La cour d'assises n'est pas saisie du cas d'Irma Reinsberg, évadée du convoi du 26 août 1942. Mais le président s'y est longuement arrêté pour apporter « un éclairage sur les efforts fournis par la préfecture pour la sauver ». Un éclairage négatif puisque la préfecture de Bordeaux n'a rien fait pour la sauver. Au contraire.
Le président s'est étonné que ce soit un simple « conseiller de préfecture » qui signe la demande de conduire cette femme à Drancy, dès sa sortie de l'hôpital d'Orélans où elle était soignée après sa chute du train.
« Vous avez des sursauts surprenants, prenez sur vous Me Boulanger ! » a demandé hier le Président Jean-Louis Castagnède, alors que Maurice Papon venait de dire que cette affaire avait été classée. Irma Reinsberg, en effet, s'était également évadée de l'hôpital d'Orléans, le 1 er novembre 1942.
D'après Maurice Papon, ce fonctionnaire de préfecture aurait été sanctionné à la Libération. « Voici une personne sanctionnée » a discrètement observé le président.
« Extirpez de votre mémoire des éléments qui doivent s'y trouver... » a demandé le président à l'accusé à propos de l'organisation du rassemblement des enfants du convoi d'août 42. « Il se peut que j'aie donné mon sentiment... A-t-il été retenu ? J'en doute aujourd'hui », a-t-il répondu.
C'est le commissaire de Police aux délégations judiciaires Téchoueyres qui était le chef du convoi des 444 déportés du mois d'août 42 vers Drancy. « Il commence à se faire une spécialité dans les escortes » a brièvement commenté le président.
Devant s'expliquer sur le départ des enfants, l'accusé a expliqué qu'il était « dans un brouillard incapable de dissiper. »
C'était hier la fête juive des enfants. Halouccah est une sorte de carnaval. C'est hier qu'on a évoqué au palais une histoire encore masquée de déportation d'enfants.
« Il y a des foyers qui ont gardé les enfants, et d'autres qui ont informé les SS et les ont raptriés » a affirmé hier Maurice Papon. « Vous ne sous-entendez pas qu'il y a une responsabilités de ces familles ? » a interrogé le président.
« Je ne dis pas ça, se reprend l'accusé, mais il est un fait, des parents ont réclamé les enfants ». Réplique sèche du président : « Je crois que nous sommes sur une hypothèse qui n'est pas soutenable. Ces parents ne réclamaient rien. Au mois d'août, ils étaient morts ».
Mme Descas, épouse Deysieux, a été citée comme témoin par le ministère public. En 1942, elle avait recueilli Nelly et Rachel Stopnicki, 5 et 2 ans, à Salles. Elle est un témoin important sur la manière dont les enfants qui étaient confiés à des familles d'accueil ont été ramenés à Bordeaux. Si elle ne peut venir devant la cour d'assises et si les parties renoncent à sa déposition, le président lira sa déposition.
Le président rectifie régulièrement les erreurs de chiffres qui truffent l'arrêt de renvoi mais aussi les notes et rapports d'époque. Ainsi, le rapport de Garat fait état de 443 déportés audépart de Bordeaux alors que le directeur du camp de Drancy en compte 444 à l'arrivée, auxquels il faut ajouter Mme Reinsberg qui a sauté du train avant Orléans.
Le président a fait projeter la liste des convois partis de Drancy « à destination de l'est », en juillet et août 1942. A compter du 22 juillet, un convoi part presque tous les deux jours avec, chaque fois, 1000 juifs déportés.
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