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Michel Bergès aurait découvert des documents probants. (Crédit Daniel)

L'accusation pourrait être fragilisée - 21/10/1997

L'historien bordelais Michèl Bergès continue à distiller un certain nombre de révélations qui tendent à démontrer que la responsabilité de Maurice Papon n'est peut-être pas aussi importante qu'on a bien voulu le dire

Dominique RICHARD

La Cour d'assises n'abordera véritablement les faits reprochés à Maurice Papon qu'au début du mois de novembre. Pendant plusieurs semaines, les jurés examineront en détail le rôle qu'à pu jouer l'accusé dans l'organisation des huits convois où figuraient les soixante-douze victimes dont les descendants se sont constituées partie civile.
L'historien bordelais Michel Bergès, dont l'audition est prévue le 1er décembre au terme de cette étude pointilleuse, préfère prendre les devants. Avant que ne s'ouvre le procès, il avait déjé sévèrement critiqué la façon dont avait été menée l'instruction. (Voir Sud-Ouest du 30 septembre). Les premières audiences l'incitent aujourd'hui à revenir sur le terrain médiatique.
Lundi, Maurice Papon a déclaré qu'il n'avait jamais pourchassé les enfants et encore moins signé d'instructions d'arrestation. Michel Bergès n'est pas loin d'abonder dans son sens. Il assure que les magistrats qui ont renvoyé l'ancien secrétaire général de la préfecture de la Gironde devant les assises ont mal interprété les documents officiels.
Il prend pour exemple un ordre de réquisition paraphé par Maurice Papon pour l'escorte d'un train de déportés. Il est daté du 28 août 42 alors que la rame a quitté la gare Saint-Jean le 26 août.« La pièce originale est signée par le préfet Sabatier. Elle a été établie le 24. Celle qui figure dans le dossier n'est qu'une minute administrative destinée aux services préfectoraux. »

Aveugle

Maurice Papon disposait d'une délégation de signature pour les dix services d'occupation qui relevaient de sa compétence dont celui des questions juives. Mais selon Michel Bergès,le secrétaire général se contentait d'informer et d'intervenir à posteriori. Il n'était titulaire d'aucun pouvoir de police. Celui-ci appartenait exclusivement au préfet.
Michel Bergès estime que l'institution judiciaire pêche par son incapacité a étudier les archives. Les signatures de Maurice Papon relevées au bas des documents qui fondent l'accusation ne sont pas à ses yeux convaincantes. Certaines sont automatiques, d'autres hierarchiques, d'autres fonctionnelles. Elles n'établissement pas forcément une responsabilité.
Michel Bergès devait délivrer d'ici quelques semaines l'ensemble de sa réflexion dans un livre attendu avec une certaine impatience. Il s'intitulera La politique anti-juive à Bordeaux (1940-1944). Ce travail est le fruit d'une recherche de plusieurs années qui s'appuie sur une documentation beaucoup plus abondante que celle réunie par les différents magistrats qui ont instruit le dossier Papon.
En février 1 981, Michel Bergès avait découvert dans les archives départementales de la Gironde plusieurs centaines de pièces ayant trait à l'activité du service des questions juives pendant l'Occupation. Il les avaient photocopiées avant de confier bon nombre de ces reproductions à Michel Slitinsky. Celui la même qui allait déclencher l'affaire en transmettant quelques semaines plus tard des documents au Canard Enchaîné.
En 1 990, Michel Bergès était encore aux cotés de Gérard Boulanger l'un des avocats des parties civiles lors d'un procès qui opposait l'hebdomaire Le Nouvel Observateur à l'ancien ministre de Valery Giscard d'Estaing. Par la suite, Il a progressivement pris ses distances avec ceux dont il partageait le combat au début des années quatre-vingt. « J'ai été aveuglé »confie-t-il aujourd'hui.

Convoi par convoi

Michel Bergès n'est pas devenu révisionniste. Il ne nie pas la réalité des camps de concentration gaz ni la complicité de l'administration française dans la mise en oeuvre de la Solution finale. Simplement, la mise en accusation de Maurice Papon lui semble totalement totalement injustifée au regard de ce qu'a pu être le fonctionnement de la préfecture de la Gironde à cette époque.
Pour étayer ses dires, ce professeur de sciences politiques s'appuie sur les archives de la police retrouvées en 85 dans un grenier de la rue de l'abbé de l'Epée à Bordeaux mais aussi sur celles du centre de documentation juive, du grand rabbin de Bordeaux Cohen et de l'Union générale des israelites de France, un mouvement autorisé par l'occupant qui essayait d'adoucir le sort des juifs. « Les juges ont passé sous silence le fait que les allemands contrôlaient et menaçaient l'administration française en permanence. Ils font l'impasse sur le fichier de l'étoile jaune constitué lors du recensement imposé par les occupants en mai 42 avant l'arrivée de Maurice Papon. J'ai la preuve que c'est Chenard, le délégué régional du commissariat aux questions juives qui l'a transmis aux SS. »insiste-t-il.
L'historien est aussi en possession de courriers adressés par le successeur de Chenard à ses supérieurs où il accuse Maurice Papon de saboter le fichier juif en effectuant de nombreuses radiations. Mais la n'est sans doute pas le plus important aux yeux de Michel Bergès qui souhaite vivement que la cour tranche opération par opération la livraison des listes d'arrestation.
« Quatre des huit convois en question ont été constitués avec les juifs internés au camp de Mérignac. Les allemands ont demandé leur transfert. Pour les quatre rafles, j'ai la preuve que la préfecture n'a pas fourni de listes pour trois d'entre elles. Reste le premier convoi, celui de juillet ou 42 ou Pierre Garat, le chef du service des questions juives a effectivement fourni les noms qu'on lui demandait. »


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