Devant certaines vives réactions aux propos de Maurice Papon, le président Castagnède a rappelé que " le débat judiciaire, c'était s'habituer à écouter les gens jusqu'au bout... même si c'était difficile pour certains. "
A la suspension d'audience, Me Boulanger a pu donner aux journalistes une photocopie d'une notice concernant Adolfe Benifla à en-tête du Département de la Gironde. Quelques minutes avant, à l'audience, il n'avait pu remettre qu'une photocopie incomplète, " la photocopieuse ayant mangé le haut de la page ".
Mais la photocopieuse avait bien reproduit le bas du texte qui précisait à propos d'Adolfe Benifla : " a fait partie du convoi d'israélites refoulés le 18.7.42 par les A.A. ". Ce qui démontrait que le mot refoulement faisait couramment partie du vocabulaire de l'administration de l'époque.
" La semaine après le départ de mon frère, ma mère s'est rendue à la Gestapo, on lui a répondu: votre fils, vous ne le reverrez jamais plus " se souvient Armand Benifla qui ne sait toujours pas quand et comment est mort son frère : " Il était encore vivant le 1er octobre 1942 mais après, il n'y a plus de trace. Nous n'avons pas de certificat de décès ".
" J'ai pris la résolution de ne plus répondre aux avocats qui ont usé à mon endroit d'insultes intolérables ! " a déclaré l'accusé à l'audience. Ce qui n'a pas étonné Me Jakubowicz qui a dit, lors de la suspension, " c'est la suite logique. Le masque tombe de plus en plus, le visage se fissure. Il est normal de se taire quand on ne peut plus répondre. "
Des élèves du Lycée Elie Faure de Lormont ont posé quelques questions à Me Lévy qui leur a expliqué ce qu'était le crime contre l'humanité. En fait, quand le public interroge les avocats c'est pour leur poser une seule question : " Papon est-il coupable ". Ce à quoi ils se gardent bien de répondre par oui ou par non.
A la sortie de l'audience, une des parties civiles s'est fait traiter de " sale juif ! ". Elle a vivement réagi mais elle a vite été rassurée. Celui qui l'avait apostrophée était un pauvre hère... " On le connaît, a confié un CRS. Si vous saviez de quoi il nous traite ! ".
Carole Lemée suit tous les jours le procès. Elle prépare une thèse en anthropologie sociale et culturelle, sous la direction du Professeur Mériot. Son titre " La mémoire de Vichy : du passé dans le présent. Essai d'anthropologie sur des pratiques de mémoire. " Elle a commencé ses recherches, il a y dix ans, en Allemagne et travaille sur Bordeaux depuis 93.
" Maurice Papon a le droit de mentir et il en use largement ! " a dit Me Touzet, à quoi l'accusé a répondu " Me Touzet arrange des histoires à sa façon. "
Me Arno Klarsfeld n'a pas caché son émotion en lisant les dernières lettres de Jeanne Grumberg arrêtée le 4 juin 42 avec sa fille Jacqueline (20 ans) et toutes deux déportées en juillet. Il a terminé en larmes la lecture de ces lettres qui disaient l'angoisse pour sa fille Nicole (2 ans), la faim, le froid, la malchance d'un destin injuste et l'amour filial et maternel.
Me Jakubowicz a évoqué le négationnisme en rappelant que, " dans un jugement qui valait pour acte de décès on avait écrit que Jeanne et Jacqueline Grumberg étaient décédées à Drancy, mortes pour la France... On préférait ne pas savoir et on gommait une réalité historique. "
Le président a confié hier les 45 lettres que Me Varaut avait versé aux débats la semaine dernière ainsi que trois documents déposés par Me Klarsfeld, à une traductrice en allemand. Elle devra rendre son travail le 5 janvier 1998.
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