Maurice Papon hier et aujourd'hui (Crédit A.F.P.)
En Europe
La presse européenne insiste vendredi sur la valeur de symbole et d'exemple au plan universel de la condamnation jeudi du Français Maurice Papon à dix ans de réclusion criminelle pour complicité de crimes contre l'humanité.
Ainsi, au Danemark, l'éditorialiste de Jyllands-Posten (conservateur) considère que " le jugement est une leçon à retenir pour les générations à venir sur l'antisémitisme et le racisme. Il envoie un signal important à d'autres criminels de guerre où qu'ils se cachent au Rwanda, en Bosnie ou en Algérie, pour montrer que le temps n'effacera jamais leurs responsabilités ".
Le quotidien francophone belge Le Soir abonde dans le même sens, lorsqu'il remarque que le procès de Maurice Papon " dépasse la France ".
" Voilà qui servira d'avertissement à tous ceux qui, à l'avenir, chercheront à se cacher derrière un formulaire ou ouvriront le parapluie de l'obéissance hiérarchique. (...) Dans certaines circonstances, la désobéissance devient un impératif absolu ", renchérit l'éditorial de la Tribune de Genève.
Fait notable toutefois, les éditoriaux en Suisse n'établissent pas de parallèle avec l'introspection à laquelle ce pays a été forcé de se livrer par la polémique sur les fonds juifs en déshérence et l'or nazi.
Si le caractère universel des leçons à tirer du jugement de jeudi ne lui a pas échappé, la presse européenne m'omet pas pour autant de mettre en exergue l'impact de cette affaire pour la France, qui, pour le quotidien italien Corriere della Sera, " a retrouvé la mémoire ".
" Le temps était venu pour la France de payer le passé honteux de Vichy collaborationniste dans un acte symbolique et vigoureux ", affirme notamment en Grande-Bretagne The Daily Telegraph.
Point de vue similaire dans le journal allemand Sueddeutsche Zeitung (centre-gauche), qui perçoit le procès comme " une leçon sur le passé de la France ".
La condamnation de Maurice Papon a, en outre, une importance fondamentale pour le présent de la France, constatent de nombreux médias.
C'est ce qu'estime, par exemple, le quotidien indépendant danois Information : " la fin du procès Papon survient dans une situation politique où l'écho de Vichy résonne encore une fois en France. Vichy (...) c'était le fascisme à la française, sous le nom de la Révolution nationale. Le parti du Front national (extrême droite), au centre du débat actuel en France, est le descendant d'un tel mouvement ".
En Allemagne, la Frankfurter Rundschau (gauche) évoque, à cet égard, le " hasard symbolique " qui a fait tomber la condamnation de Maurice Papon le jour où le président du Front national Jean-Marie Le Pen était condamné à deux ans d'inéligibilité, et en Espagne, El Pais (proche des socialistes), se félicite de cette " heureuse " coïncidence.
La peine infligée à Maurice Papon fait elle aussi couler beaucoup d'encre.
" Le procès Papon se termine par un jugement-compromis : dix ans ", titre le quotidien autrichien die Presse, la Tribune de Genève parlant de " Verdict raisonné et raisonnable ".
" La sentence de 10 ans semble dérisoire pour des crimes contre l'humanité, mais aussi monstrueux qu'aient été les crimes de M. Papon, il aurait été faux de le placer au même rang qu'Eichmann ", le responsable nazi de la " solution finale du problème juif ", écrit, quant à lui, le Times de Londres.
Mais le quotidien de Rome La Repubblica titre à la une " Papon, la sentence incomplète " et considère que " l'ex-fonctionnaire de Vichy accusé de séquestration de nombreux juifs de Bordeaux ensuite morts dans les camps nazis a eu une condamnation légère ".
La conclusion revient au Correio da Manha (Portugal) qui avertit que le verdict " ne va, en aucune façon, mettre un point final " à " l'un des chapitres les plus noirs de l'Histoire de France ".
L'Eglise catholique italienne reconnaît qu'il y a eu de l'antisémitisme en Italie, en demande pardon aux juifs et exprime son repentir, dans un document de la Conférence Episcopale Italienne (CEI), rendu public vendredi, à Rome, par la communauté juive italienne.
Ce document, signé de Mgr Giuseppe Chiaretti, président du Secrétariat de la CEI pour l'oecuménisme et le dialogue, est une lettre datée du 16 mars, remise au grand Rabbin de Rome Elio Toaff, et à la présidente de l'Union des communautés juives d'Italie Tullia Zevi. Le même jour avait été publié par le Vatican un document sur " l'indicible tragédie " de la Shoah.
" Les temps actuels nous demandent, quel que fut notre passé, de reconnaître la vérité des faits et des responsabilités, aussi douloureuse soit-elle ", souligne la lettre du Secrétariat de la CEI.
" Il est vrai qu'il y a eu en Italie un antisémitisme d'Etat, et non pas du peuple, mais cela n'empêche pas qu'il s'agisse d'une page sombre de l'histoire récente de notre pays ", précise la lettre.
" La communauté ecclésiale, non seulement a pendant longtemps entretenu des interprétations erronées et injustes de la Bible, mais elle n'a pas su témoigner d'une énergie capable de dénoncer et de s'opposer avec force, et au moment voulu, à l'injustice qui vous frappait ", ajoute-t-elle.
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