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Jean-Marc Varaut: une confiance proclamée (Crédit Daniel)

Verdict aujourd'hui ou demain - 31/03/1998

Me Jean-Marc Varaut doit conclure aujourd'hui sa plaidoirie en démontrant l'absence de fondement juridique au crime contre l'humanité. Les jurés rendront leur verdict aujourd'hui ou demain

Compte-rendu d'audience de Bernadette DUBOURG

Mardi 31 mars. Quatre-vingt treizième journée d'audience. Au seuil de sa troisième journée de plaidoirie, Me Jean-Marc Varaut, face aux jurés, insiste de nouveau sur « l'absence d'action et de participation active » de Maurice Papon : « Il n'est jugé que par défaut, à la place des autres ».
Il poursuit l'examen des faits, débuté la veille, avec le deuxième convoi d'août 1942, « la croix de ce procès », avec pour la première fois, la déportation d'enfants. Me Varaut affirme tout d'abord que le seul document signé par Maurice Papon, avant le départ du convoi, est justement destiné « à sauver ces enfants ». Quant à la « minute » signée deux jours après le convoi pour « régulariser la réquisition des gendarmes de l'escorte », Me Varaut affirme qu'il ne peut « y avoir d'acte de complicité postérieur à l'acte lui-même ».
S'arrêtant longuement sur le regroupement des 15 enfants placés dans des familles d'accueil, après l'arrestation et la déportation de leurs parents en juillet, Me Varaut assure : « Rien ne permet de déterminer qui -et comment- a répercuté l'ordre allemand de faire regrouper les enfants. En tout cas, Maurice Papon n'a pas été un acteur de ce moment tragique, il n'a donné aucun ordre, il est resté totalement étranger au retour des enfants. Mais comme nous avons honte de ce fait, il faut la faire supporter à quelqu'un ». « Tout au plus, ajoute Me Varaut, Maurice Papon a-t-il exprimé son regret poignant de ne pas avoir fait plus, maintenant qu'il sait ».
Pour le convoi du 21 septembre 1942, Me Varaut est plus percutant : « Maurice Papon n'est jamais intervenu pour la bonne raison, comme vous le savez, qu'il était absent de Bordeaux du 19 au 28 septembre ». Me Varaut y voit d'ailleurs la preuve « si nécessaire » qu'en « l'absence du secrétaire général dont on nous dit qu'il est un rouage essentiel, les Allemands organisent et exécutent un convoi. Son absence ne change rien ». « C'est la preuve absolue et définitive de son rôle marginal » conclut l'avocat.

« Complicité humanitaire »

Me Varaut fait également litière des accusations pour la rafle et le convoi d'octobre 1942 : « La seule intervention de Maurice Papoon est un compte rendu pour le préfet régional au ministère de l'Intérieur, deux jours après la rafle ». Et d'ajouter : « Le ministère public a lui-même rappelé qu'un compte rendu n'entrainait pas la responsabilité de son auteur ».
Examinant le convoi du 25 novembre 1943, Me Varaut assure encore que « Maurice Papon n'est intervenu à aucun moment. On ne trouve aucun document qui l'implique ». Il s'insurge même qu'on lui reproche « une abstention » en n'ayant pas fait libérer le Dr Sabatino Schinazi : « En aucun cas, il ne pouvait intervenir. Mise devant le fait accompli, la préfecture était même dans l'impossibilité d'obtenir des exemptions ».
Pour Me Varaut, « les évènements de décembre (rafle du 20 et convoi du 30) sont la preuve du fait accompli ». Il justifie le « court circuitage » de la préfecture par les nombreuses demandes d'explications adressées à la SEC (police des questions juives), au commissariat général des questions juives, aux autorités allemandes et au gouvernement de Vichy. Me Varaut rappelle aussi que dans son réquisitoire définitif de décembre 1995, le parquet général avait conclu au non-lieu. « Votre conviction doit se fonder sur des preuves, insiste Me Varaut. Or, en décembre comme en novembre, la préfecture n'est informée ni des arrestations ni du convoi, organisés et exécutés directement par les Allemands ».
En début d'après-midi, Me Varaut évoque la rafle et le convoi de janvier 1944 : Maurice Papon, simple témoin de ces moments dramatiques, n'est impliqué que pour des actions de défense et de sauvegarde. Le seul acte qui lui soit imputable, la réquisition d'autobus pour transporter les juifs de la Synagogue à la gare, est une substitution de moyen, un acte de complicité humanitaire ».
Me Varaut évoque également le « document exceptionnel signé par les responsables de la préfecture -qualifié de mafieux par les parties civiles- » : « Elle est le signe de la solidarité de l'équipe préfectorale qui va tout faire pour empêcher le malheur ».
Me Varaut conclut les faits avec le convoi de mai 1944 : « Il n'y a aucun lien entre le recensement des juifs en février et le convoi. Vous ferez comme le ministère public dans son réquisitoire, vous répondrez : Non ». Les parties civiles ne cachent pas leur désaccord.

En droit

S'adressant aux jurés qui doivent « juger en droit », Me Varaut prend le ton du professeur pour démontrer, d'abord, que Maurice Papon n'est pas complice des crimes de droit commun que sont la complicité d'arrestations et de séquestrations : « On ne peut pas lui imputer les ordres des SS, les décisions du préfet, l'exécution par la police et les actes par fonction des chefs successifs du service des questions juives. Sa responsabilité personnelle n'est pas engagée car il n'a donné aucun ordre d'arrestation ou de séquestration ».
Pour Me Varaut, Maurice Papon n'est pas davantage complice d'assassinats : « Il faudrait qu'il ait su et voulu la mort au bout du chemin, qu'il ait connu et accepté le programme d'extermination des juifs par les nazis ».
Pour écarter définitivement cette « complicité de crimes de droit commun », Me Varaut met en avant « l'excuse absolutoire de la contrainte allemande », objet de la première question subsidiaire déposée en début d'après-midi (lire ci-dessous).
En fin d'audience, Me Varaut aborde enfin « la question fondamentale et pourtant subsidiaire du crime contre l'humanité ». Rappelant que la cour de cassation a écarté « l'adhésion à une idéologie hégémonique », il se place définitivement sur le terrain du droit pour démontrer que la « condition essentielle et indispensable de la connaissance à un plan concerté d'extermination des juifs n'est pas remplie » (C'est sa deuxième question subsidiaire). « Il ne faut pas simplement avoir une intention, il faut avoir un mobile » ajoute Me Varaut qui rappelle, une nouvelle fois, que le parquet général, toujours dans son réquisitoire définitif, avait « conclu avec bon sens, d'une plume trempée dans un bon encrier, que Maurice Papon n'avait pas connaissance de l'existence des camps de la mort ».
« Si vous avez un doute sur la complicité d'assassinat, vous ne pouvez avoir aucun doute sur l'absence d'adhésion de Maurice Papon au plan concerté d'extermination des Juifs » conclut Me Varaut qui développera ce matin l'absence de fondement juridique au crime contre l'humanité.
L'audience reprend à 10 heures.


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