93 témoins à la barre - 01/04/1998

Parmi les grands témoins, des politiques, des historiens, des résistants

Quatre vingt treize témoins se sont succédé à la barre de la cour d'assises, dont la grande majorité à la demande de l'accusé. Voici le rappel de quelques témoignages.

Les politiques

Raymond Barre, 73 ans, ancien Premier Ministre, député-maire de Lyon : " Maurice Papon s'est révélé un ministre du budget efficace et compétent (1978-1981) et m'a aidé en faire en sorte que les finances de la France puissent être sauvées ".
Pierre Messmer, ancien officier des forces françaises libres, ancien ministre des armées et ancien Premier ministre : " En un temps où les excuses et les pardons sont beaucoup demandés et beaucoup offerts, le jury d'honneur était inspiré par ce souci de pardon ".
Olivier Guichard, 77 ans, chef de cabinet du général de Gaulle (1958) et ancien ministre : " De Gaulle m'a dit : Ah oui, Papon, c'est ce préfet de Vichy qui était avec nous en 1944 et qui a rendu de grands services à (Gaston) Cusin (commissaire de la république à la Libération) quand il a organisé la préfecture de Bordeaux ".
Maurice Druon, 79 ans, secrétaire perpétuel de l'académie française, ancien ministre, ancien député et parlementaire européen, ancien engagé des Forces Françaises Libres, co-auteur avec son oncle Joseph Kessel du " chant des Partisans : " Si l'on se met à condamner un Français symbolique, il sera facile aux Allemands de dire : On est tous pareils. Il y aura une dissolution de la responsabilité, de la culpabilité ".

Les historiens

Robert Paxton, 65 ans, professeur d'histoire et jeune retraité de l'université de New-York, auteur de "" la France de Vichy " : " Sans l'aide et le concours actif de l'administration française, les Allemands n'auraient pas pu déporter 76 000 des 300 000 Juifs vivant en France ".
Henri Amouroux, 77 ans, journaliste, écrivain, membre de l'Institut (où il cotoie Jean-Marc Varaut) : " La connaissance d'aujourd'hui ne doit pas faire oublier l'ignorance d'hier. On savait très peu parce que c'était impensable, inimaginable ".
Jean-Pierre Azema, 60 ans, universitaire parisien, auteur de " Munich à la Libération " : " Les préfets étaient des fonctionnaires particulièrement choyés par les honneurs, les gratifications et le pouvoir. C'étaient des sortes de vice-rois qui régnaient sur les départements français et qui ont eu plutôt tendance à considérer la question juive comme une question parmi d'autres ".
Philippe Burin, 45 ans, professeur d'histoire à Genève : " Les dirigeants de Vichy et la haute fonction publique devaient avoir l'idée quelque part qu'un sort terrible attendait une population civile qu'on déportait au beau milieu d'une guerre ".
René Rémond, 79 ans, président de la Fondation nationale des sciences politiques : " On parlait de déportation, on pensait à un régime plus dur que la captivité. Je me rappelle le choc de la libération des camps de Buchenwald et de Dachau. Jusque là, on ne soupçonnait pas ".
Marc-Olivier Baruch, 40 ans, historien et fonctionnaire : " L'administration est bonne fille. Les fonctionnaires qui ont eu le courage de se lever n'ont pas été sanctionnés, n'ont pas perdu leur gagne-pain. Quelques uns ont même été recasés dans l'administration ".
Michel Bergès, professeur de sciences politiques à l'université de Bordeaux 4 : " J'ai été de ceux qui étaient sans complaisance contre Maurice Papon. J'en suis aujourd'hui à m'interroger sur le système. Maurice Papon était un simple relais de transmission ".

Les résistants

Claude Bouchinet-Serreulles, 87 ans, délégué du général de Gaulle en zone nord : " Quand j'ai rencontré Cusin à Bordeaux, il m'a dit : Papon était avec nous, il a rendu de grands services à la résistance ".
Alain Perpezat, 77 ans, agent de liaison du réseau Jade Amicol : " Gustave Souillac m'a dit que c'est Maurice Papon qui nous fournissait les renseignements de la préfecture ".
Christian Campet, 77 ans, ancien patron de la police bordelaise : " J'ai accompagné Gaston Cusin à la préfecture où il m'a dit avoir rendez-vous avec un correspondant qu'il voyait depuis longtemps, M. Papon ".
Jean Matteoli, 75 ans, président du Conseil Economique et social, président de la Fondation de la Résistance et président d'honneur de la Fédération nationale des déportés, internés et résistants (partie civile au procès) : " Maurice Bourgès-Maunoury m'a dit : Pendant cette période, Maurice Papon n'a jamais rien fait qui n'ait été sous les ordres ou le contrôle de la résistance. Doit-on s'étonner de cette assistance donnée à la résistance concomittemment à son appartenance à l'administration ? ".
Jean Jaudel, 88 ans, dernier survivant du réseau du Musée de l'Homme : " De Gaulle n'aurait jamais accepté ce procès. Vive la France, vive Papon, vive la République ! "
Jacques Maillet, 84 ans, délégué général de la résistance en zone sud : " Gaston Cusin et Maurice Bourgès-Maunoury étaient scandalisés par les poursuites engagées contre Maurice Papon ".
Jean Pierre-Bloch, 93 ans, responsable des renseignements civils au BCRA à Londres, président d'honneur de la LICRA : " Si Maurice Papon avait été résistant, le BCRA l'aurait su. Or, il n'était pas sur nos listes. A la Libération, il y a des choses qui m'ont échappé. Combien de haut fonctionnaires ont joué le double jeu ! ".

Les anciens de la préfecture

Adrien Castanet, 77 ans, chef de cabinet de Maurice Sabatier : " Quand Sabatier a parlé à Jean Chapel et Maurice Papon de sa rencontre avec Gaston Cusin, il y a eu une sorte de joie. Ils se sont rendu compte que le patron était enfin sorti d'affaire en rencontrant ces gens-là ".
Christiane Hippolitte, 73 ans, dactylo au service des questions juives : " Je garde un sentiment de secret ".
Marie Bonnecaze, 78 ans, rédactrice au service des questions juives : " A mon arrivée, Pierre Garat m'a dit : De la part de M. Papon... aucun zèle dans ce service ".
Madeleine Gorge, 80 ans, rédactrice au service des questions juives : " On se demandait parfois à quoi on servait. On faisait des lettres, voilà tout ! "


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