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Marguerite Bonnecaze et Christiane Hipolitte n’avaient pas été citées comme témoin. Elles ont été entendues à leur demande (Photo Claude Petit)

Une troisième survivante - 03/02/1998

Une troisième employée du service des questions juives dont le décès avait été pourtant certifié par un avocat des parties civiles est bien vivante

Dominique RICHARD

« Rédactrice au service des questions juives le jour, elle était cantatrice au grand théâtre le soir. Elle chantait Mimi et était une excellente Michaela. Aujourd'hui, elle est décédée ! » La semaine passée, le bâtonnier Bertrand Favreau semblait sûr de lui lorsqu'il avait évoqué à l'audience la personnalité de Madeleine Gorge.
Cette bordelaise qui ne lit pas les journaux, a appris par une amie l'annonce de sa soi-disante disparition. Même si elle cultive plus qu'une autre le souci de la discrétion, elle a modérément apprécié de ne plus être considérée comme faisant partie de la communauté des vivants. Et elle tient à faire savoir à sa famille et à ses connaissances qu'elle a toujours bon pied bon oeil.
Au début de l'affaire, Madeleine Gorge avait été entendue par le premier juge d'instruction à qui avait été confié le dossier. Son audition faisait partie de la procèdure qui a été annulée quelques années plus tard. Cette licenciée en droit avait été initialement recrutée comme standardiste par la préfecture avant d'être affectée au service des questions juives entre 41 et 43.

Trois survivantes

Le mode de fonctionnement du service des questions juives est l'une des questions clés du procès Papon. Décédés avant ou au tout début de l'information judiciaire, Pierre Garat et Jacques Dubarry qui l'ont successivement dirigé n'ont pu être entendus. Sabine Eychenne, la secrétaire de Pierre Garat aurait pu l'être. Mais la justice n'avait pas encore fait diligence lorsqu'elle a disparu en 1991 !
Le service comprenait en outre deux rédactrices et deux sténodactylos. Il a fallu attendre que le procès soit bien lancé pour découvrir qu'une, puis deux et maintenant trois des anciennes employées étaient encore en vie. Aucune d'entre elles n'avait été citée comme témoins alors que les compétences du service, les liens entre Pierre Garat et Maurice Papon ont retenu l'attention de la cour d'assises pendant de longues après midis.
Christiane Hipolitte a été la première à se manifester. Le 3 décembre dernier, elle a fait part à la cour du sentiment de culpabilité qui l'habite aujourd'hui. « J'avais 17 ans. J'étais naïve et inexpérimentée. J'étais loin d'imaginer que les décisions de ce service aboutissaient aux atrocités qui sont jugées ici. »
Hormis le secret qui règnait dans ces bureaux, Christiane Hipolitte ne se souvient pas de grand chose. Ce n'est pas le cas de Marguerite Bonnecaze. Après avoir hésité pendant de longues semaines, cette cadurcienne est venue dire que Maurice Papon avait effectivement demandé à Pierre Garat de ne pas manifester de zèle. Et ce dernier avait répercuté la consigne à ses subordonés.

Sentiment identique

« Je n'ai jamais entendu parler de rafles. C'était le grand silence. Mais j'ai le sentiment qu'ils ont fait le maximum pour sauver des juifs. J'ai eu la conviction qu'ils se débattaient... Sabine Eychenne laissait échapper son émoi et avait parfois la larme à l'oeil... Pierre Garat devenait de plus en plus blême... »
Madeleine Gorge abonde dans le sens de Marguerite Bonnecaze. « Le service avait effectivement reçu l'ordre de ralentir le plus possible les choses. Il fonctionnait forcé et contraint. Et il y avait un allemand à demeure en permanence à la Préfecture. Je n'étais pas vraiment au courant de ce qui se passait réellement. Je ne conserve que des impressions. »
Madeleine Gorge se souvient avoir rencontré Maurice Papon au moment où elle souhaitait bénificier d'un peu de temps libre pour préparer le conservatoire. Sa demande avait été satisfaite. En revanche, elle n'appréciait guère Pierre Garat, « un jeune homme très cassant » avec qui elle était entrée en conflit.
« Je me rappelle l'avoir entendu dire un jour : quelle sale besogne on nous fait faire », raconte l'ancienne employée en confirmant les visites régulières du grand rabbin Cohen. Elle en parle toujours avec émotion et respect. « Ah quel homme bien ! C'est un des êtres qui m'a marqué. »


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