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Maurice Papon, toujours la même autorité hautaine. (Crédit A.F.P.)

Papon-réponse-à-tout - 09/02/1998

Maurice Papon a répliqué avec toujours autant de virulence aux avocats des parties civiles

Compte-rendu d'audience Bernadette DUBOURG

Lundi 9 février. Soixante quatrième journée d'audience. Les avocats des parties civiles interrogent - à leur tour - Maurice Papon sur la rafle du 10 janvier 1944 et le convoi du 12 janvier 1944 qui a conduit 317 juifs de Bordeaux au camp de Drancy, avant leur déportation à Auschwitz. Courtois avec le président, distant avec le procureur général, Maurice Papon est souvent méprisant, voire agressif, avec les avocats des parties civiles.
Au préalable, Me Francis Vuillemin verse une nouvelle pièce aux débats. Il s'agit de la confrontation entre André Torres, rescapé d'Auschwitz et Lucien Dehan, en septembre 1947. La preuve, pour la défense, que les listes des juifs à arrêter le 10 janvier 1944, ont été communiquées par les Allemands eux-mêmes. " Tout autre soupçon serait un viol de la vérité " ajoute Maurice Papon. Ni les parties civiles, ni l'accusation, on s'en doute, ne partagent cette analyse. Le sujet n'est pas clos.

Les listes

Premier avocat des parties civiles à prendre la parole, Me Touzet voudrait savoir à quel moment Maurice Papon a appris que les juifs arrêtés dans la nuit du 10 au 11 janvier 1944 allaient être détenus à la synagogue de Bordeaux, où ils sont restés deux jours : " Je suis incapable de donner l'heure, je ne tiens pas un carnet de bord " réplique avec une pointe d'ironie Maurice Papon. Pourquoi à la synagogue ? " Sans nul doute, c'est la vengeance des SS à la suite de la fuite du Grand Rabbin (le 17 décembre 1943) ".
Me Touzet évoque également " la frénésie " et le zèle de la préfecture qui prépare la rafle, l'après-midi même du 10 janvier, alors que le gouvernement de Vichy n'a pas encore donné son accord. " C'était plutôt l'angoisse, il (Me Touzet) persiste à confondre l'opérationnel et l'humanitaire. Il serait sage de mettre enfin le mot " zèle " au grenier " rectifie Maurice Papon.
Me Alain Levy ramène le débat sur les listes. La semaine dernière, Maurice Papon a affirmé que la préfecture ne les a pas fournies aux Allemands. Il a même expliqué que les listes avaient probablement être données par la SEC aux Allemands qui les avaient, à leur tour, communiquées à l'Intendant de police. " Je le soutiens d'une manière définitive et absolue " persiste-t-il.
" Comment la SEC a-t-elle élaboré son fichier? " poursuit Me Levy. " Ce doit être sûrement dans le dossier Dehan ! " lâche l'accusé. Pour démontrer que le service des questions juives est à l'origine des listes, Me Levy rappelle la note de Pierre Garat (décembre 1942), destinée à informer la SEC des changements de situation des Juifs, la note de Maurice Papon (mars 1943) qui informe la SEC de changements d'adresse de juifs, puis une dernière note de Jacques Dubarry (mars 1944) qui mentionne que Lucien Dehan a demandé à consulter la liste de la préfecture. " Vous pratiquez le syllogisme comme du samsamgum... vous fabriquez à chaque instant la réalité qui vous arrange, je ne suis pas d'accord avec vous " s'énerve Maurice Papon.

" J'en ai assez "

L'accusé regarde à peine Me Arno Klarsfled qu'il appelait la semaine dernière " l'interpellateur ". " Je me bats pour la justice, qu'elle frappe autrui, mes proches ou moi même. Après on s'occupera de la mort. On s'occupe d'abord de la justice " confie-t-il à la cour.
Il reste sur le registre de la confidence, lorsque Me Caroline Daigueperse s'émeut des " conditions effroyables dans lesquelles les juifs ont été parqués au temple " et s'étonne que le secrétaire général de la préfecture ne se soit pas rendu à la Synagogue : " On est amené à dire des choses qu'on préférait garder dans son coeur... Si je dis que je n'ai pas eu le courage d'y aller parce que les sentiments d'un jeune homme de 30 ans n'étaient pas encore fait aux coups de l'existence. Maintenant, l'existence m'a donné assez de coups pour savoir où j'en suis ".
Mais lorsqu'elle insiste sur " les limites de la solidarité " avec Maurice Sabatier, il se lève prestement et pointe son doigt vers l'avocate : " Vous vous trompez d'objectif. Si, à mon âge, je peux vous donner un conseil, trop, c'est trop. Je vous ai répondu tout à l'heure, j'en ai assez ". Il s'écrie même : " Vous le lirez dans mes mémoires ".
Il ne retrouve guère son calme avec Me Gérard Boulanger qui demande à l'ancien secrétaire général de la préfecture pourquoi le rapport détaillé de la journée du 10 janvier 1944 a été co-signé par Maurice Sabatier, Maurice Papon, Jean Chapel, André Fredou et René Duchon. " Il aurait fallu le demander à Maurice Sabatier. On avait le temps, il a disparu en 1990. On s'en est bien gardé ". " C'est une sorte d'assurance mutuelle " constate Me Boulanger. " On revient à l'Inquisition qui ne vous est pas tout à fait étrangère, vous voyez ce que je veux dire " lâche encore Maurice Papon.
Ce mardi, la parole est à la défense avant l'audition des parties civiles.


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