Le professeur genevois P. Burrin a expliqué comment le Régime de Vichy s'était laissé entraîné pour plaire à l'occupant
Annie LARRANETA
La politique extérieure de Vichy avait pour objectifs l'atténuation des charges de l'Occupation et la préparation du traité de paix, le plus avantageux possible grâce à une politique de collaboration. Ce principe étant rappelé, Philippe Burrin a fait, hier, une magistrale démonstration de « la spirale de vassalisation » qui a entraîné Vichy « dans une implication croissante dans les entreprises criminelles de l'occupant. »
Ce professeur de 45 ans qui enseigne l'histoire internationale à Genève a montré hier, avec une rigueur magistrale, comment l'Etat français s'était donné les moyens de sa politique de collaboration. Pour ce spécialiste de l'entre-deux guerres (1) la politique de collaboration et la révolution nationale n'étaient que « les deux faces de la même médaille ».
Le régime de Vichy avait de « bonnes raisons » » de collaborer : le souci de protection des populations civiles, la récupération de sa souveraineté, la récupération du rang de la France en Europe, le souci de sa propre survie. La France avait des atouts pour mener cette politique : un empire qui intéressait Hitler tout comme ses ressources économiques importantes, une solide administration qui, en grande partie, le reconnaîssait comme un gouvernement légitime.
Mais, explique Philippe Burrin, ce gouvernement a fait « une erreur de diagnostic fondamental ». Hitler n'était pas prêt à tempérer ses exigences et c'est très vite la survie du régime qui devint prioritaire. Son administration était d'ailleurs bien notée dans les rapports militaires allemands, y compris dans le rapport final d'août 44. Dans un premier temps la coopération a même dépassé l'espérance des Allemands. L'historien a fait un distinguo entre la masse des fonctionnaires réservée vis à vis des Allemands et même du gouvernement et la haute fonction publique « une créature de Vichy » accommodante jusqu'à l'été 43. « Elle aurait pu prendre ses distances deux ou trois ans auparavant ».
Le professeur genevois a rappelé le climat de xénophobie né dans les années trente et qui a touché la haute fonction publique, « la politique antisémite, autonome, autochtone et spontanée de Vichy », la spoliation des biens juifs (aryanisation) et « la déportation dont les objectifs limités ont été dépassés par le choix d'une politique de collaboration... Ils ont prêté facilement la main aux Allemands. » conclut-il.
Interrogé par le Procureur général et les avocats des parties civiles, le témoin a dit comment certains hauts fonctionnaires avaient su mettre de la distance entre eux et les exigences allemandes et que la fonction publique avait eu une marge d'autonomie « puisque le gouvernement lui-même en avait une. » Discrimination, exclusion, élimination... Que savait-on alors de cet inéluctable enchaînement ? « Les dirigeants de Vichy et la haute fonction publique devaient avoir l'idée quelque part qu'un sort terrible attendait une population civile qu'on déportait au beau milieu d'une guerre. » a-t-il répondu, sans l'ombre d'une hésitation.
(1) Il est l'auteur de « Hitler et les Juifs » (Points Histoire), « La France à l'heure allemande 1940-1944 » (Points Histoire).
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