Cet agent du réseau Jove fut fusillé au camp de Souge. Joffrette, son épouse, ignorait tout de ses activités de résistant. Elle raconte
Dominique MANENC
Ils s'étaient rencontrés à un bal de quartier de Mérignac, au Bourdillot. Robert Laurent était chargé d'organiser la fête, Joffrette, pianiste-accordéoniste, faisait partie de l'orchestre. C'était en 1940. Ils avaient 25 ans. Coup de foudre.
Ils se marient et s'installent à Eysines. Joffrette donne des cours de piano, Robert, qui participe à des courses cyclistes pour le plaisir, répare les vélos dans un petit atelier du Grand Louis, pour gagner sa vie.
Joffrette ignore tout de la " seconde vie " de son mari, qui dans le réseau Jove, se fait appeler " Rustine ". " Le 27 août 42, alors que nous étions partis à la plage, les Allemands sont venus chercher Robert. A notre retour, les voisins nous ont prévenus. Je ne comprenais pas ce qui arrivait. Robert n'a pas voulu quitter la maison de peur qu'on s'en prenne à sa famille. Le lendemain, ce sont les Français qui sont arrivés à la maison. La brigade à Poinsot. Ils lui ont mis les menottes que j'ai essayé de dissimuler sous une serviette quand ils l'ont emmené faire un tour dans le quartier. J'ai insisté pour le suivre, commençant à me douter de quelque chose. On m'a emmenée à la caserne Boudet. Poinsot m'a interrogée, me donnant du " madame ". Je lui ai dit que mon mari n'avait ni tué ni volé. Il m'a répondu : " Vous jouez sur les mots ". On m'a transférée au fort de Romainville. Je n'ai jamais revu Robert. "
Durant sa détention, Joffrette , qui attend un bébé, reçoit deux lettres de Robert. Dans la seconde, il écrit : " " J'espère que nous aurons un joli petit garçon ". La date de l'accouchement approchant, Joffrette est libérée et hospitalisée au Val de Grâce : " Au même moment, 230 de mes camarades de captivité sont parties pour Auschwitz. 49 sont revenues ". Monique naît le 8 mai 43. Joffrette regagne Eysines avec le bébé. " C'est ma mère qui m'a appris la mort de Robert, "dit Joffrette." Il avait été fusillé le 21 septembre 1942 au camp de Souge. Ce jour-là, ils en avaient passé 70 par les armes, de 5 h à 23 h. Un an et treize jours après mon mariage, j'étais veuve, enceinte et en prison ! "
Joffrette ne savait pas que son mari, entré dans le réseau Jove le 1er novembre 1940, sous le numéro 282 comme chargé de mission de 3ème classe, avait aidé deux Polonais et quatre Français à s'évader du camp du Mérignac : " Je me suis alors souvenue qu'à deux reprises il était rentré à la maison après le couvre-feu et que pour toute justification,il m'avait dit : " Je ne peux pas t'expliquer, ce serait trop long ! ". Robert Laurent avait été dénoncé. Il avait 27 ans.
Joffrette a conservé les documents attestant des activités de résistant de son mari. L'un d'eux est signé du Marshal Field B.L Montgomery, commandant la 21 ème armée : " Pour l'aide rendu par Robert Laurent comme volontaire des Nations Unies qui a donné sa vie pour que l'Europe soit libre ".
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