Le procès Papon en question - 28/11/1997

Avec un nouveau report des audiences au 4 décembre, les questions se multiplient autour de la poursuite du procès de Maurice Papon

Le procès de Maurice Papon pour " crimes contre l'humanité " a débuté le mercredi 8 octobre devant la cour d'assises de la Gironde. Mais depuis huit semaines, la cour n'a réellement siégé que cinq semaines.
Les débats ont été une première fois interrompus du 23 au 30 octobre alors que Maurice Papon était hospitalisé au centre cardiologique de Haut-Lévêque à Pessac, dans la banlieue de Bordeaux, pour une bronchite.
Le procès a été une deuxième fois arrêté le 17 novembre, à la suite d'une nouvelle hospitalisation de Maurice Papon qui souffre cette fois-ci d'une pneumopathie. Selon les conclusions de l'expert René Pariente, l'accusé devrait rester hospitalisé deux semaines et demi et revenir devant la cour d'assises jeudi prochain 4 décembre. Depuis cette deuxième suspension, les questions se multiplient autour de la poursuite du procès et des conditions dans lesquelles Maurice Papon, âgé de 87 ans, pourra être jugé.
Le procès reprendra-t-il bien jeudi prochain ? Cela dépend de l'état de santé de Maurice Papon qui est soigné depuis près de deux semaines pour une pneumopathie récidivante. L'expert médical René Pariente prend d'ailleurs la précaution d'indiquer en fin de son rapport que Maurice Papon pourra de nouveau comparaître le 4 décembre, " sauf complications ". Il avait déjà conclu ainsi fin octobre. Deux semaines plus tard, Maurice Papon était de nouveau hospitalisé.

Retour en prison ?

Maurice Papon peut-il rester à l'hôpital, tout en comparaissant l'après-midi devant les assises ? C'est la solution qu'avaient préconisée le parquet général et les parties civiles au début du procès, si Maurice Papon était resté détenu. Mais Maurice Papon est libre. Et cette éventualité ne dépend plus de la justice. Seuls des médecins pourraient prescrire une hospitalisation à domicile, comme souhaitée d'ailleurs par la défense.
Peut-il retourner en prison ? La cour de cassation n'a toujours pas évoqué le pourvoi formé par le parquet général contre l'arrêt de la cour d'assises qui, deux jours après le début du procès, a prononcé la remise en liberté de Maurice Papon. La cour de cassation n'est d'ailleurs tenue par aucun délai. Cependant, si elle annulait cette décision avant la fin du procès, Maurice Papon serait immédiatement réincarcéré (en prison ou à l'hôpital). Il aurait, ensuite, la possibilité de déposer une nouvelle demande de mise en liberté que la cour examinerait aussitôt.
Peut-il être jugé en son absence ? Sauf si Maurice Papon refusait expressément d'assister à son procès, celui-ci ne peut pas se poursuivre sans lui. L'accusé doit, en effet, être obligatoirement présent devant la cour d'assises. De la même manière, un procès commencé doit se poursuivre jusqu'au verdict, même s'il est régulièrement entrecoupé de suspensions d'audiences.

Le plus long procès de France

Ces longues interruptions ne nuisent-elles pas à la compréhension du procès ? Me Jean-Marc Varaut estimait la semaine dernière que la procédure d'assises est dénaturée car l'oralité des débats n'est plus assurée. Me Michel Zaoui fait par contre remarquer que les jurés sont très attentifs, prennent de nombreuses notes et sont tout à fait capables de garder en mémoire des choses vues ou entendus plusieurs jours plus tôt. " Ils sont tous là, ce qui prouve qu'ils ont conscience du caractère et des enjeux exceptionnels de ce procès " ajoutait l'avocat jeudi.
Le procès peut-il être arrêté ou renvoyé ? Seul le décès de l'accusé peut entraîner l'arrêt du procès. Par contre, la cour peut à tout moment prononcer le renvoi. Elle peut, en effet, estimer qu'elle n'est plus en mesure de poursuivre les débats, soit en raison de l'état de santé de l'accusé, constaté par certificat médical, soit parce que le procès, trop souvent interrompu, n'a plus de sens. Un renvoi équivaudrait cependant à un arrêt. Car on imagine mal que le procès recommence totalement à zéro dans plusieurs mois, avec un accusé forcément plus âgé et probablement plus malade.
Combien de temps peut durer le procès ? Aussi longtemps que nécessaire. Dans l'état actuel des prévisions, il devrait se poursuivre jusqu'en février, voire mars. Avant même de commencer, il s'annonçait déjà comme le plus long procès jamais connu en France. Le procès de Klaus Barbie à Lyon a duré un mois et demi, du 11 mai au 4 juillet 1987, et le procès de Paul Touvier à Versailles, encore moins longtemps, du 17 avril au 20 mars 1992.
Que deviennent les témoins qui étaient convoqués à des dates précises ? Les services du parquet général ont avisés les cinquante cinq témoins qui doivent encore être entendus, de ne pas se déplacer à la date initialement indiquée et d'attendre d'être de nouveau contactés pour connaître leur nouvelle date d'audition.

Seconde section d'Assise

Que deviennent les jurés ? Lorsque le procès est suspendu, les dix huit-huit jurés (9 titulaires et 9 suppléants), dix femmes et huit hommes, d'une moyenne d'âge de 43 ans, parmi lesquels deux retraités, deux sans-emploi et quatorze salariés, sont libres de vaquer à leurs occupations. Y compris de reprendre temporairement leur travail s'ils le souhaitent. Il leur est juste interdit de parler du procès.
Les jurés sont-ils payés ? Ils perçoivent une indemnité de session de 350 F par jour à laquelle s'ajoute une indemnité supplémentaire voisine de 300 F, uniquement pour les salariés qui justifient d'une perte de salaire. S'ils continuent à percevoir leur salaire, ce sont leurs employeurs qui pourront être dédommagés. S'ajoute également pour les jurés, le remboursement des frais de transport, chaque fois qu'ils se rendent au tribunal.
Qu'en est-il des autres accusés qui attendent d'être jugés devant la cour d'assises de la Gironde ? La cour d'appel de Bordeaux a décidé, la semaine dernière, de créer une seconde section de la cour d'assises qui siégera à partir du mois de janvier, sous la présidence de M. Albert, conseiller à la cour, dans l'actuelle chambre des appels correctionnels. Deux sessions sont déjà prévues en janvier et février et devraient permettre de juger une quinzaine d'affaires. Cette seconde cour d'assises disparaîtra lorsque le procès Papon sera terminé.


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