> Retour à la chronologie du procès
> Revenir à la page précédente

Philippe Labrune, le réalisateur de l'enregistrement vidéo (Crédit M. Lacroix)

L'oeil du réalisateur - 01/04/1998

Le procès est, pour l'histoire, gravé sur plus de mille cassettes vidéo et, pour la vie, imprimé sur la rétine du réalisateur

Hubert Barat

" Je crois que ce procès va nous avoir marqué pour la vie ".
Philippe Labrune, angoumoisin de 35 ans (lire par ailleurs) est le réalisateur, patron des six professionnels de l'audio visuel détachés par Maximum vidéo (1) pour la couverture -" Historique " du procès de Maurice Papon.
Philippe et Laurent Buchemeyer son assistant, ont probablement été, parmi les personnes présentes aux audiences celles qui leur ont consacré le plus d'attention.
Du pupitre de la réalisation, installé en régie dans une salle-couloir du premier étage du palais de justice, ils ont tout vu, tout entendu.
"Rien ne nous a échappé. Ni les émotions, ni les attitudes plus ordinaires de la salle qui au fil des jours et des semaines a fini par s'installer dans ses habitudes. "
"Ainsi, a-t-on pu voir - raconte philippe Labrune- des personnes dont la concentration ne s'est jamais relâchée du premier au dernier jour. D'autres, en revanche nous ont parfois donné l'impression de se croire dans leur salle à manger " commente le réalisateur, un peu critique. Il pense à ces deux femmes qui papotaient indifférentes à tout. " Elles échangeaient peut être des recettes de cuisine ". Ou encore à cette " dame très bien " qui durant tout un après midi affalée dans son fauteuil et ayant oublié qu'elle n'était pas en pantalons, a offert à la caméra l'exploration de dessous qui n'étaient pas ceux de l'affaire ".Plus gênant que troublant.
"Nous avons également surpris quelques avocats à l'heure de la sieste. Les tics des uns, les manies des autres. Maurice Papon, mais c'est probablement en raison de son âge, porte souvent sa main en pavillon au bord de son oreille droite. Il fronce les sourcils, plisse les yeux des centaines de fois par jour. Me Varaut, lui, aux alentours de 17 h consulte sa montre à de multiple reprises. Visiblement il attendait les suspensions avec impatience. Dans le même temps nous avons pu observer que Maurice Papon, toujours dans une forme éblouissante à la reprise, accusait vers cette heure là un sérieux coup de fatigue ".

Le public pour la première fois

Le travail de l'équipe de Maximum Vidéo consistait à " lire " et à sélectionner en permanence sur quatre écrans de contrôle, les images des quatre caméras filmant les débats en continu.
Le procès se termine. Pour saisir l'ultime seconde de ce feuilleton dramatique en plus de 90 épisodes, Philippe Labrune et Laurent Buchemeyer qui -bien évidemment- n'en connaissent pas la fin, ont décidé de filmer en fonction des deux situations possibles: coupable ou non coupable.
Coupable : les cameras 2 et 3 dédiées à la défense resteront en plan fixe sur Maurice Papon et ses avocats. Non Coupable : les objectifs seront alors immédiatement braqués sur la salle.
"Si cette hypothèse se réalise ce sera la première fois que nous ferons des plans du public ", explique Philippe Labrune.
Depuis le début, dans un souci de sobriété et de neutralité le réalisateur qui s'était longuement entretenu avec le président Jean-Louis Castagnède : " un homme que j'admire profondément ", sur la manière de filmer les audiences, avait pris pour règle de focaliser sur les acteurs. Pas d'images de la salle, pas d'effets de caméra. Pas de plan de coupe, pas de panoramique." Pas question de faire du cinéma sur un sujet aussi grave. Notre parti pris était que l'image devait être vue et enregistrée en tant que document le plus objectif possible. Et nous nous sommes tenus à ces choix.

Un malaise prévisible à l'écran

L'oeil des cameras a scruté le procès avec une froideur minérale. Face aux écrans, celui du réalisateur s'est efforcé de n'imprimer aux images aucune cadence subjective, aucun rythme susceptible de traduire ne serait-ce qu'un début d'émotion. " Cela n'a pas toujours été facile " explique Philippe Labrune qui parait avoir gravé au fond de sa rétine le moindre détail repéré à l'écran.
"Il nous est arrivé de sourire. Plus souvent, d'avoir la gorge nouée. Presque au bord des larmes. Je pense au témoignage de cette victime qui a lu une lettre de sa mère en prenant la voix de celle-ci tandis qu'étaient projetées les photos de ses parents disparus. Ici en régie nous avions les images plein cadre et la voix off. Dur, très dur à supporter. "
Dans l'espace confinée de la salle technique il n'est pas possible de détacher le regard des images. Au bout d'un moment la fascination qu'elles exercent donne le sentiment étrange. Celui d'être physiquement présent partout à la fois. La force des mots la puissance des gestes ou des mimiques sont considérablement accentuées par l'absence de recul.
" Il nous est arrivé de deviner des réactions. Ainsi avons-nous été les premiers à pressentir -explique encore Philippe Labrune- le malaise dont a été victime l'accusé après la déposition de Mme Chapel. Le cameraman m'a alerté: " Attention je crois que " Léon " va pas bien. Nous l'appelions Léon entre nous un peu par dérision beaucoup pour évacuer le stress. " Il vient de prendre un Exomil. Je crois qu'il va tourner de l'oeil... ". Aussitôt par l'intermédiaire du casque, j'ai prévenu l'ingénieur du son dans la salle qui lui même a discrètement attiré l'attention du président Castagnède. Très vite il à suspendu l'audience. Papon est tombé malade. Et lorsque les débats ont repris nous sommes convenus avec le président que l'une des deux caméras prévues sur la défense serviraient aussi de vidéo surveillance médicale ".
Maximum Vidéo filiale du groupe Sud-Ouest est une société Bordelaise (176 rue Guillaume Leblanc) dirigée par M. Thomas. Elle est spécialisée dans la post- production et l'ingénierie audio visuelle spécialisée. Le fait qu'elle ait remporté l'appel d'offre national lancé pour la couverture de ce procès historique situe son niveau de compétence.

Sciences, beaux arts et télévision

Tout en préparant l'agrégation de sciences naturelles Philippe Labrune a passé un DESS d'audio visuel scientifique à Poitiers tandis que trois ans de cours du soir lui permettaient d'être diplomé des beaux arts. Il est titulaire du diplôme national supérieur d'arts plastiques et de réalisation TV. Il est spécialisé dans les images de synthèse et les images composites. Sous les statut d'intermittent du spectacle, il travaille pour toutes les chaînes mais surtout pour Arte et la publicité. Sa relation professionnelle constante avec Maximum vidéo remonte aux temps de ses études.
Pour la couverture du procés Philippe Labrune s'était entouré de Laurent Buchemeyer réalisateur assistant,de Laurent Guimard, caméraman, Nathalie RFousseau, script, Vicent Issmuth ingénieur du son et Luc Ricateau, assistant vidéo-son.


Retour

Copyright Sud Ouest. Pour tout usage lié à la reproduction de nos articles, merci de prendre contact avec Sud Ouest : doc@sudouest.com Tel : 05 56 00 35 84. 

Accueil | Le procès | Procédures | Les acteurs | Repères | Lexique | Forum

Copyright Sud Ouest 2006 - contact@sudouest.com