Jeannette, 9 ans, Maurice, 7 ans, Simon, 5 ans, et Léon, 2 ans (absent de la photo) ont été déportés avec leur mère Charlotte Gryf. (reproduction SO)
La cour d'assises commence à examiner aujourd'hui le deuxième convoi parti de Bordeaux pour Drancy le 26 août 1942, avec 443 juifs
Bernadette DUBOURG
Cette douzième semaine du procès de Maurice Papon devant les assises de la Gironde sera relativement courte. La cour ne doit, en effet, siéger qu'aujourd'hui et demain avant de suspendre ses audiences pour Noël. La cour se réunira de nouveau, lundi et mardi prochains, avant une nouvelle suspension pour les fêtes de fin d'année.
Aujourd'hui, elle commence l'examen du convoi du 26 août 1942 qui a conduit 443 déportés juifs de Mérignac au camp de Drancy. Il s'agit du deuxième des dix convois partis de Bordeaux entre juillet 1942 et mai 1943 alors que Maurice Papon était secrétaire général de la préfecture de la Gironde. C'est aussi le convoi le plus important.
A la différence du premier convoi du 18 juillet 1942, celui-ci n'a été précédé d'aucune rafle. Les juifs étaient déjà détenus au camp de Mérignac ou au Fort du Hâ. Certains avaient été arrêtés sur la ligne de démarcation ou pour infraction aux lois anti-juives. D'autres étaient déjà internés dans des camps de travail.
Il y avait surtout de nombreux enfants dont les parents avaient été arrêtés les 15 et 16 juillet précédents et déportés deux jours plus tard. Selon les cas, ces enfants avaient été confiés à des membres de leur famille, à des familles d'accueil ou placés dans des hôpitaux. Quelques-uns étaient aussi détenus à Mérignac.
Tout au long du mois d'août, le directeur du camp de Mérignac a signalé, à l'Intendant de police comme au service des questions juives de la préfecture, l'arrivée de ces enfants.
Maurice Papon assure être intervenu auprès des autorités allemandes. Le 21 août, la SIPO refusait de libérer les mineurs de moins de 21 ans, et les vieillards, indiquant que les " premiers devaient être envoyés à leurs parents " et, pour les seconds, qu'il était prévu " de transférer à Paris pour le commencement de la semaine prochaine tous les juifs internés à Mérignac ".
Ce même 21 août, Pierre Garat adressait une note à Maurice Papon pour l'informer qu'il était " demandé aux autorités françaises d'assurer la préparation d'un convoi à destination de Drancy dans lequel seraient compris tous les Juifs des deux sexes, de tous âges et de toutes nationalités actuellement internés au camp de Mérignac et à l'annexe de Bacalan ".
Pierre Garat écrivait surtout : " En fait, j'ai acquis la certitude par l'allure générale de la conversation - avec Doberschutz - que le séjour à Drancy sera de courte durée et que les intéressés seront déportés ".
Le lendemain, Maurice Papon répercutait les exigences allemandes dans un rapport - pour le préfet régional - au secrétaire d'Etat à l'Intérieur. Le 24 août, sur une note manuscrite qui rend compte de la réponse du chef de cabinet de Jean Leguay, Maurice Papon écrit " qu'il y a lieu d'exécuter les instructions S.S. ".
Le commissaire Techoueyres était de nouveau désigné comme chef de convoi, ainsi que 20 inspecteurs, 60 gendarmes et un officier.
Le 26 août 1942, 443 personnes ont été transférées à Drancy. Dans ce convoi, se trouvaient notamment, Maurice Benifla, 47 ans, arrêté en mars 1942, Saadia Benaim, 60 ans, et Simon Drai, 62 ans, qui se trouvaient dans des camps de travailleurs.
Charlotte Gryf, 39 ans, avait été arrêtée avec ses quatre enfants Jeannette, 9 ans, Maurice, 7 ans, Simon, 5 ans, et Léon, 2 ans, en passant la ligne de démarcation. Malka Szpektor épouse Stalkoski, 39 ans, Dora Szpektor épouse Stalkoski, 44 ans, Anna Szpektor, 18 ans, avaient également été arrêtées en voulant passer en zone libre. Parmi les victimes, figuraient aussi Jules Jacob, 47 ans, et surtout plusieurs enfants.
Il y avait les quatre enfants de Charlotte Gryf, tous français. Henry Plevinski, 9 ans et sa petite soeur Jeanne, 4 ans, qui avaient été séparés de leurs parents le 18 juillet, confiés au grand Rabbin Cohen et placés dans une famille à Libourne. Nelly et Rachel Stopnicki, âgées de 5 et 2 ans, avaient été confiées à une dame à Salles qui les avait ramenées au camp de Bacalan sur injonction du garde- champêtre de la commune. Ida et Jacques Junger, 7 et 3 ans, nés à Lille, avaient été confiés à une dame de Mérignac et ont été arrêtés par la police française.
A l'exception de Maurice Benifla, déporté sur le mur de l'Atlantique, les autres ont été déportés à Auschwitz entre le 31 août et le 23 septembre 1942.
Cinquante cinq ans après, leurs familles viennent demander justice.
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