Maurice Papon, 87 ans, est toujours hospitalisé et le président a ordonné ce lundi une expertise médicale avant de se prononcer sur la suite du procès qui est de nouveau suspendu jusqu'à mercredi
Lundi 27 octobre. Treizième jour d'audience. Comme jeudi dernier, le box de l'accusé est vide. Maurice Papon est toujours hospitalisé à l'hôpital cardiologique de Haut-Lévêque à Pessac, dans la banlieue de Bordeaux, pour une bronchite qui aurait évolué en broncho-pneumonie. Et son procès pour " crimes contre l'humanité ", interrompu jeudi dernier après onze jours d'audience consacrés à sa personnalité, ne peut toujours pas se poursuivre.
Deux heures avant la début de l'audience, le CHU de Bordeaux a d'ailleurs indiqué dans un communiqué que " le bilan de santé de M. Maurice Papon effectué ce matin ne lui permet pas d'assister à l'audience de cet après-midi (lundi) ni à celle de demain (mardi). Son hospitalisation est donc maintenue en unité médicale de cardiologie aujourd'hui lundi 27 et demain mardi 28 octobre. Un nouveau bilan de son état de santé sera établi mercredi 29 octobre en fin de matinée ".
Aussitôt assis et légèrement agacé, le président Jean-Louis Castagnède indique à son tour : " Nous constatons tous l'absence de l'accusé Maurice Papon. Il m'a été adressé ce matin par l'hôpital cardiologique de Haut-Lévêque un communiqué en date de ce jour, signé du professeur Alain Choussat ". Il donne lecture de ce texte court, sybillin et peu informatif : " L'état de santé de Maurice Papon ne lui permet pas d'assister à l'audience aujourd'hui lundi 27 et demain mardi 28 octobre ".
Le procureur général Henri Desclaux est le seul à intervenir. Sur un ton solennel, il " prend acte de ce que, en l'état, l'accusé n'est pas en mesure de comparaître et de participer utilement aux débats ". Il ajoute cependant " pour mettre un terme à certaines interrogations, que le parquet général n'a pas le moindre doute sur la réalité de la maladie de l'accusé attestée par un spécialiste bordelais des plus réputés ".
Le procureur général regrette toutefois qu'il faille " une nouvelle fois suspendre l'audience, au moment même où nous allions enfin aborder les faits, ce que le ministère public et les parties civiles attendaient avec la plus grande impatience. Et si je lis bien le certificat médical de l'hôpital, nous n'avons, en l'état, aucune assurance de ce que l'accusé puisse se présenter effectivement mercredi ".
Il exprime tout haut la pensée d'un très grand nombre : " nous ne pouvons pas rester ainsi dans l'expectative et suspendre l'audience toutes les 48 heures, ne serait-ce que du fait des incidences de ces suspensions successives sur le déroulement de ce procès et de l'incertitude dans laquelle sont plongés les témoins quant à leur date effective d'audition, alors même que certains viennent de loin ".
C'est ainsi qu'avec la plus grande fermeté, il demande à la cour de désigner un expert national, inscrit sur la liste de la Cour de cassation " afin qu'il puisse nous dire, avec précision et dans les plus brefs délais, à quelle date ce procès pourra reprendre utilement et avec le maximum de garanties ".
Contrairement à toute attente, les avocats des parties civiles ne formulent aucune observation. Ils n'appuient même pas cette demande d'expertise, alors même qu'à l'extérieur de la salle d'audience, plusieurs d'entre eux critiquent cette nouvelle absence et fustigent " les conséquences de la liberté ".
Les avocats de la défense restent eux-aussi taisants. Tout au plus, avant l'audience, Me Varaut a-t-il assuré que Maurice Papon a " une mine épouvantable, une voix très affaiblie " et qu'il " souhaite ardemment revenir à l'audience ".
Après une courte suspension, la cour ordonne cette expertise médicale, confiée à René Pariente, professeur agrégé de clinique pneumologique à l'université de Paris 7, chef du service de pneumologie et réanimation à l'hôpital Beaujon (Paris) et diplômé d'un CES de cardiologie.
Ce médecin doit prendre connaissance du dossier médical de Maurice Papon et de tous renseignements utiles (comme le professeur Broustet il y a deux semaines et demi), puis procéder à un examen médical de l'accusé afin de dire si " son état de santé lui permet de comparaître devant la cour d'assises de la Gironde, et fixer la date où ce sera de nouveau possible ". Ce rapport doit être déposé au plus tard mardi auprès du président de la cour.
Avant de suspendre l'audience pour deux jours, le président appelle à la barre les deux témoins qui devaient être entendus. Il s'excuse de ne pouvoir les retenir : " L'accusé n'est pas en état de comparaître. Une nouvelle fois, je suis amené à remanier le calendrier d'audition des témoins. Je ne puis vous dire si l'audience pourra se tenir mercredi, ni même si elle se tiendra jeudi ou vendredi ".
Henri Amouroux, costume bleu et crâne dégarni, indique le premier qu'il part pour Bruxelles où il passera toute la journée de mercredi. Il peut revenir ensuite. Robert Paxton, mince dans son costume marron, cheveux blancs et accent américain, poursuit qu'il peut être là mercredi sans difficulté, " à partir de jeudi, je dois changer beaucoup de choses, mais ce n'est pas impossible ". Il est manifestement plus conciliant qu'avant l'audience où il affirmait devoir repartir jeudi pour les Etats-Unis. Ils seront avisés aujourd'hui ou demain de leur nouvelle date d'audition comme l'ensemble des historiens qui devaient déposer depuis jeudi dernier et toute cette semaine sur Vichy, les autorités d'occupation et la préfecture de la Gironde.
L'audience a duré une vingtaine de minutes. Elle reprendra mercredi à 13 h 30, avec ou sans l'accusé, mais sur la base d'un avis médical qui permettra à la cour d'envisager l'avenir du procès avec une plus grande maîtrise.
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