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Me Jean Marc Varaut a soutenu l'accusé en affirmant que les arrestations étaient d'abord le fait des allemands. (crédit Daniel)

M. Papon nie avoir eu des contacts avec la Gestapo - 13/11/1997

Interrogé hier sur ses relations avec les autorités d'occupation à Bordeaux, Maurice Papon a nié avoir eu des contacts directs avec la Gestapo ou le KDS

Compte rendu d'audience Bernadette DUBOURG

Jeudi 13 novembre. Vingt deuxième journée d'audience. Me Touzet demande au président de lui donner acte de l'accusation de " faussaire " portée par Maurice Papon contre Michel Slitinsky, partie civile, à l'audience du 7 novembre dernier. En réponse, Me Varaut ne demande pas acte des propos tenus la veille par Me Levy, traitant Maurice Papon de " menteur et d'escroc ". Ambiance.
Puis c'est au tour de Me Joe Nordman, organisateur du premier réseau de résistance au palais de justice de Paris, de souligner " les paradoxes de la résistance de Maurice Papon ".
Lorsque le bâtonnier Favreau retrouve la parole qu'il avait demandée la veille, juste avant la suspension d'audience, c'est pour observer : " Le secrétaire général n'était pas un simple porte-plume, irresponsable et incompétent. Il était un préfet bis ". Maurice Papon feint ostensiblement de se désintéresser de ce nouveau débat sur " délégation de signature, de compétence et de pouvoir ", en feuilletant l'expertise historique annulée, que Me Varaut a fait rééditer et verser au dossier en cours d'instruction.

"Un véritable tandem"

Par contre, l'accusé porte une grand attention aux questions de Me Michel Zaoui dont il salue d'ailleurs " la courtoisie ". L'avocat de plusieurs associations d'anciens déportés juifs, lui demande d'abord de décrire " une journée classique à la préfecture de Bordeaux ". Puis, calmement, méthodiquement, il précise ses questions pour démontrer que " le préfet régional et le secrétaire général formaient un véritable tandem qui reposait sur la confiance, l'estime, une très grande proximité, et dont se dégage une volonté unique. Lorsqu'une décision était prise, le secrétaire général collait tellement à son patron que la décision était la sienne ".
Maurice Papon qui fait preuve d'une vigilance constante, flaire les pièges : " L'osmose n'était pas systématique. Vous faites une théorie générale sur un cas particulier ". Petit à petit, les réponses deviennent plus vives et Maurice Papon, qui tousse parfois dans son mouchoir, répète encore : " La responsabilité ne se divise pas, l'autorité ne se partage pas ". " La responsabilité ne se divise pas, en effet, elle est unique et totale pour l'un comme pour l'autre " conclut Me Zaoui.
D'autres parties civiles n'ont pas la sobriété et le calme de Me Zaoui. " Tous ces échanges, avec le recul du temps, auront perdu beaucoup de leur importance " ponctue d'ailleurs le président pour mettre un terme à cette partie du débat.
Il aborde alors un des dernières volets sur " l'environnement du procès " : Les relations de la préfecture de Bordeaux avec les autorités d'occupation.
Maurice Papon est très ferme : " Quand j'ai pris mes fonctions à Bordeaux - le 1er juin 1942 -, Maurice Sabatier m'a chargé des relations avec les autorités allemandes. Je n'avais de relations qu'avec la Felkommandatur 529 qui représentait l'administration militaire allemande en Aquitaine. Les responsables me semblaient même anti-nazis ".
Maurice Papon poursuit : " J'ai saisi l'occasion de deux ou trois affaires pour leur prouver que je ne me moquais pas d'eux et ne les trompais pas. Ils ont été épatés. J'ai pu obtenir des choses que je n'aurais pas obtenu avec une attitude agressive. C'est que la défense de la France et de mes compatriotes requiert plusieurs méthodes, adaptées aux psychologies des vis à vis. C'est comme ça que j'ai pu donner au réseau Kleber des informations pour les alliés ".
Par contre, Maurice Papon nie avoir eu le moindre " contact physique avec le KDS ", service de la police allemande mis en place à Bordeaux en mai 1942 et qui a hérité des attributions de la Feldkommandatur pour les lois d'exception et les lois anti-juives. " Pour préserver ma liberté d'action, j'avais laissé en voltigeur avancé (Pierre) Garat qui avait seul des relations avec Doberchutz. Ceci offrait beaucoup d'avantages. Garat venait rendre compte des conversations et des contacts avec le KDS et cela permettait de donner au préfet régional un délai de réflexion, le temps de lancer une contre offensive, voir comment on allait sauver les gens. Cette tactique a permis de sauver beaucoup de vie ". Murmure de désapprobation dans la salle d'audience.
Comme pour lui-même, Maurice Papon ajoute : " J'ai été, je suis et je reste profondément étonné que M. Doberschutz n'ait pas été inculpé dans ce procès par le ministère public ".
Sur question du président, il répète : " Je n'ai négocié aucune affaire juive, c'est très net, très présent dans mon esprit ". Avant de suspendre l'audience, le président rappelle les nombreuses lois d'exclusion, appliquées par le service des questions juives, avant même l'arrivée de Maurice Papon à Bordeaux.
A la reprise, les parties civiles interrogent Maurice Papon dans tous les sens. " Je n'ai pas prêté serment au maréchal Pétain " se défend l'accusé, alors que Me Arno Klarsfeld tend un extrait de " la Petite Gironde " du 9 juin 1942. Me Levy voudrait connaître les noms des 130 Juifs que Maurice Papon affirme avoir sauvés. " Je vais reprendre le dossier et j'apporterai la liste " s'énerve l'accusé, comme à chaque fois que la fatigue le gagne.
Me Jakubowicz puis Me Boulanger s'étonnent qu'il n'ait " jamais évoqué ces faits d'armes avant 1954 ", lorsqu'il a demandé son affiliation à la résistance. " Pudeur et dignité. Ce sont les valeurs que j'ai reçues ".
Me Touzet ironise sur cette " mémoire opportunément défaillante ". Me Tubiana revient sur les actes de sabotage des circulaires d'application des lois anti-juives dont il veut des exemples concrets. " J'ai une mémoire abstraite, la philosophie m'a toujours intéressé, je constate par malheur que je n'ai pas la mémoire des images " lâche l'accusé.
Alors que Me Favreau revient sur les radiations des Juifs, C'est le président qui intervient pour regretter la confusion des interventions des avocats : " C'est une audience que je dirige avec le plus de souplesse possible. La limite de cette souplesse, c'est que le débat soit intelligible pour la cour et les jurés... On revient sur des sujets déjà abordés, je ne voudrais pas que les efforts des uns et des autres soient réduits à néant en fin de journée. C'est une constatation que je fais après plusieurs jours d'audience ". Deux avocats ont encore demandé la parole. Ils l'auront aujourd'hui avant que le président n'interroge plus particulièrement l'accusé sur le service des questions juives et entende un témoin de dernière minute, Christiane Hippolyte, ancienne employée de ce service, qui s'est manifestée la semaine dernière.
L'audience reprend ce vendredi à 13 h 30.


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