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Arno Klarsfeld a t-il dégoupillé une grenade ou bien allumé la mèche d'un pétard mouillé? (Crédit A.F.P.)

Un ombre sur le procès - 29/01/1998

Le président de la cour d'assises estime qu'un lien éloigné de parenté avec une famille de victimes, révélé par Me Klarsfeld, n'altère en rien son impartialité

Bernadette DUBOURG

La stupeur, la colère et la réprobation ont accueilli les " révélations " de Me Arno Klarsfeld, mercredi soir, selon lesquelles le président de la cour d'assises, Jean-Louis Castagnède, serait apparenté à des victimes juives du convoi de décembre 1943, et pourrait donc être soupçonné de partialité.
Selon Me Klarsfeld, Esterina Benaim, dont la mère et les deux soeurs ont été raflées et déportées en décembre 1943, a épousé un oncle paternel de Jean-Louis Castagnède. C'est Mme Micheline Tauzia, demeurant à Anglet, la propre fille de Mme Benaim, décédée l'an dernier, qui aurait appris ce lien de parenté à Me Klarsfeld en lui rendant visite mercredi à son hôtel bordelais pour lui " demander des renseignements sur le sort de sa famille ".
Mercredi soir, le président Castagnède a fait savoir qu'il " tombait des nues ", qu'il ignorait le nom de sa tante et qu'il n'avait d'ailleurs plus de contact avec cette branche de la famille depuis la mort de son père, procureur à Saintes, alors qu'il avait 6 ans.

" Un juge impartial "

La seconde étonnée a été Juliette Drai-Benzazon, partie civile pour la famille Benaim : " Je ne savais même pas que la cousine de mon père avait épousé, en secondes noces, un Castagnède. On l'appelait " la muette ". Elle n'avait presque plus de relations avec nous ". Elle se demande également pourquoi Mme Micheline Tauzia n'a pas pris la peine de s'adresser à elle.
Les autres parties civiles, réunies hier matin, sont également très virulentes. Michel Slitinsky reproche ainsi à Me Klarsfeld de ne pas les avoir informés, " blâme sa démarche ", regrette qu'il " se soit placé sur le registre de Papon en considérant que si on est ami de Juifs, on s'apparente à des Juifs " et assure que " le président Castagnède, malgré des heurts, est un juge impartial. Il doit continuer sa route, le procès ne doit pas souffrir de cette péripétie ".
" Il y a longtemps que je vais de surprises en surprises. Les histoires de vedettariat nous échappent " ajoute Maurice-David Matisson pour lequel " la vérité doit se faire dans le prétoire " et qui, lui aussi, " renouvelle sa confiance absolue au président Castagnède, un homme honnête, un magistrat qui connaît le droit et l'exerce avec humanité, parfois même à notre détriment. Nous voulons que le procès continue ".
Les avocats des parties civiles n'ont pas davantage eu de contact avec leur jeune confrère dont ils déplorent régulièrement à l'audience, les interventions intempestives et le ton arrogant. Déjà, au début du procès, Me Klarsfeld avait lancé au président : " Pour vous aussi, il y a des juifs intéressants ".

" Souci de vérité "

" Comment peut-on imaginer qu'un magistrat accepte de présider une affaire s'il se sait lié à des victimes ? " interroge Me Michel Zaoui qui dénonce cette " attaque à l'homme, au magistrat, aux parties civiles et à l'institution judiciaire ". Il qualifie d'" inadmissible, infantile et irresponsable ", le comportement de ce " militant-avocat ", et trouve " intolérable cette pression sur la justice ". Il souhaite lui aussi que " cette position reste marginale " : " Le président doit rester, le procès continuer et les parties civiles reconnues comme victimes ".
Dès mercredi soir, le procureur général Henri Desclaux s'est élevé contre " des insinuations qui portent gravement atteinte à l'image d'un magistrat connu pour son indépendance, son honnêteté, sa droiture et sa rigueur juridique telles qu'ils les manifestent également depuis quatre mois ".
Me Klarsfeld qui est arrivé au palais de justice, grand sourire aux lèvres, a justifié son attitude par " un souci de vérité " afin que " cet argument ne puisse pas servir la défense " : " Si je l'ai appris, Me Varaut aurait pu l'apprendre et l'utiliser pour un pourvoi en cassation. Il y avait danger ". Cet argument souffre cependant des propres déclarations de son père Serge Klarsfeld, absent du procès mais dont l'ombre plane sans cesse sur les débats. Le président de l'association des Fils et Filles des Déportés Juifs de France a très clairement déclaré hier dans le Monde qu'il voulait " le départ de M. Castagnède ".
Arno Klarsfeld ajoutait d'ailleurs hors audience, que si Me Varaut ne déposait pas une requête en suspicion légitime contre le président de la cour d'assises, c'est lui qui le ferait, sans toutefois indiquer de délai ou préciser de date.
Me Varaut qui estime que " la mise en cause de l'impartialité du président Castagnède constitue un outrage sans précédent " n'a pas l'intention de demander la récusation du président. Dans un communiqué adressé de Paris, il renouvelle même sa " respectueuse confiance dans l'indépendance et l'impartialité de la cour d'assises de la Gironde ".
En fin de matinée, le président qui avait réuni les avocats des parties civiles, de la défense et les magistrats du ministère public pour " faire le point ", a estimé que ces événements n'étaient pas " de nature à altérer son impartialité passée, présente ou future " et qu'il " entendait continuer le procès ".
Mais quelle que soit la suite et l'issue du procès, le mal est déjà fait.


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