Comme si de rien n'était - 29/01/1998

L'audience a duré moins d'une heure. Le procès reprend lundi avec l'évasion du grand Rabbin Cohen, en décembre 1943

Compte rendu d'audience Bernadette DUBOURG

Jeudi 29 janvier. Cinquante huitième jour d'audience. Les sièges des avocats des parties civiles sont de nouveau très occupés. Me Arno Klarsfeld, absent la veille, a pris place au dernier rang. On remarque également la présence du bâtonnier de Bordeaux, Georges Tonnet. Il règne dans la salle d'audience comme une atmosphère de crise.
Lorsque le président Jean-Louis Castagnède entre dans le prétoire, le silence se fait et, aujourd'hui, tout le monde attend qu'il se soit assis avant d'en faire autant.
Chacun croit à une intervention de Me Klarsfeld, mais une nouvelle fois, le bruit de l'extérieur s'est arrêté à la porte de l'audience et le procès se poursuit comme si de rien n'était. Ou presque.
Car lorsque le procureur général commence le contre-interrogatoire de l'accusé sur la rafle et le convoi de décembre 1943, les esprits sont ailleurs. Henri Desclaux donne lui-même l'impression d'avoir du mal à se concentrer sur les questions qu'il formule. Même Maurice Papon trébuche sur ses réponses, confondant parfois les convois de novembre et décembre 1943..

Les allemands

Le procureur général revient en quelques questions sur les " signes avant coureur " de la rafle du 20 au 21 décembre 1943 : " Quatre jours avant, la Sipo de Bordeaux a demandé des listes de juifs à la préfecture ". " Ma réaction immédiate a été d'en référer à Paris " assure Maurice Papon.
" Vous êtes donc en alerte " poursuit le procureur général. " On était sur le qui-vive chaque jour, depuis longtemps " affirme l'accusé qui répète n'avoir été informé de l'arrestation de 108 personnes que le lendemain. " Pourquoi adressez-vous par la suite deux lettres aux Allemands ? ". " Pour ne pas accepter sans réagir. Il faut quand même déposer sa carte de visite protestataire aux Allemands ".
Le procureur général s'étonne, comme le président la veille, qu'entre la connaissance de ces arrestations et le départ du convoi de 136 déportés, le 30 décembre, la préfecture ne soit pas intervenue pour sauver ou tenter de sauver des gens. " Que pouvions-nous faire ? Les Allemands se dérobaient à tout contact. On ne pouvait pas prendre le camp de Mérignac d'assaut " se défend Maurice Papon, qui réfléchit et ajoute : " Si, il s'est passé quelque chose d'important, la montée en puissance des Allemands et l'impuissance progressive de l'administration... Je m'époumone à expliquer qu'on est entré dans une phase où les Allemands sont de plus en plus présents ".

"Sérénité"

Les parties civiles n'ont aucune question à poser à l'accusé.
En l'absence de Me Varaut, retenu à Paris, c'est Me Vuillemin qui résume - comme à l'habitude - la défense de Maurice Papon en une série d'affirmations que l'accusé se contente d'approuver. Il rappelle ainsi que la préfecture a été " avertie après coup de cette opération menée par les SS avec la participation de la SEC ".
Me Vuillemin insiste surtout sur " l'analyse la plus vraie, le plus juste, la plus honnête intellectuellement ", celle du procureur général en décembre 1995 qui concluait que " l'information n'établissaient pas la participation de Maurice Papon à ces événements ". " Assurément, confirme l'accusé, et cela explique beaucoup ma sérénité ".
D'ailleurs, pour une fois, il n'a rien à ajouter à ces courtes explications : " Je pourrais critiquer l'arrêt de renvoi comme je le fais d'habitude, mais je crois cette fois que c'est inutile. Les choses sont tellement claires, je crois qu'elles sont comprises par tous ".
L'audience a débuté il y a moins d'une heure. Plus personne ne demande à intervenir. L'ordre du jour est épuisé. Les prochains témoins concernés par les arrestations et le convoi de décembre 1943, notamment Michel Cohen, le fils du Grand Rabbin, sont convoqués lundi. Le président décide donc de suspendre l'audience. Me Klarsfeld qui s'est absenté alors que le procureur général interrogeait Maurice Papon n'est pas encore revenu dans la salle d'audience.
Le procès reprend lundi à 13 h 30.


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