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Maurice Papon a été malmené par les parties civiles. (Crédit A.F.P.)

L'offensive des parties civiles - 08/12/1997

Après les questions des parties civiles sur le service des questions juives ce lundi, la cour débute mardi l'examen des faits avec la déportation de Léon Librach

Compte rendu d'audience Bernadette DUBOURG

Lundi 8 décembre. Vingt huitième journée d'audience. Il y a 16 ans jour pour jour, le 8 décembre 1981, que Me Boulanger a déposé la première plainte contre Maurice Papon au nom de la famille Matisson.
Il y a également deux mois que le procès de l'ancien secrétaire général de la préfecture de la Gironde a débuté devant la cour d'assises de la Gironde.
Mardi encore, Maurice Papon est interrogé sur ses attributions et ses pouvoirs au service des questions juives de la préfecture de la Gironde, entre 1942 et 1944.
Me Joe Nordmann (FNDIRP), est le premier avocat des parties civiles à prendre la parole. Cet ancien résistant qui a l'âge de Maurice Papon, veut savoir si, à la Libération, l'accusé a parlé à Gaston Cusin, Commissaire de la République, de l'aide qu'il prétend avoir apportée aux Juifs.
Maurice Papon reste assis et répond à côté : " Une fois arrivé à Bordeaux, il s'est enquis de ma conduite pendant l'Occupation et son enquête, honnête et minutieuse, lui a apporté la conviction qu'il pouvait m'avoir auprès de lui ".

"Je le referais"

Le président reformule la question. Maurice Papon n'y répond pas davantage : " J'ai parlé longuement à M. Cusin de nos difficultés, des modestes, trop modestes succès que nous avions pu avoir et des efforts que nous avions pu prodiguer, mais aussi de nos échecs ".
Dans un sourire, Me Nordmann s'étonne que Maurice Papon n'ait pas mentionné, sur son curriculum vitae adressé au ministère de l'Intérieur, avoir sauvé des Juifs alors qu'il se vantait d'avoir aidé des STO. " J'ai omis d'insérer mes propres éloges. Mais un curriculum vitae neutre est un curriculum vitae honnête, je ne me sens aucune vocation à faire mes propres éloges " réplique l'accusé qui fustige au passage les critiques de Gabriel Delaunay, président du comité départemental de libération qui s'était opposé - sans succès - à sa nomination comme directeur de cabinet de Gaston Cusin : " M. Delaunay s'est rétracté en limitant sa critique au fait que j'avais appartenu à l'administration de Vichy. Je n'avais pas besoin de lui pour le savoir ".
Les questions sont parfois redondantes ou éloignées du sujet, mais Maurice Papon, malmené par les parties civiles, reste extrêmement vigilant. Même s'il demeure appuyé dans son fauteuil, la joue gauche contre sa main.
Il fait mine de bouder les questions d'Arno Klarsfeld. " Quelle est la question, vous me demandez quoi? " lance-t-il lorsqu'il n'a manifestement pas envie de parler. " Je ne peux pas obliger l'accusé à répondre. Chacun appréciera la façon dont il estime conduire sa défense " constate le président. Les deux hommes se font face et Me Klarsfeld persiste : " Est-ce que vous rediriez : Si c'était à refaire, je le referais? ". " Je maintiens cette position, et je le répéterai à l'issue de l'examen des convois, preuves à l'appui " lance Maurice Papon.
Lorsque Me Alain Lévy affirme qu'il avait des pouvoirs d'internement et de libération au camp de Mérignac, appelé camp de concentration jusqu'en février 1943, il s'énerve : " Je m'inscris totalement en faux, je n'avais aucune espèce d'autorité sur le camp de Mérignac, je défie qu'on puisse trouver un acte de gestion qui porte ma signature. Je démens de la manière la plus forte et décisive, je n'ai jamais exercé d'autorité sur le camp de Mérignac ".
Lorsque Me Jacob assure : " Il y avait des juifs qui méritaient qu'on les sauve et d'autres qui méritaient Auschwitz, c'est ce que je voulais vous entendre dire ", il bondit de son fauteuil et s'étrangle presque de rage : " Je n'ai pas dit ça, c'est scandaleux, je ne peux pas l'accepter. C'est invraisemblable, comme si j'avais pu un jour suspecter Auschwitz, ca va vraiment trop loin, je renonce, c'est scandaleux ".

"Une stupéfaction douloureuse"

Avec les questions de Me Blet, Maurice Papon retrouve sa rigueur de fonctionnaire : " L'expression " sous couvert " indique un échelon hiérarchique, ca me parait être clair ". Mais il n'en démord pas : " Je réponds pour la énième fois que le bureau des questions juives était privé de toute attribution de police et de maintien de l'ordre ".
Le président reprend la parole : " Lorsque le bureau des questions juives reçoit des instructions du KDS de transférer des Juifs du Fort du Hâ à Mérignac, et quand la police reçoit des instructions verbales du service des questions juives, ça veut dire que Maurice Papon est informé de ce transfert et demande confirmation des instructions à Maurice Sabatier (préfet régional) ".
L'accusé : " Pas nécessairement... Il m'arrive comme tout le monde d'être court-circuité ".
" Si je comprends bien, ironise Me Blet, les mauvaises décisions, ce sont Sabatier et Garat qui les prennent, et les bonnes, c'est vous ". " C'est un peu simpliste " se contente de répondre Maurice Papon.
Après trois heures d'interrogatoire, le président suspend l'audience. A la reprise, Me Michel Zaoui affirme à son tour : " Vous ne vous êtes pas contenté de transmettre des ordres, vous les avez donnés et signés ". " S'il y avait une habileté, je ne serais pas ici " réplique l'accusé, à bout d'arguments.
Me Varaut essaie de rattraper les choses en évoquant ce qu'écrivait le parquet général dans son réquisitoire écrit : " L'information n'a pas démontré que Maurice Papon a personnellement pris part aux décisions de mettre les forces de police et de gendarmerie au service de l'autorité occupante au moment des grandes rafles ".
Mais pour finir, le président est surpris que Maurice Papon ait ignoré un document de mars 1942, annonçant les rafles à venir. " Pour moi, le convoi de juillet 1942 a été une stupéfaction douloureuse " se justifie l'accusé.
Mardi, la cour d'assises commence justement à aborder les faits avec la déportation de Léon Librach, 26 ans, transféré du camp de Mérignac à Drancy le 8 juillet 1942. Son neveu, Herz Librach, est partie civile.
L'audience reprend à 13 h 30.


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