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Georges Gheldmann, à droite, arrivant au tribunal (Crédit Saubi)

La maman de Georges - 15/12/1997

Georges Gheldmann avait 11 ans lorsque sa mère a été arrêtée à Dax le 16 juillet 1942, puis déportée à Drancy le 18 et à Auschwitz le lendemain. Il doit témoigner ce lundi 15 décembre.

Bernadette DUBOURG

Georges Gheldmann allait avoir 11 ans. En 1942, ce petit parisien était réfugié à Dax avec sa mère. Le 16 juillet, lorsqu'il est rentré chez lui, il a trouvé un mot griffonné : " Mon chéri, je suis au commissariat, viens me rejoindre, vite! ".
Sa mère venait d'être raflée, en application des ordres allemands relayés par la préfecture régionale de Bordeaux et la préfecture des Landes. Comme 11 autres personnes à Dax, 6 à Mont de Marsan, 32 dans les Basses-Pyrénées et 70 en Gironde.
Georges a couru retrouver sa mère au commissariat. Ils ont passé la nuit à la prison de Mont-de-Marsan. Au matin du 17 juillet, Georges a été libéré, comme tous les enfants de moins de 15 ans, mais sa mère a été transférée au camp de Mérignac, dans la banlieue de Bordeaux.

" Mon coeur est fondu "

Ce même jour, sur une carte de visite, à l'en-tête de Paul Cougouille, sculpteur d'art à Dax, chez lequel il a trouvé refuge, Georges écrit à sa tante Irène, la soeur de sa mère. Les nombreuses fautes qui truffent ces quelques lignes ne font même pas sourire : " Ma chère tante, je t'écrit en ce moment pour te prévenir qu'on est venu chercher maman pour la mener dans un camp de consentration pour travailler. J'ai tellement pleurer que je n'ai plus de larme et mon coeur est fondu : On m'a arraché de maman après avoir passé la nuit dans la prison alemande, on était dix et deux enfants et ce matin elle est parti à Mérignac avec d'autres juifs ou l'on vat les consantrer puis ils vont partir en Alemagne. Tu m'ecrira a cette adresse : Mer P Cougouille, villa Marcelle Boulevard Claude Lorrin. Jojo ".
Au dos de la carte, d'une écriture serrée, Paul Cougouille a ajouté : " Ce pauvre enfant vient de vous écrire ce qui s'est passé dans la journée du 16 juillet. Je suis allé accompagner Mme votre soeur jusqu'à l'intérieur de la prison où elle a passé la nuit avec son fils, ce matin on est venu me le confier, avec l'assentiment de Me Colette, il est en ce moment chez moi, où j'en prendrais soin, quoiqu'étant un homme seul je fais moi même la cuisine et je la ferai en même temps pour Jojo. J'ai une lueur d'espoir, pour que votre soeur puisse revenir à Dax peut-être sous peu, je vous dirai le fait un de ces jours. Avertissez madame votre mère de ce qui vient de se passer. Si vous avez besoin de moi, ne craignez pas d'abuser, car je tiens à votre soeur comme un père tient à sa fille. Recevez madame l'assurance de mes sentiments les plus respectueux et les plus dévoues. Paul Cougouille ".

Deux photos

Le lendemain 18 juillet, la mère de Georges a été transférée au camp de Drancy, dans le premier convoi formé à Bordeaux, qui a conduit 171 juifs à la mort.
De Drancy, sur une carte tamponnée par le bureau de la censure, la maman de Georges a écrit ces derniers mots : " Prier Mme Durand-Narpas avec Mr Cougouille de ne pas laisser mon fils au préfecture, au besoin accompagné chez sa grand mère en Z libre. Mme Vve Isman, Brive la Gayard av. Toulouse. Je donnerai de mes nouvelles aussitot que j'ai une adresse pour recevoir des nouvelles de mon fils ".
Georges, qui conserve précieusement ce dernier message d'amour, n'apprendra que plus tard que son père, Srul, engagé volontaire au 3ème régiment étranger, a été arrêté à Paris, le même jour, au cours de la rafle du Vel d'Hiv. " Mon père et ma mère étaient tous les deux à Drancy le 18 juillet 1942. Mais je ne sais même pas s'ils se sont vus ", songe-t-il toujours, cinquante-cinq ans après.
Comme il se demande encore s'ils se sont rencontrés le lendemain, 19 juillet, dans le train qui les a, tous les deux, déportés à Auscwitz, où ils ont été éliminés dès leur arrivée.
Georges était fils unique. Le jour même du départ de sa mère pour le camp de Mérignac, il est tombé gravement malade : " J'étais à l'hôpital. Lorsque les policiers sont venus pour me chercher, ils ne m'ont pas trouvé ". D'autres enfants, dont les parents avaient été arrêtés en juillet 1942 et qui, dans un premier temps, ont été épargnés, ont été déportés dans le convoi du 26 octobre 1942.
Ce lundi,15 décembre, Georges Gheldmann, qui habite Paris, doit déposer devant la cour d'assises, comme témoin et victime de cette première rafle organisée dans la région (administrative) de Bordeaux.
Il montrera sûrement les photos de ses parents. Sa mère, une élégante et belle jeune femme, les cheveux noirs séparés par une raie et coiffés en arrière en chignon, vêtue d'un chemisier manches courtes et d'une jupe foncée, accoudée contre un miroir qui reflète son image. Et son père, fier dans son uniforme de l'armée française, chemisette et short, devant une baraque du casernement militaire de Barcarès.
Tout au long de la semaine, d'autres témoins, également parties civiles pour des victimes de cette première rafle du 16 et du convoi du 18 juillet 1942, diront la douleur et le deuil cruel qu'ils vivent depuis cinquante-cinq ans.


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