D'autres résistants ont apporté hier à Maurice Papon le soutien des Gaullistes
Compte rendu d'audience de Bernadette DUBOURG
Mercredi 25 février. Soixante quatorzième journée d'audience. Francis Tesseron, 67 ans, est le beau-fils de Jean Poitevin, un des responsables du réseau Jade Amicol. « C'est ma mère qui devrait être là, explique cet industriel. Mais elle est décédée en mars dernier et je me devais de la remplacer ».
Il assure ainsi que sa mère, ambulancière et infirmière a « amené des enfants juifs, en zone libre, à la demande de Maurice Papon ». Sur question d'un juré, il précise qu'elle a « conduit les enfants du grand gynécologue juif, Jean Villar, à Mont de Marsan ».
« De la même façon, ajoute Francis Tesseron, Maurice Papon a prévenu Jean Poitevin des rafles en 42, 43 et 44, qui a lui-même pu intervenir auprès des familles ».
Francis Tesseron qui confesse n'avoir pas toujours trouvé Maurice Papon « très sympathique, mais avoir découvert sa sensibilité à la lecture de ses oeuvres », affirme : « On l'attaque, il ne fuit pas, il faitface. Rien que sa présence est une preuve d'innocence ».
Maurice Papon lit alors la lettre que lui a adressée Yvette Poitevin, la veille de sa mort : « Sachez que je n'ai jamais cessé jusqu'à la fin de partager votre souci, j'ai prié Dieu de vous en débarasser... Je vous souhaite la paix ».
Président du Conseil Economique et Social, Jean Matteoli, 75 ans, est également président de la Fondation de la Résistance et président d'honneur de la Fédération nationale des déportés, internés et résistants. Il est cité comme témoin par la défense de Maurice Papon alors que son association est partie civile. Une des ambiguités de ce procès.
Jean Matteoli a rencontré pour la première fois Maurice Papon au gouvernement Raymond Barre. « Je ne puis rien dire sur son attitude pendant la guerre, je ne sais pas ce qu'il a fait ou n'a pas fait » prévient Jean Matteoli, rapportant tout au plus une confidence de Maurice Bourgès-Maunoury : « Pendant cette période, Maurice Papon n'a jamais rien fait qui n'ait été sous les ordres ou le contrôle de la résistance ». « Doit-on s'étonner de cette assistance donnée à la résistance, concomittemment à son appartenance à l'administration? » interroge Jean Matteoli dont le témoignage porte surtout sur la connaissance du sort des déportés.
Il est un des rares survivants de Bergen-Belsen : « La localisaion des camps était connue dès l'arrivée des nazis au pouvoir, affirme-t- il, mais comment imaginer ce qui se passait à l'intérieur des camps ? On imaginait des camps de travail, des camps de prisonniers en plus sévère. Si nous avions su, pourrait- on admettre que par une incroyable inconséquence, on n'ait rien prévu pour la libération des camps ? Je considère que c'est incroyable et personnellement, je n'y crois pas. En vous laissant avec cette question, je vous laisse aussi avec la responsabilité de la réponse que l'on doit y apporter ».
Jean Jaudel, 88 ans, un des derniers survivants du réseau du Musée de L'homme, est un Gaulliste qui « vient apporter son soutien à un autre gaulliste ». Il témoigne ainsi de « l'estime, du sentiment d'admiration et d'amitié » que ses amis portent au préfet de police du général de Gaulle : « Ils veulent tous le défendre. Ils ne comprennent pas pourquoi il est attaqué et déshonoré ».
« De Gaulle n'aurait jamais accepté ce procès. C'est le procès de la résistance, du gaullisme et du général de Gaulle » s'enflamme cet homme qui achève son témoignage par cette injonction : « Juifs, mes amis juifs, je vous demande de ne pas tolérer qu'on condamne Papon, la résistance vous le demande. Vive la France, vive Papon, vive la République ». Me Blet et Me Lorach, avocats d'associations d'anciens combattants, s'insurgent contre ces propos.
Francis Graeve, 85 ans, est une « amitié de jeunesse » de Maurice Papon qu'il a croisé sur les bancs de la faculté où « on nous enseignait le service de l'Etat » et qu'il a retrouvé dans la préfectorale où il a pu apprécier ses « qualités morales et professionnelles ». Il est un témoin de moralité que la cour n'avait pu entendre, faute de temps, en début de procès.
« Il ne s'agit ni du procès de la résistance, ni du procès du gaullisme, ni du général de Gaulle, mais le procès d'un homme et des faits qui lui sont reprochés » répète une nouvelle fois le procureur général Henri Desclaux.
Roger de la Rochefoucault, 73 ans, évadé du Fort du Hâ, et résistant dans le Maquis de la Pointe de Graves a entendu que « des juifs avaient été prévenus par la préfecture qu'il y aurait des rafles mais n'y avaient pas cru ». Il considère d'ailleurs que Maurice Papon faisait partie de « ces hommes courageux », ces « fonctionnairs qui prenaient des risques en renseignant la résistance pour aider les Alliés ». Maurice Bourgès-Maunoury lui a rapporté un propos du Général de Gaulle : « Maurice Papon était avec moi en 44, il a beaucoup aidé Cusin (commissaire de la République à la Libération) ».
En fin d'audience, le président lit les dépositions de Geneviève Thieuleux, Roger Samuel Bloch, Jacques Chaban-Delmas (dans l'impossibilité de se déplacer), de Guy Jousselin de Saint Hilaire et Gaston Cusin, décédés.
Aujourd'hui, la cour doit aborder le dernier volet du procès, l'épuration.
L'audience reprend à 13 h 30.
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