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Deux autres anciens fonctionnaires, Maurice Péreuilh et Yvette Chassagne née Brunetière, ancienne présidente d'une compagnie d'assurance nationalisée puis de la prévention routière. (Crédit A.F.P.)

Trois anciens fonctionnaires dubitatifs - 27/02/1998

Trois anciens fonctionnaires de la préfecture ont confié leur étonnement devant le maintien de l'administration de Vichy à la Libération

Compte rendu d'audience Bernadette DUBOURG

Vendredi 27 février. Soixante seizième journée d'audience. Me Michel Touzet a reçu une lettre de Max Villar contestant le témoignage de Francis Tesseron. Mercredi, ce dernier avait affirmé que sa mère, Yvette Poitevin, avait " amené les enfants du professeur Villar, gynécologue juif, de Bordeaux à Mont de Marsan, à la demande de Maurice Papon ". Dans son courrier, Max Villar indique que sa soeur et lui ont été conduits de Toulouse à Montauban et que son père " n'a jamais prononcé le nom de Maurice Papon ". " Il y a eu une inexactitude " convient Maurice Papon qui refuse d'être " traité de menteur ".
Me Gérard Boulanger dépose à son tour de nouvelles pièces au dossier et Me Varaut évoque encore " le brouillard que l'on veut mettre autour des témoignages qui ont pulvérisé la thèse des parties civiles ".
La cour poursuit l'examen de l'épuration administrative à Bordeaux, avec l'audition de trois anciens employés de la préfecture de Bordeaux, tous cités par le ministère public.

Des graffiti

Maurice Claux, 77 ans, ancien rédacteur stagiaire, raconte comment, en février 1943, il a été convoqué et " suspendu " par Maurice Papon pour avoir inscrit des " graffiti subversifs sur les murs des lavabos de la préfecture ", des Croix de Lorraine, des V (Victoire) et des H (honneur) comme il l'avait entendu sur Radio Londres. Deux ou trois jours après sa révocation " sans traitement ", Maurice Claux a été convoqué par le commissaire Poinsot puis quelques jours après, il a reçu son ordre de réquisition pour le service du travail obligatoire en Allemagne (STO).
" Si Maurice Papon était un sympathisant de la résistance, il ne m'aurait pas fait révoquer pour des réflexions favorables aux Alliés, et ne m'aurait pas fait envoyer indirectement ou directement chez Poinsot. S'il avait été simplement charitable et humain, s'il avait eu un éclair de générosité, il n'aurait pas brutalement envoyé à la rue un jeune homme orphelin, sans le sou " commente Maurice Claux.
" J'ai fait faire une enquête, explique Maurice Papon, et j'ai découvert qu'il faisait partie des Amis du Maréchal. Il y avait une contradiction entre le sujet et l'objet. J'ai pensé à un traquenard, pour m'éprouver, me mettre en difficulté ". Maurice Claux assure qu'il s'agissait d'une " adhésion formelle " pour obtenir un travail en 1941.
Maurice Papon lit surtout le rapport de Maurice Sabatier au ministère de l'Intérieur, où il indique que Maurice Claux a fabriqué trois fausses convocations de boulangers pour partir au STO. " Je ne connaissais pas ces personnes, se défend le témoin. J'avais simplement prêté mon tampon à des collègues blagueurs ".
Maurice Papon admet qu'il a lui-même commis une " erreur de jeunesse " en révoquant ce jeune homme : " Je ne le ferais plus aujourd'hui ".
En 1942, Maurice Pereuilh, 87 ans, était rédacteur au service du ravitaillement " où pendant un an, j'ai compté des oeufs ". Ce fonctionnaire en retraite qui ne sait rien du service " extrêmement secret " des questions juives, assure qu'à la préfecture de Bordeaux " on craignait beaucoup plus le cabinet que le secrétaire général ".
Il affirme surtout n'avoir " jamais pris Maurice Papon pour un grand résistant, ni pour un résistant tout court ", tout en convenant qu'il a " du rendre des services à la résistance en 1944, quand l'ambiance est devenue différente ". Cinquante trois ans après, cependant, il se demande toujours " pourquoi on a gardé l'administration de Vichy alors qu'on était de nouveau en République " et comment Maurice Papon est devenu le directeur de cabinet du nouveau commissaire de la République, Gaston Cusin. " Il a du lui rendre de fiers services " pense-t-il. Il convient aussi que " des gars comme Papon pensaient à leur carrière, à faire le moins de mal possible aux Français. Leur situation leur imposait d'obéir aux ordres de Vichy et de ne pas les contrecarrer ". " Vous aussi, vous avez servi Vichy " lui adresse Maurice Papon. " J'ai pensé à partir mais j'avais une famille. De toute façon, je n'ai rien fait contre personne " se défend le témoin
Yvette Chassagne, 76 ans, ancien préfet et déléguée à la sécurité routière, était rédactrice auxiliaire à la préfecture de Bordeaux en 43-44. Son témoignage est extrêmement mesuré : " Si le secrétaire général appartenait à une organisation résistance, il n'en aurait pas fait confidence aux employés de la préfecture ".
Dans une de ses dépositions, Maurice Papon l'a désignée comme l'un des intermédiaires qui prévenait les familles juives des rafles. " Je n'ai pas de réponse positive à l'esprit. Il est possible que j'ai transmis des messages du cabinet du secrétaire général mais sans les identifier comme tels ". " Si j'avais pu le faire, je l'aurais fait, mais j'ai très nettement le sentiment de ne pas l'avoir fait " précise-t-elle, " avec le risque d'une mémoire infidèle ".
Quant à l'épuration, son " sentiment personnel " est qu'on a " été bienveillant pour les personnes qui avaient manifesté une certaine sympathie pour le régime de Pétain ".
Le président lit la déposition de Fernand Sampieri, 86 ans. ancien commis au cabinet du préfet. Devant le juge d'instruction, il affirmait que " l'atmosphère à la préfecture était détestable, il régnait un climat de suspicion générale ". Il dit aussi que " Papon était connu pour ses sentiments pétainistes, c'était un fonctionnaire brillant et ambitieux qui souhaitait brûler les étapes ".
En fin d'audience, le bâtonnier Favreau s'étonne que le seul épuré de la préfecture de Bordeaux ait été le sous-préfet Louis Boucoiran, le plus discret de la hiérarchie. " Il est difficile de répondre dans la pagaille de la Libération. Le mot est du Général de Gaulle " précise Maurice Papon.
L'audience reprend lundi à 13 h 30.


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