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Le commissariat aux questions juives, police et renseignements

Le Commissariat Général aux Questions Juives - La Police aux Questions Juives - (POJ) - La Section d'Enquêtes et de Recherches (SEC).

Toujours selon les déclarations faites par Jacques DUBARRY en 1947 à l'occasion du procès de Lucien DEHAN :
"Toutes les affaires juives étaient à l'échelon national, de la compétence du Commissariat Général des Questions Juives. Ce commissariat était divisé en trois sections :
- Direction du Statut des Personnes,
- Direction de l'Aryanisation Economique,
- Section d'Enquête et de Contrôle (S.E.C.) qui à partir de septembre 1942 recevra partie des attributions autrefois dévolues à la police des questions juives.

Dans chaque région, le Commissariat Général, possédait une Délégation composée également de trois sections.....
Au début de l'année 1942, le Commissariat Général aux Affaires Juives a installé à BORDEAUX, une délégation Régionale, .... à la tête de la SEC se sont succédés comme Directeurs Régionaux : Messieurs DE SEZE, TESTAS DE FOLMONT et DEHAN. Ce dernier a assumé ces fonctions par intérim depuis le 11 DECEMBRE 1943 jusqu'au début de 1944....
En principe, la Délégation Régionale des Affaires Juives relevait uniquement de l'autorité du Commissariat Général de PARIS ; toutefois, le Préfet Régional, en tant que Chef de l'Administration Régionale et Départementale, avait droit de regard sur l'action de cette délégation.... Lors de la création en 1942, Monsieur DE SEZE a pris, selon les ordres qu'il possédait et qui avaient été notifiés au Préfet Régional par le Gouvernement de VICHY, une copie intégrale du fichier que la Préfecture possédait ; Par la suite, la Délégation Régionale avait toute facilité, lors de ses enquêtes pour consulter le fichier établi par la Préfecture".
En 1988, modifiant ses premières déclarations sur les rapports existant entre la Préfecture et la SEC, Jacques DUBARRY ira jusqu'à soutenir, contre toute évidence, oubliant le convoi du 10 JANVIER 1944, qu'à sa prise de fonction "presque tous les Juifs avaient été déportés".
La Police des Questions Juives créée par arrêté du 19 OCTOBRE 1941, rattachée à la Direction de la Police Nationale a été supprimée le 5 JUILLET 1942 et remplacée par une section d'enquêtes et de contrôle rattachée à compter du 13 AOUT 1942 au Commissariat Général aux questions Juives. Toute la partie administrative du service (enquêtes, recherches, renseignements) était de la compétence du commissariat général aux questions juives, tandis que la partie judiciaire de son activité comme les perquisitions était dévolue aux services de police ainsi que le précisait une circulaire du Secrétaire général à la police René BOUSQUET en date du 11 SEPTEMBRE 1942. Les internements et assignations à résidence étaient de la compétence des Préfets régionaux. Le 1er MAI 1943, le Commissariat général aux questions juives définissait le rôle de la SEC comme étant celui d'un service de renseignements et de contrôle et dans ces conditions, il demandait que la SEC soit informée des motifs de radiations de la liste des Juifs. D'ailleurs par une lettre du 20 MAI 1943, Maurice PAPON faisait connaître au Délégué qu'après accord du Commissariat Général aux questions juives, il ferait connaître comme par le passé les radiations effectuées avec la nomenclature des pièces justificatives fournies par les intéressés. Pierre GARAT écrivait dans une note du 23 OCTOBRE 1942 destinée à Maurice PAPON "qu'il n'est pas douteux qu'en dépit de son autonomie, l'ex-police aux questions juives subira un contrôle rigoureux du Service des Questions Juives de la Préfecture".
Lucien DEHAN, qui a assumé par intérim le poste de Délégué Régional de la Section d'Enquête et de Contrôle de BORDEAUX, a confirmé que les demandes d'enquête dont son service était saisi émanaient pour la plupart du service des questions juives de la préfecture ; ces enquêtes consistaient à rechercher les pièces que les particuliers avaient des difficultés à se procurer auprès de certaines mairies ou autres services publics éloignés ;
Il précisait qu'il était en contact avec Pierre GARAT et le Service des Questions Juives de la Préfecture. Ainsi relatant le cas d'une dame BELIN, Lucien DEHAN s'exprime en ces termes : "elle fut convoquée à la Préfecture en présence de Monsieur GARAT, de REISER et de moi-même... au cours de cette entrevue Madame BELIN fut déclarée juive".
En raison des arrestations auxquelles la SEC continuait à procéder s'arrogeant des pouvoirs dont elle ne disposait plus. Le Préfet Régional sous la signature de Maurice PAPON adressait le 29 JUILLET 1943 une note au chef du détachement de la SIPO pour rappeler que la SEC étant dessaisie de toute attribution de police il convenait de saisir directement le Préfet Régional de toute proposition de sanctions administratives. Il convient de préciser qu'au nombre de ces sanctions figurait l'internement.
A propos de la délivrance des certificats de non inscription sur le registre des Juifs du département : par note du 17 MARS 1943 le Préfet Régional sous la signature de Maurice PAPON rappelait qu'il était seul habilité à délivrer de tels certificats.

III - Le recensement et la mise en fiches

Une des principales attributions du Service aux Questions Juives de la Préfecture était la tenue du fichier des Juifs.
En exécution de l'ordonnance allemande du 27 SEPTEMBRE 1940 et de la loi de VICHY du 2 JUIN 1941 les juifs avaient été invités à se faire connaître aux Préfectures.
Les dossiers saisis dans le cadre de la procédure font référence à l'ordonnance allemande du 27 SEPTEMBRE 1940, les déclarations sont datées d'octobre 1940. En novembre 1940, 7 employés de la Préfecture étaient affectés au recensement des Juifs. Jacques DUBARRY a indiqué lors de son audition du 11 JUIN 1947 que lorsque les dossiers ont été établis, les services de la Préfecture ont tapé trois folios pour chaque personne. Un des exemplaires a été adressé à la kommandantur.
Un rapport de Jacques DUBARRY du 8 MARS 1944 pour répondre à des critiques formulées à la suite d'arrestations abusives lors de la rafle de janvier 1944, fait état :
1- d'une liste dont dispose la Feldkommandantur 529 vieille de 3 ans, non tenue à jour puisque la Feldkommandantur n'a pas demandé les renseignements correspondants.
2- d'une liste de la Préfecture qui n'aurait jamais été adressée à la SIPO, aucune réponse n'ayant été faite par le Ministère de l'Intérieur à la demande qui lui a été adressée pour savoir si cette liste pouvait être transmise à ce service qui d'ailleurs n'en a jamais fait la demande par écrit.
Par ailleurs des listes de ressortissants Juifs étrangers avaient été établies.
3- d'une liste en possession de la Section d'Enquête et de Contrôle (S.E.C.) mise à jour par Lucien DEHAN pour les lettres A à D., le Préfet Régional ayant refusé par lettre du 26 FEVRIER 1942 de transmettre la liste des Juifs domiciliés dans le département en arguant des difficultés de personnel mais ayant accepté de tenir à la disposition du Délégué Régional du Commissariat aux Questions Juives le registre des Juifs.
Néanmoins les affirmations de Jacques DUBARRY sont contredites par plusieurs documents figurant au dossier. Ainsi il apparaît qu'en réponse à des demandes formulées en 1941 et le 6 JUIN 1942 le Préfet Régional sous la signature du Conseiller de Préfecture THOMAS avait adressé des renseignements permettant la mise à jour de la liste et un complément de la liste demandée par la Feldkommandantur.
- Le 2 JUILLET 1942 l'Intendant Régional de Police autorisait le Commissaire de Police d'ARCACHON, après avoir pris l'avis du Préfet de région, à communiquer à la Standarkommandantur d'ARCACHON la liste des Juifs d'ARCACHON et du PYLA.
- Le 6 JUILLET 1942 une note du Cabinet du Préfet indique que LEGUAY, interrogé sur ce point a fait savoir qu'il ne voyait pas d'inconvénient à ce que la liste des Juifs étrangers soit communiquée aux autorités allemandes.
- Le 14 JUILLET 1942, sur une demande téléphonique de Maurice PAPON, LEGUAY faisait savoir que la remise aux autorités allemandes des Juifs français internés au Camp de MERIGNAC ou incarcérés au Fort du Hâ est conforme à une circulaire d'octobre 1941.
- Le 10 SEPTEMBRE 1942 le Préfet Régional sous la signature de Maurice PAPON transmettait au Commandant de la SIPO 345 fiches classées par ordre alphabétique adressées par les services de police ou par les mairies en Juillet et août 1942 par la suite de la circulation des étrangers.
- Maurice PAPON avise aussi le chef de la SIPO de l'arrivée au camp de Juifs en infraction avec des ordonnances allemandes comme Raymond MAYER le 1er août 1942.
- Le 8 AOUT 1942 Maurice PAPON adressait au Chef de la SIPO la liste des Juifs internés au Camp de MERIGNAC du 29 JUILLET au 6 AOUT comprenant de nombreux mineurs arrêtés avec leurs parents.
- Le 9 NOVEMBRE 1942 Maurice PAPON communique au chef de la SIPO, la liste des Juifs de nationalité grecque recensés dans le département avec indication du résultat des recherches entreprises en vue de leur arrestation.
- Le 26 NOVEMBRE 1942 Jean CHENARD, délégué régional aux questions juives s'adressait à l'Intendant régional de police pour obtenir les 12 et 27 de chaque mois les indications utiles concernant les Juifs afin de lui permettre de tenir constamment à jour le fichier et les statistiques de son service. Ce document porte le visa de Pierre GARAT.
- Le 5 DECEMBRE 1942, le responsable de la SEC fournit au capitaine DOBERSCHUTZ les statistiques concernant les Juifs avec tous les renseignements en sa possession et précisant qu'il s'agit des renseignements officiels.
- Une note de service du 30 DECEMBRE 1942 signée GARAT demandait de signaler à la SEC : tous les changements d'adresse, départs clandestins, déportations de juifs du département ainsi que les radiations du registre des Juifs.
- Le 13 AVRIL 1943 la SIPO demandait au Services des Questions Juives de la Préfecture d'établir un fichier des Juifs allemands ou autrefois allemands. Au pied de cette lettre figure la mention manuscrite "Documents remis à Monsieur BOERDE pour l'ensemble de la région le 6 MAI 1943".
- Le 16 SEPTEMBRE 1943 Maurice PAPON demandait à l'Intendant Régional de Police la vérification de toutes les adresses des Juifs ne s'étant pas présentés aux convocations en vue de leur transfert à l'organisation TODT.
- Le 17 DECEMBRE 1943 Maurice PAPON écrivait au Secrétaire Général pour la police à VICHY pour solliciter ses instructions à la suite d'un entretien verbal avec le chef de la SIPO qui avait réclamé la liste des Juifs français, étrangers et apatrides y compris des femmes et des enfants résidant dans la région de BORDEAUX. Le jour même, sans attendre la réponse sollicitée, Maurice PAPON demandait par téléphone puis par lettre aux sous-préfets de BAYONNE et de MONT DE MARSAN, la liste de tous les Juifs résidant dans leur ressort.
- Le 4 FEVRIER 1944 le Délégué Zone Nord Secrétaire Général au Maintien de l'Ordre faisait connaître au Général OBERG que des instructions avaient été données aux Préfets Régionaux pour que les services allemands puissent prendre connaissance au siège de chaque Préfecture de la liste des Israélites Français et Etrangers.
- Le 16 FEVRIER 1944 Maurice PAPON sollicite à la demande des autorités allemandes la liste de tous les Juifs en traitement dans les hôpitaux, maisons de retraite et hospices.
- Le 6 MAI 1944, le Secrétaire Général sous la signature de Jacques DUBARRY réclamait au commissariat du 6ème arrondissement de BORDEAUX la liste des Juifs de son secteur.

Le Décret Loi du 2 MAI 1938 et le Décret du 14 MAI 1938 relatifs à la police des étrangers et antérieurs à l'occupation avaient prescrit l'établissement de fichiers des étrangers dans les commissariats et les mairies.
L'autorité allemande a disposé de ce fichier puisque par lettre du 30 JUILLET 1942 le Préfet Régional sous la signature de Maurice PAPON faisait connaître au commandant de la SIPO qu'il n'était pas possible de charger du personnel de l'administration française de la tenue du fichier des étrangers mais indiquait qu'il transmettrait régulièrement les fiches d'enregistrement des étrangers ainsi que les modifications intervenues, qui étaient auparavant transmises à la Feldkommandantur.
SCHMUCKI, interprète au bureau des réquisitions des biens Juifs composé d'officiers allemands, a indiqué que c'était Pierre GARAT qui avait apporté la liste des Juifs à leur service.
L'ensemble de ces éléments établit que le Service des Questions Juives de la préfecture a constamment tenu à jour le fichier des Juifs et l'a communiqué à chaque demande des autorités allemandes sachant depuis juillet 1942 que ces listes étaient constamment utilisées en vue des arrestations et des déportations de Juifs.

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