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Avocats des parties civiles : MM. Jakubowicz, Levy et Zaoui (Crédit A.F.P)

Dernier jour, dernière nuit - 01/04/1998

La fin d'une histoire. Après six mois de vie commune les acteurs du procès se sont séparés ce matin. Une rupture quasi familiale que l'histoire ne retiendra pas. Retour sur les lieux

Christian SEGUIN

Arno Klarsfeld, jean et blaser, les épaules écartées sur le bar, et son père Serge debout, scrutant la ligne de front du palais de justice. A l'heure de l'apéritif, les Klarsfeld, seuls, goûtent un jus d'orange en parlant doucement au comptoir du Relais d'Albret (cours d'Albret), le siège de la Pétanque République. La Pétanque République, le plus vieux club de Bordeaux qui n'a jamais digéré l'annulation de son concours en triplette les 4 et 5 Octobre, trois jours avant le début du procès. Une année noire pour la pétanque dans un quartier bouclé où le stationnement fut interdit y compris le week-end.
Au moins les CRS ont ils pu jouer aux boules pendant leurs jours de repos. Depuis le comptoir du Relais, on voit, accrochée à un appât invisible, la meute journalistique qui rôde à l'intérieur des grilles. C'est fini ou presque. Il n'y a plus rien à dire. La patronne, Sophie, par gratitude envers les parties civiles, a imaginé des gigolettes de poulet farcies aux cèpes pour 39 francs. Au nom d'Armand Benifla, de Juliette Benzazon, de René Panaras, au nom de tous ces plaignants, fidèles parmi les fidèles, depuis six mois, au plat du jour. Sophie le dit. " Il n'y a pas que le commerce. Nous restons ouverts toute la nuit afin d'apporter notre soutien moral aux clients. Car nous avons établi avec eux des relations d'amitié. Nous nous sommes donnés nos numéros de téléphone... Mme Benzazon s'en va en Israël pour la communion de son petit fils ".
C'est fini. Le chauffeur- garde du corps de Me Varaut et le chauffeur du Procureur général Henri Desclaux ne boiront peut être plus jamais, comme ils en avaient pris l'habitude, un verre ensemble.

Le refuge d'Arno

Que reste t-il de l'amitié, derrière les colonnes majestueuses de La Concorde ? (rue du maréchal Joffre). Il fallait être vu à la brasserie chic. Elle a tout vu. Les figures de l'univers médiatico-judiciaire et la plupart des petits otages meurtris de l'histoire. De Elkabach à Jakubowicz, de Sitruck à Slitinsky, et les gens sans nom. Ils sont venus au fil de ce long hiver parler à l'étage ou prendre un plat. Dire qu'Arno Klarsfeld venait y manger serait faux. Arno Klarsfeld ne mange pas, hormis, parfois, trois miettes de pain et quelques particules d'omelette noyées dans un grand verre d'eau. C'est l'endroit où il " n'a pas trouvé qu'une brasserie, mais un refuge, des amis et un gentil p'tit chien ". Pourquoi Arno Klarsfeld a t-il offert " l'histoire de la cuisine française " à Maurice Delorme le patron ? Probablement pour lui témoigner une reconnaissance éternelle. Avant le procès, venu travailler à Bordeaux, il avait oublié l'ensemble de son dossier Papon sur une table. " Arno est un ami explique Maurice Delorme, un homme qui possède un vrai goût pour la justice. Quand j'entends qu'il passe son temps à faire du roller, je souris. C'est un bosseur infatigable. On ne voit pas qu'il s'est tapé toutes les archives ".
C'est fini. L'histoire ne retiendra pas que les soirs de clash au palais, les deux clans de la défense se tournaient le dos à la Concorde. On pourrait passer six mois dans cet univers 1930 sans se parler. Cette nuit, d'ailleurs, chaque clan y a organisé son propre buffet à proximité des salons loués par les chaînes de télévision. L'histoire ne retiendra pas non plus que Me Varaut, a surgi ici un soir pour participer au café philosophique du mercredi dont le thème était l'argent. " Ce soir là raconte un vieil habitué, les participants pensaient se payer l'avocat de Papon. Il faut voir comment il les a retournés... "

Un grand vide

Que Maurice Papon, refusé partout, ait finalement trouvé une serviette au Café Français (Place Pey Berland) n'intéresse pas le Petit Maréchal ( rue du Maréchal joffre), le restaurant de Michel Dartigoueyte, où fut servi le premier jour, un " sauté de veau carotte Vichy ". C'est là que se retrouvaient quelques avocats débutants, dans l'immédiat soumis au menu à 59 francs, et les techniciens des chaînes de télévision, qui n'ont semble t-il pas les mêmes notes de frais que leurs journalistes vedettes. Les figures du procès ont préféré, à une centaine de mètres de la même rue, la salade de foie gras à la fleur de sel et le duo de lotte et ris de veau aux tomates confites du Père Ouvrard. Le décor de bois peint garde le souvenir d'un groupe qui n'en était pas un, une fausse famille mettant en scène, selon l'heure, Mme juge Carbonnier, le témoin Samuel Schinazi, le chroniqueur Paul Lefèvre qui posséda au tableau " une escalope de veau façon Paul Lefèvre ", les hommes du RAID, ou Me Boulanger, mais jamais le bel Arno que les clientes façon Hermès ont désespérément cherché. Pourquoi Me Boulanger s'enfermait il à l'abri des regards, dans les cuisines du Père Ouvrard entre les frigos et les plaques chauffantes ?.
Que s'est il exactement passé à Bordeaux entre le 8 Octobre 1997 et le 2 Avril 1998 ?. A l'heure de l'inventaire, Stéphane et Marie Ouvrard possèdent peu de réponses. " Il y a eu ici une véritable histoire entre nous. C'est un grand vide. On ne sait pas ce que cela va donner ."


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