDOU en date du même jour. Ce document demandait de prendre les mesures nécessaires à l"'évacuation" de tous les Juifs des deux sexes porteurs de l'étoile, âgés de 16 à 45 ans :
- Dans un premier temps les intéressés devaient être internés au camp de MERIGNAC.
- Le délégué pour les questions juives GARAT devait à cet effet établir en six exemplaires des listes comportant les : nom, date de naissance, profession et nationalité des intéressés.
- Les arrestations devaient être effectuées par la police française.
- Les camions nécessaires pour le transport à et de MERIGNAC devaient être fournis par la police française.


Il était précisé que ces opérations devaient se dérouler à partir du 6 JUILLET au matin et se terminer au plus tard le 8 JUILLET au soir, que chaque fonctionnaire français serait tenu pour responsable des Juifs figurant sur la liste et qu'en cas de négligence, les sanctions les plus sévères seraient prises.
- Deux trains de 20 wagons pouvant transporter 1 000 personnes devaient être prévus au départ de BORDEAUX.
La note réglait minutieusement le détail des effets et bagages que les personnes arrêtées seraient autorisées à emporter.
Ce même jour Pierre GARAT, Chef du Service des Questions Juives de la préfecture rédigeait à l'attention du Secrétaire Général un rapport faisant état d'un entretien ayant eu lieu sur convocation de DOBERCHUTZ et reprenant l'essentiel des exigences allemandes formulées dans la note précitée. Ce rapport apportait la précision que les Juifs de nationalité italienne, espagnole, turque, grecque, bulgare, hongroise, finoise, norvégienne, anglaise et américaine n'étaient pas concernés par la mesure de même que ceux ayant un conjoint aryen et les enfants issus de leur union. Les mères d'enfants en bas âge ne devaient pas être exemptées et les enfants devaient être confiés à l'Union Générale des Israélites de France. Selon le rédacteur du rapport la mesure devait concerner entre 300 et 400 personnes.
Maurice PAPON a indiqué qu'au vu du compte rendu oral fait par Pierre GARAT, il avait remis ce rapport à Maurice SABATIER.
Le même jour était rédigé le compte rendu dactylographié d'un entretien téléphonique ayant eu lieu à 18 heures 40 avec le commandant SAUDES (SAUTS) Directeur de Cabinet de Jean LEGUAY reprenant le rappel des exigences allemandes et posant les questions "faut-il aider les autorités allemandes ou procéder à ces opérations ?" ainsi que la réponse demandant d'attendre les instructions.
Au pied de ce compte rendu figure une note manuscrite de Maurice SABATIER en date du 2 JUILLET 1942 - 19 heures indiquant que Monsieur INGRAND avait demandé "de ne rien permettre" en attendant la conférence devant se tenir avec les autorités allemandes.
En effet le 2 JUILLET 1942 se tenait à PARIS au siège du Commandement supérieur des SS et de la Police une réunion à laquelle participaient comme seul représentant Français, René BOUSQUET en qualité de secrétaire général de la Police de VICHY et côté allemand les principaux responsables de la police et du SD et notamment OBERG, KNOCHEN, LISHKA et HAGEN.
L'examen du compte-rendu rédigé par HAGEN montre que les exigences formulées par DANNECKER (responsable allemand de la section des affaires juives) quant à l'arrestation immédiate de 10.000 Juifs en zone libre et de 20.000 Juifs en zone occupée en application des accords conclus antérieurement avec le gouvernement français avaient été envisagées par LAVAL.
Après discussion, BOUSQUET s'était déclaré "prêt à faire arrêter" dans toute la France et dans le cadre d'une action menée selon des modalités uniformes un nombre de Juifs de nationalité étrangère correspondant au chiffre souhaité par les autorités allemandes".
Le Gouvernement de VICHY a entériné les propositions de BOUSQUET le 3 JUILLET 1942.
En dépit des instructions téléphoniques du cabinet de Jean LEGUAY et sans attendre de connaître les résultats de la conférence du 2 JUILLET ni les instructions de l'administration centrale, le 3 JUILLET 1942 Pierre GARAT rédigeait une note à l'attention du Préfet régional détaillant les mesures envisagées par les Allemands et comportant dans un paragraphe II l'énumération des difficultés prévisibles :
- établissement des listes après examen minutieux des cas (en cours),

- mise en action de forces de police importantes pour assurer les arrestations dans l'ensemble du département surveiller les gares et les grandes voies de communication et éviter "un exode dès que les Juifs auront connaissance des premières arrestations". - hébergement des enfants seuls après l'arrestation de leurs parents,
- difficultés de transport, d'hébergement de ravitaillement, d'aménagement sanitaire des wagons.

Plusieurs exemplaires de cette note sont versés au dossier. Maurice PAPON a reconnu avoir signé celui où ne figure pas la mention, in fine "conclusion", "l'exécution de ces mesures dans le laps de temps imposé est difficile mais possible".
Le même jour Maurice PAPON signait une habilitation à Pierre GARAT "chargé d'une mission spéciale" pour demander à toutes les autorités les renseignements dont il a besoin et invitant lesdites autorités à faciliter au maximum sa tâche.
Maurice PAPON a expliqué cet ordre de mission par la multiplicité des services ayant à intervenir dans l'exécution de l'opération projetée.
Norbert TECHOUEYRES, Commissaire du II ème arrondissement en juillet 1942, était chargé par son supérieur hiérarchique FREDOU, chef de la Sécurité Publique, d'organiser les opérations d'arrestation demandées par les autorités allemandes. Dans le cadre de cette mission il était amené à rédiger à 1' intention de son chef un rapport du 4 JUILLET 1942 détaillant les mesures policières à prendre pour l'arrestation de 400 personnes dans BORDEAUX et le reste du département et un rapport du 10 JUILLET 1942 où le nombre des personnes à arrêter était ramené à 98. Se trouvant dans les locaux du service de Questions Juives le 5 JUILLET 1942 vers 17 heures Norbert TECHOUEYRES recevra un appel téléphonique émanant du secrétaire général de la Préfecture des Landes au sujet d'une arrestation de Juifs demandée par les autorités allemandes pour le 9 JUILLET. Il rédigera un compte rendu dactylographié de cette communication sur un papier à en-tête du Service des Questions Juives.
Le 6 JUILLET 1942, Jean CHAPEL Directeur de Cabinet du Préfet Régional, rédigeait une note dactylographiée relatant un entretien téléphonique ayant eu lieu le même jour à 17 heures avec Jean LEGUAY qui demandait de ne rien faire en attendant les instructions ultérieures mais indiquant "sur ma demande, Monsieur LEGUAY m'a fait savoir qu'il ne voyait, en ce qui le concerne, aucun inconvénient à ce que soit communiquée aux autorités allemandes la liste (qu'elles exigent) des Juifs étrangers".
Figure au dossier un document du 14 JUILLET 1942 portant la mention "confidentiel" intitulé "Conférence du samedi 11 courant" par Monsieur le Préfet Régional" faisant état, entre autres des "Questions Juives" :
"Doivent être déportés 40.000 Juifs pour la zone occupée et 10 000 pour la zone non occupée.
Les enfants des Juifs déportés seront confiés à l'Union des Israélites.
Les femmes enceintes et celles qui allaitent ne doivent pas être inquiétées.
Juif apatride: "celui qui ne possède pas de passeport".
Ne pas fournir de liste de Juifs français aux autorités allemandes (?)
En cas d'incertitude, téléphoner à Monsieur LEGUAY à PARIS...."
Maurice PAPON a déclaré n'avoir gardé aucun souvenir de cette conférence mais il a indiqué qu'il participait habituellement aux réunions tenues par le Préfet Régional avec ses collaborateurs immédiats. Dans ces conditions, il est manifeste que compte tenu même des services qu'il avait sous son autorité et de l'importance des questions figurant à l'ordre du Jour , il n'a pas pu être tenu à l'écart de cette conférence ou tout au moins il a été mis au courant de son contenu, sans délai.
D'ailleurs, le 14 JUILLET 1942 le Préfet Régional sous la signature de Maurice PAPON écrivait au Préfet Délégué du Ministère de l'Intérieur dans les territoires occupés, à la suite d'un entretien téléphonique, une note :
- confirmant que la SIPO réclamait la liste des Juifs français internés au camp de MERIGNAC et incarcérés à la prison du Fort du Hâ,
- demandant des instructions par télégramme en soulignant que la remise d'une telle liste pourrait "avoir pour conséquence la déportation de Juifs français à laquelle les autorités allemandes avaient renoncé lors de la récente conférence tenue à PARIS".

Ce texte établit :
- que Maurice PAPON avait bien eu connaissance de la conférence tenue à PARIS.
- que l'autorité occupante à BORDEAUX, contrairement aux entretiens OBERG-BOUSQUET entendait étendre son action à toutes les personnes d'origine juive quelque soit leur nationalité.

Le même jour Pierre GARAT rédigeait deux notes :
- l'une mentionnant que les autorités allemandes avaient réclamé sans succès au Préfet des Landes la liste des Juifs actuellement internés ou incarcérés et qu'il a été répondu que l'avis du Préfet Régional était de ne pas remettre une telle liste,
- l'autre faisant état d'un entretien téléphonique avec le Sous-Préfet de BAYONNE , lui demandant de ne pas fournir aux Allemands la liste des Juifs internés ou incarcérés.

Toujours le même Jour à 18 heures 30 Pierre GARAT signait le compte rendu d'une communication téléphonique avec Jean LEGUAY indiquant notamment qu'en ce qui concerne la remise des listes de Juifs français internés ou incarcérés, celui-ci estimait cette remise conforme aux termes d'une circulaire remontant au mois d'octobre 1941 d'après laquelle les autorités françaises doivent remettre aux autorités allemandes la liste des personnes internées et incarcérés. "Il lui paraît difficile d'opposer un refus mais il estime que l'on ne doit pas aller au-delà de la remise pure et simple des listes". Il était en outre indiqué que Jean LEGAY avait recommandé de tenter d'obtenir, au plan local l'exemption des femmes ayant un enfant de moins de deux ans et qu'il avait en outre demandé, pour PARIS, que les parents soient autorisés à emmener leurs enfants.
Une liste des Juifs étrangers du 5 ème arrondissement a été établie par le Commissaire de Police à la demande du Service des Questions Juives le 10 JUILLET 1942. Cette liste comportait des mineurs de 15 ans. De même figure au dossier une liste des Juifs étrangers du BOUSCAT établie par le Commissaire de police à la demande du Commissariat Central de BORDEAUX.
Les listes de Juifs étrangers à arrêter ont été transmises à la police et à la gendarmerie par la Préfecture.
Dans la soirée et la nuit du 15 au 16 JUILLET 1942, 70 personnes étaient arrêtées dans le département de la Gironde. Des contrôles de police étaient effectués gare Saint Jean.
Parmi les personnes arrêtées et internées au camp de MERIGNAC figurent notamment RAWDIN Liba Luba Rachel Ida épouse FOGIEL, FOGIEL Jean Icek, HUSETOWSKI Abram Mendel, RAWDIN Jeannette, Euta épouse HUSETOWSKI, MATISSON Antoinette épouse ALISVAKS, ALISVAKS Henri Hirsch, PLEVINSKI Sjajudko, PLEVINSKI Emmanuel, et LIBRACH Benjamin visées par les plaintes avec constitution de partie civile.
Elles ont été transférées au camp de DRANCY par convoi ferroviaire parti de la gare Saint- Jean le 18 JUILLET 1942 de même que LOCKER Jeanne épouse GRINBERG et sa fille Jacqueline âgée de 20 ans qui avaient été arrêtées par les Allemands en essayant de passer irrégulièrement la ligne de démarcation et que BENIFLA Adolphe qui avait été arrêté par la police française en septembre 1941 et se trouvait interné au camp de MERIGNAC depuis avril 1942 qui sont visés aussi par les plaintes avec constitution de partie civile et qui se trouvaient internés au camp de MERIGNAC.
Toutes ont été transférées ultérieurement de DRANCY à AUSCHWITZ par le convoi du 19 JUILLET 1942. Elles seront toutes exterminées à AUSCHWITZ.
Le 16 JUILLET 1942 Pierre GARAT rédigeait une note au Préfet Régional en communication à l'Intendant régional de Police et sous couvert du Secrétaire Général. Il en ressortait que la liste remise aux autorités allemandes comportait 105 noms, que 70 personnes ont été arrêtées et que les allemands (qui ont contrôlé les opérations dès le début par l'intermédiaire des officiers LUTHER et DOBERSCHUTZ) "ont pu se rendre compte que les dispositions ont été prises pour que l'opération soit effectuée avec le maximum de résultats". Il précise qu'en même temps que les parents ont été arrêtés 23 enfants de moins de 15 ans dont 15 ont été placés pendant la nuit chez des parents ou des amis (les enfants étaient accompagnés par leur mère) et 8 ont été conduits à l'Hôpital des Enfants, 4 d'entre eux devaient être conduits à LIBOURNE où leur hébergement devait être assuré et les 4 autres devaient être remis au Grand Rabbin COHEN. Il précisait encore qu'un rapport devait être présenté au lieutenant DOBERSCHUTZ le jour même à 16 heures.
Sur la "liste des enfants des Juifs arrêtés dans la nuit du 15 au 16 JUILLET 1942", on relève :
PLEWINSKI Henri né le 8 JUILLET 1933 à NANCY et PLEWINSKI Janine née le 16 AOUT 1938 à NANCY, STOPNICKI Nelly née le 8 AVRIL 1937 à NANCY, STOPNICKI Rachel née le 9 AVRIL 1940 à NANCY, JUNGER Ida Jacqueline née le 29 NOVEMBRE 1934 à LILLE et JUNGER Jacques née le 30 OCTOBRE 1938 à LILLE visés par les plaintes avec constitution de partie civile.
Dans le rapport d'activité du mois de JUILLET 1942, le Directeur de camp de MERIGNAC mentionne qu'entre le 16 et le 17 courant, 145 Juifs dont 74 hommes et 71 femmes ont été amenés au camp de MERIGNAC sur ordre des autorités occupantes en provenance :
- 95 de la Gironde
- 18 des Landes
- 32 des Basses-Pyrénées

Une lettre du 17 JUILLET 1942 du Service des Questions Juives signée "Pour le Préfet Régional. Le Secrétaire Général" et portant le paraphe de Pierre GARAT confirmait au chef de la Gare Saint Jean la location de wagons de voyageurs pour 200 personnes environ, le convoi devant partir à destination de DRANCY dans l'après-midi du 18 JUILLET 1942.
Le rapport rédigé par Pierre GARAT sous couvert du Secrétaire Général et destiné au Préfet Régional le 18 JUILLET 1942 fait état d'un nombre total d'arrestations de 195 personnes. Il précise qu'un examen de situation des Juifs arrêtés a été opéré dans l'après-midi en sa présence et celle de DOBERSCHUTZ. 24 personnes ont été exemptées en raison de leur nationalité, du fait que leur conjoint était aryen ou encore pour raison de maladie ou d'infirmité. Il mentionne que 33 Juifs de nationalité française qui étaient détenus pour infractions diverses et 2 Juifs de plus de 45 ans ont été versés au convoi malgré ses protestations et qu'il avait pu obtenir l'exemption sur simple déclaration de ceux qui invoquaient avoir un conjoint aryen, ainsi que l'exemption de 2 Juifs français dont "un particulièrement intéressant" (nombreuses décorations)". En conclusion, il indiquait que "l'opération s'est déroulée sans incident et que l'autorité allemande a témoigné sa satisfaction des conditions générales dans lesquelles elle s'est déroulée".
Le 18 JUILLET Pierre GARAT signait un ordre de mission au nom du Commissaire TECHOUEYRES "chargé d'une mission spéciale le 18 JUILLET 1942".
Le 20 JUILLET 1942 Pierre GARAT demandait au Directeur de l'Hôpital des Enfants de remettre les enfants Georges et Simon GOTLIEB et Henri et Jeannine PLEWINSKI au Grand Rabbin COHEN.
Le 27 JUILLET, la Compagnie Française des Tramways Electriques et Omnibus de BORDEAUX adressait au "Service des Affaires Juives" de la Préfecture des factures pour la location de six autobus le 18 JUILLET 1942 pour aller de MERIGNAC à la Gare Saint-Jean. Il a été retrouvé deux notes signées "Pour le Secrétaire Général", portant le paraphe de Pierre GARAT datées du 7 AOUT 1942 pour l'attribution de carburant au Directeur du Camp de MERIGNAC, à la Compagnie française des T.E.O.B et au Commandant des gardiens de la paix pour les quantités correspondantes à celles utilisées lors des opérations menées contre les Juifs en juillet 1942.
Selon les déclarations même de Maurice PAPON la participation de ses services à l'organisation du convoi s'est placée à deux niveaux.
a) - assurer le transport et le ravitaillement des personnes arrêtées.
Maurice PAPON a indiqué que le Services des Questions Juives de la Préfecture a loué "avec son approbation" des autobus pour transporter les intéressés de MERIGNAC à la Gare SAINT-JEAN. Ce même service avait loué le 17 JUILLET 1942 sous la signature du Secrétaire Général, des wagons de voyageurs nécessaires au transport de 200 personnes environ.
b) - assurer la surveillance du convoi. A cet effet Pierre GARAT a signé pour le Secrétaire Général un ordre de mission au Commissaire de police TECHOUEYRES.
Selon Maurice PAPON, Pierre GARAT n'a pas assisté matériellement au déroulement de l'opération, mais sur ses instructions, a suivi de près celle-ci en s'abstenant de se coucher cette nuit et en étant tenu au courant du moindre incident par les services de police.
Le 18 JUILLET 1942 le Préfet Régional adressait sous sa signature un rapport d'ensemble sur les opérations menées du 15 au 18 JUILLET 1942 au chef du Gouvernement, Ministre, Secrétaire d'Etat à l'Intérieur et à M. DE BRINON Secrétaire d'Etat, Délégué Général du Gouvernement français dans les territoires occupés reprenant pour l'essentiel les éléments contenus dans les rapports de Pierre GARAT du 16 et 18 JUILLET 1942 précités. Il demandait en outre à l'Intendant Régional de police de "transmettre aux personnels sous vos ordres l'expression de sa satisfaction pour la manière dont a été menée à bien l'opération de police effectuée le 15 courant sur l'invitation de la police allemande de Sûreté..."
Le 25 JUILLET 1942 l'inspecteur NIEL du Commissariat de Police du BOUSCAT signalait au Commissaire de Police que la famille WEISS qui remplissait les conditions nécessaires à son arrestation n'avait pas été arrêtée. Il précisait qu'il avait aussitôt consulté "le service des Juifs à la Préfecture" qui lui avait répondu "qu'il s'agissait là d'un oubli qu'il était désirable de réparer le plus tôt possible".
Lors des interrogatoires concernant ce premier convoi Maurice PAPON a déclaré :
- que la responsabilité du convoi incombe uniquement aux autorités allemandes qui ont toujours eu l'initiative et un rôle majeur dans la réalisation de cette opération,
- que leurs ordres étaient "impératifs, contraignants et assortis de menaces".
- que le rôle de l'administration française à BORDEAUX et à PARIS a été en premier lieu de s'opposer aux instructions allemandes et quand la pression a été trop forte de les freiner et de négocier ce qui était négociable.
- qu'il n'est pas intervenu au niveau de la conception de l'organisation de ce convoi dès lors qu'il a pris ses fonctions réellement le 29 ou 30 JUIN.
- que le Service des Questions Juives de la Préfecture et son Chef Pierre GARAT n'ont fait que "répercuter les contraintes imposées par les autorités allemandes" pour "éclairer au maximum le chef responsable, c'est-à-dire le Préfet de BORDEAUX".
- que les listes de Juifs étrangers demandées par le Service des Questions Juives de la Préfecture étaient examinées par Pierre GARAT et ses services et ne venaient pas à sa connaissance.
- qu'il est intervenu lui même auprès de LUTHER et Pierre GARAT auprès de DOBERSCHUTZ pour obtenir l'exclusion des mineurs de 15 ans et des femmes ayant un enfant de moins de 2 ans.
- que si le nombre des arrestations effectives a été plus réduit que celui initialement prévu c'est parce que certaines personnes à arrêter auraient été prévenues de l'imminence de la rafle et que lui même avait fait des démarches en ce sens par Madame EYCHENNE, employée du Service des Questions Juives en qui il avait toute confiance. Il a aussi fait état de renseignements qu'il aurait faits parvenir à la Résistance et notamment au père DIEUZAYDE, Madame CHASSAGNE et Madame MARTIN épouse MOQUAY, l'une employée à la Préfecture , l'autre à l'Intendance régionale de police pour avertir les Juifs de leur arrestation imminente. Par ailleurs Pierre GARAT l'aurait assuré qu'il avait bien entretenu le Grand Rabbin de ce qui se formentait et qu'il tiendrait celui-ci informé des listes telles qu'elles seraient établies.
- que le convoi a été escorté par des gendarmes français au lieu de Feldgendarmes à la demande du Grand Rabbin COHEN qui craignait que ceux-ci exercent des sévices sur les personnes arrêtées.

Il convient de noter que le terme "déportation" est employé dans la lettre signée pour le Préfet Régional par Maurice PAPON en date du 14 JUILLET 1942 adressée à Jean LEGUAY. Ce terme apparaît encore à deux reprises dans le compte rendu de la Conférence du Préfet Régional du 11 JUILLET 1942.
S'il est certain que l'initiative des arrestations massives de Juifs et leur transfert ultérieur au Camp d'internement de DRANCY revient bien aux autorités allemandes, les explications données par Maurice PAPON sont contredites formellement par le déroulement des événements tel qu'il a pu être reconstitué au vu des documents saisis dans le cadre de l'instruction et a été relaté plus haut. Il en ressort que le Service des Questions Juives agissant sous la responsabilité et selon les instructions de Maurice PAPON a pleinement apporté son concours à l'autorité allemande à tous les stades de l'opération, notamment à la préparation des arrestations qui s'est poursuivie sans attendre le résultat de la conférence tenue à PARIS entre les autorités allemandes et les représentants du Gouvernement de VICHY. Il s'avère que "l'examen minutieux" de chaque dossier qui devait précéder l'établissement des listes par le Service des Questions Juives de la Préfecture aux termes du rapport de Pierre GARAT "dépositaire des instructions'' de Maurice PAPON du 5 JUILLET 1942 a présenté de graves lacunes dans la mesure où la liste transmise à la Gendarmerie prévoyait l'arrestation d'enfants, et où après examen de situation 33 Juifs français et 2 Juifs âgés de plus de 45 ans ont été versés au convoi alors que ceux-ci n'étaient pas visés par les prétentions allemandes. En outre la réalité des démarches alléguées pour prévenir la communauté juive des menaces qui pesaient sur ses membres et de ce que les conditions matérielles d'organisation et de surveillance du convoi ont été modifiées à la suite des démarches faites par le Grand Rabbin COHEN n'a pas été confirmée par les éléments recueillis au cours de l'instruction.

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