Au club histoire du collège des Eyquems de Mérignac, élèves et profs se penchent depuis trois ans sur la guerre de 39-45 et l'Occupation. 24 jeunes iront au procès Papon le 3 décembre
Christophe LUCET
" Quand je serai grand, je pourrai dire que j'y étais ". Florent fait partie des 24 élèves du collège des Eyquems de Mérignac qui auront le privilège d'assister pendant une après-midi au procès de Maurice Papon le 3 décembre. " On cherche des clés depuis longtemps, pour nous c'est une récompense ", ajoute Delphine.
Il n'y avait que 30 places et six iront aux enseignants d'histoire-géo du collège. Du coup, il a fallu choisir parmi la quarantaine d'élèves du club histoire : ce seront les 3me (la période figure au programme) et les plus anciens du club. Le mot d' " anciens " est d'ailleurs mal choisi touchant des élèves dont les plus âgés ont 15 ans. Pourtant, leur savoir sur la Seconde guerre est largement supérieur à la moyenne grâce au travail réalisé depuis 1995.
Et tous les élèves des Eyquems en profitent. Un des murs du réfectoire porte de grands panneaux qui retracent le riche parcours du club sur la route 39-45 à coup d'images et photos d'époque, citations, cartes de la France occupée, documents divers. On y voit Mme Bonnac, fille de Georges Bonnac, témoigner devant les élèves : " elle n'avait jamais parlé en public et elle a raconté comment son père avait été arrêté par des policiers français ", explique Marie-Pierre Pujol, enseignante. Une ancienne déportée, Mme Holstein, a pleuré ici en racontant les camps.
La vie sous l'Occupation, symbolisée par des cartes de ravitaillement, a soulevé des questions. Et des réponses, parfois inattendues : " des grands parents ont envoyé des lettres pour raconter comment ils avaient vécu. Nous avons même reçu un journal de guerre ", dit une prof. Dans le Journal d'Anne Franck, le Sac de Billes ou d'autres livres moins connus, les élèves des Eyquems cherchent à ressaisir ces détails des années noires. Et les élèves revoient l'étoile jaune que Juliette Drai-Benzazon, partie civile au procès Papon, a tirée de son portefeuille quand elle est venue au collège.
Julie et Dora, fillettes de 6ème, n'en reviennent pas que des enfants aient pu être déportés : " c'est dégoûtant, ils ont pris des enfants qui venaient de naître, ils ne savaient même pas qu'ils étaient juifs ". Coupables d'être nés : la célèbre formule prend un relief nouveau. Comme devient plus charnel le souvenir des fusillés du camp de Souge quand, sur fond de silhouette de Jean Moulin, tous les noms s'égrènent à l'encre bleue ou rouge.
En septembre, quand le club a redémarré, il a fallu refuser du monde. La perspective d'aller au procès Papon sans doute. Mais pas seulement. " C'est un moyen de se cultiver ", lance Aurélie. " On n'a pas la même relation avec les profs, et puis c'est le plaisir de travailler ", ajoute un 3me. Avec tous ses camarades, il aura visité l'exposition sur " le temps des rafles " présenté à St-Vincent de Mérignac par les Amitiés judéo-chrétiennes. Quant aux panneaux réalisés aux Eyquems, ils vont être exposés dans une salle publique mérignacaise (M+) fin novembre.
Le travail repose aussi sur des symboles. Celui auquel les collégiens sont le plus attachés, c'est l'arbre planté l'an dernier dans les jardins de la mairie : " à côté, il y a une plaque où on a écrit : 'aux victimes de la guerre, de la déportation et du nazisme. Et c'est signé : 'les jeunes de la 3me génération de Mérignac "...
Copyright Sud Ouest. Pour tout usage lié à la reproduction de nos articles, merci de prendre contact avec Sud Ouest : doc@sudouest.com Tel : 05 56 00 35 84.
Copyright Sud Ouest 2006 - contact@sudouest.com