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Aimé Aubert à son arrivée au palais. (Crédit A.F.P.)

Un dossier sous le bras - 23/02/1998

Le deuxième assesseur a demandé à Maurice Papon de préciser ses actes de résistance

Compte rendu d'audience Bernadette DUBOURG

Lundi 23 février. Soixante douzième journée d'audience. La cour poursuit l'audition de témoins autour de la résistance - controversée - de Maurice Papon.
Mme Fabienne Feuillerat veuve Fayard, 84 ans, était sténo-dactylo au secrétariat général de la préfecture de la Gironde pendant l'Occupation. Elle est un des rares et précieux " témoins d'époque ". Très émue et encore fort déférante à l'égard de son ancien " patron ", cette dame se souvient d'un certain nombre d'événements qui attesteraient de l'aide apportée à la résistance par Maurice Papon. Elle raconte ainsi comment, un " père blanc dont je me demande toujours si c'était un vrai religieux ou un religieux d'occasion ", envoyé par le secrétaire général, s'était présenté dans son bureau pour faire tamponner des cartes d'identité.
Elle raconte également comment un soir de juin ou juillet 1944, deux policiers amis lui ont confié avoir intercepté un message des Allemands qui voulaient arrêter Maurice Papon. Ce dernier confirme : " Je sentais monter les périls. J'avais déjà pris un certain nombre de précautions. J'avais envoyé ma femme et ma fille à Salies de Béarn. Dès fin juin, la nuit, je me suis transformé en nomade, je dormais chez des amis ". Le procureur général Henri Desclaux s'étonne que les SS attendent la nuit pour tenter de l'arrêter. " Le jour, aussi, je prenais des précautions " assure Maurice Papon qui réplique vivement : " Je constate qu'après la journée de jeudi, vous voulez me faire passer pour un collaborationniste. Vous aurez du mal ".

"Un meeting"

Marie-Christine Jeanniot, 49 ans, est journaliste à l'hebdomadaire La Vie. Citée par les parties civiles, elle relate l'enquête qu'elle a réalisée en 1983 sur l'affaire Papon et évoque les témoignages qu'elle a recueillis de la part de nombreux membres du réseau Jade Amicol, " des gens aujourd'hui disparus, dont je me sens dépositaire de leurs paroles ". " Ces gens-là, assure-t-elle, m'ont dit qu'ils ne connaissaient pas Maurice Papon ".
Me Charrière-Bournazel s'intéresse plus particulièrement aux déclarations d'Odette Marchal, la secrétaire du père Dieuzayde, fondateur du réseau Jade Amicol. En 1981, elle avait indiqué, par l'intermédiaire de Mme Geneviève Thieuleux (absente du procès pour raison de santé) que le père Dieuzayde " lui avait fait part de ses actions de résistance avec Maurice Papon ". En 1983, toutefois, elle assurait qu'à " sa connaissance, Maurice Papon n'avait jamais appartenu au réseau Jade Amicol ".
Cette polémique est surtout l'occasion pour Maurice Papon, l'esprit particulièrement vif et le verbe combatif, de faire remarquer à Me Charrière Bournazel et à Me Jakubowicz que " leurs questions témoignent de leur absence au procès jeudi dernier ". Me Vuillemin s'étonne, pour sa part, qu'à l'époque, la journaliste de La Vie n'ait pas rencontré Alain Perpezat, Christian Souillac ou Christian Campet, trois anciens résistants qui ont témoigné, jeudi dernier, en faveur de Maurice Papon.
Henri Chassaing, 90 ans " et des poussières ", ancien secrétaire fédéral du parti communiste français, précise qu'il a lui-même demandé à être entendu par la cour " parce que j'ai vécu ce qui est un peu absent de ces débats, la résistance populaire à la montée du fascisme et à la répression de l'époque ".
Prisonnier et évadé, de retour à Bordeaux fin 1944 ou début 1945, Henri Chassaing " ne se souvient pas avoir personnellement rencontré Maurice Papon ", mais, pointant son doigt vers l'accusé, il hurle presque que " M. Papon était le véritable maître de la préfecture. Il a été envoyé par Laval, roi des collabo et collabo jusqu'au dernier moment, comme lui ". " Je dirai à M. Papon que j'ai un peu de mépris pour lui. Il doit être condamné ". Son discours s'achève dans un début d'applaudissements. " Pas de question après un discours politique " commente simplement Me Vuillemin. Avec ironie, Maurice Papon " félicite un homme de 90 ans d'avoir un tel tonus pour tenir un tel meeting ".

"Super-protégé"

Le deuxième assesseur, Mme Irène Carbonnier, demande alors à Maurice Papon de préciser ses actes de résistance. Sans se démonter, Maurice Papon énumère de nouveau " les renseignements politiques, civils et militaires, les vêtements civils pour les aviateurs et les cartes d'identité ". " J'étais super-protégé, rappelle-t-il. Je rendais des services par l'intermédiaire de MM. Souillac et Poitevin que je voyais souvent, dans son bureau, rue Esprit des Lois, à côté de la préfecture, ou lorsque nous dînions l'un chez l'autre. Les contacts étaient plus réguliers à la préfecture. On venait vois le secrétaire général, un dossier sous le bras ".
" Je n'ai pas tenu de journal de la résistance, conclut-il exaspéré. C'était la dernière chose à connaître ".
Aimé Aubert, 84 ans, est un ancien résistant du groupe Alliance, fondé par Marie-Madelaine Fourcade qui présidait, en 1981, le jury d'honneur réuni à la demande de Maurice Papon. " Je suis à même, ayant connu les membres du jury d'honneur et les nombreuses personnes qu'il a entendues, d'approuver ses conclusions sur l'authentique résistance de Maurice Papon " assure Aimé Aubert qui a rencontré l'accusé pour la première fois en 1958.
" Il ne faut pas s'étonner qu'il y ait eu des fonctionnaires de Vichy qui aient été, en même temps, des résistants efficaces " précise encore cet ancien résistant qui conclut d'ailleurs son propre témoignage en " saluant le résistant Maurice Papon ". Des mouvements de désapprobation s'élèvent dans la salle d'audience.
Il est 19 heures et trop tard pour entendre le cinquième témoin, Hubert de Beaufort, également cité par la défense. Le président Castagnède promet de l'entendre à la reprise de l'audience.
L'audience reprend à 13 h 30.


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