Repères

Le plan ci dessous permet d’accéder aux lieux de l’agglomération bordelaise ayant joué un rôle déterminant pendant l’occupation. Ces points sensibles ou stratégiques sont renseignés par de courtes fiches ou renvoient à des photos et des articles. Des informations sont également accessibles sur les lieux actuels mis en évidence sur les plans. Cliquez où vous le souhaitez !



Cathédrale St-André

Mgr Feltin, archevêque de Bordeaux. Son camp n'était pas celui de la résistance (Crédit DR)

L'église sous l'occupation

A quelques rares exceptions près, le clergé bordelais a donné sa bénédiction au régime du maréchal Pétain sans toutefois se compromettre dans la collaboration.

Le sort veut que les pasteurs des deux principales communautés religieuses pendant l'Occupation, Mgr Maurice Feltin et le grand rabbin Joseph Cohen, s'éteignent à quelques semaines d'intervalle en 1975, le27 septembre à l'âge de 92 ans pour le premier, le 31 octobre à l'âge de 96 ans pour le second.
Près de vingt ans plus tard, les enfants du rabbin obtiennent de la justice qu'elle fasse disparaître un paragraphe du livre de René Terrisse, " Bordeaux 1940-1944 ", affirmant que Joseph Cohen avait trouvé refuge chez Mgr Feltin en décembre 1943 alors que les Allemands voulaient l'arrêter. C'est, en fait, à une maladresse des nazis que le grand rabbin doit de s'échapper de son domicile, rue Sainte-Catherine. Il va chercher sa femme, soignée à l'hôpital Saint André et le couple est hébergé chez des amis à Caudéran.
Que Mgr Feltin désapprouve, à partir de 1942, le sort réservé aux juifs par les autorités de Vichy et les Allemands, voire qu'il en soustraie certains aux rafles, ne peut occulter qu'à l'image du clergé français et du Vatican, l'archevêque de Bordeaux de 1935 à 1949 est un maréchaliste sans ambiguïté, parce qu'il voit en Pétain le restaurateur des valeurs chrétiennes traditionnelles et l'ennemi des communistes et des francs-maçons.
Le 26 juillet 1944, le gouvernement provisoire issu de la Résistance suggère la mise à l'écart de vingt-quatre évêques pour allégeance fervente et prolongée à Pétain. Mgr Feltin en fait partie. Vite rallié au nouveau régime et au nouveau député maire, Jacques Chaban-Delmas, qui s'engage en faveur des écoles privées, l'un des chevaux de bataille de l'épiscopat, Mgr Feltin ne sera pas inquiété et aura même droit à une exceptionnelle promotion en devenant archevêque de Paris en 1949.
Dans son étude, en 1973, sur Jacques Chaban-Delmas à Bordeaux, le politologue Jacques Lagroye qualifie le pétainisme de Mgr Feltin d'" aisément compréhensible si l'on tient compte du devoir, souvent rappelé, de soumission de l'Eglise au pouvoir établi ". En septembre 1944, Mgr Feltin lui-même déclare : " Les hommes peuvent changer, notre enseignement et notre attitude ne changeront pas. "
Pour Jacques Lagroye, " le souci de sauvegarder les intérêts de l'Eglise pendant une période difficile justifie aussi une prudence que les résistants bordelais ont jugée excessive ". " Il ne s'engageait jamais à l'égard d'un mouvement qu'en fonction de la situation présente, de l'intérêt immédiat de l'Eglise ", précise un ancien familier de l'archevêque.
" C'était un opportuniste, corrige un catholique ancien résistant. En 36, il nous disait : Vous êtes au Front populaire, restez-y, allez de l'avant. C'était le courant dominant, alors il fallait avoir des catholiques dans la place ".
Mgr Feltin pourrait être discret dans son maréchalisme. Au contraire, il le claironne. Les fêtes de Jeanne d'Arc, le 14 mai, sont pour lui le prétexte à des homélies sans nuances en faveur du régime de Vichy. Ainsi, en 1944, prête-t-il ces paroles à Jeanne : " Vous mande par moi le roi du ciel que ce noble vieillard providentiel a reçu mission de vous commander et de vous conduire pour assurer le salut du pays dans la paix du monde ".
Le 4 juillet 1944, c'est en grande pompe et en présence des notables de la ville (dont le maire, Adrien Marquet, le préfet, Maurice Sabatier et le secrétaire général de la préfecture, Maurice Papon) que Mgr Feltin préside, en la cathédrale, le service religieux célébré en mémoire de Philippe Henriot, député de la Gironde, milicien et secrétaire d'Etat à l'information, assassiné à son domicile parisien le 28 juin. Deux mois plus tard, il assistera, à la cathédrale, au Te Deum célébré en présence des nouvelles autorités de la Libération.
En tant qu'archevêque, Mgr Feltin porte évidemment la plus lourde responsabilité dans l'engagement pétainiste du clergé bordelais pendant l'Occupation, mais il n'est pas le seul ecclésiastique, loin de là, à s'être engagé aussi ouvertement en faveur du Maréchal.
Un autre prêtre s'illustre dans le maréchalisme et influence profondément le clergé local. Curé de Saint-Emilion, l'abbé Daniel Bergey est un héros de la Première Guerre mondiale.
Elu député de 1924 à 1932, il abandonne la politique, et sa circonscription est reprise par Philippe Henriot. Pendant l'Occupation, il dirige le journal " Soutanes de France " et met son charisme ainsi que son éloquence exceptionnelle au service du pétainisme. Arrêté à la Libération et incarcéré au fort du Hâ en compagnie d'Adrien Marquet, il sera jugé en août 1945 et acquitté avant de regagner son presbytère de Saint- Emilion et d'y mourir en 1950.
Quant aux prêtres résistants, comme le père Dieuzayde ou le père Louis de Jabrun, ils font figure d'exception dans ce clergé compromis et, à la Libération, récolteront moins d'honneurs que certains collègues du camp d'en face. La déclaration " de repentance " qui sera lue par des évêques le 30 septembre prochain au camp de Drancy fait figure pour eux de revanche. Une revanche tardive.

Benoît LASSERRE















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