Papon, justice et video - 08/10/1997

A 14H00, il n'y avait plus une place de libre dans la seconde salle où était retransmis le procès en vidéo. La qualité de l'image et du son a laissé à désirer

Dominique RICHARD

Dans le hall des pas perdus, une double rangée de barrières interdit l'accès à la salle d'assises. Tout autour des hommes en uniforme ont les yeux scrutés sur les badges accrochés aux revers de veste où aux poches des chemisette. En fonction des mentions figurant sur ces carrés plastifiés, ils orientent ou refoulent les visiteurs.
Dans le brouhaha général, chacun prend place dans sa file. Dos au mur, derrière un petit bureau improvisé, des fonctionnaires renseignent tant bien que mal les justiciables ordinaires. Ils posent parfois des questions insolubles. Comment faire pour aller aux toilettes si l'on est pris d'un besoin urgent sur les bancs de la correctionnelle ?
Située dans l'aile gauche du palais, la salle vidéo a été aménagée avec les moyens du bord. Des rideaux masquent la lumière du jour, deux cent huit chaises en plastique de couleur blanche ont été liées par rangées. Le public et les journalistes se les partagent. A 14 h, il n'y plus un siège de libre.
Depuis plusieurs minutes, le message du président Castagnède défile sans interruption sur l'écran. Ce magistrat expérimenté apprécie visiblement au plus haut point l'ordre et l'autorité. A titre préventif, il avertit qu'il ne tolérera aucune manifestation susceptible de " compromettre la dignité des débats ".
Deux huissiers sont affectés à la surveillance d'un lieu vers lequel convergent les chroniqueurs judiciaires et les reporters du monde entier. Le mot TGV, les noms des hôtels bordelais reviennent fréquemment dans leurs conversations. Ils ne manifestent aucune impatience apparente. C'est avec une certaine décontraction qu'ils attendent le premier gros plan.

Interruption de l'image

Avec trois minutes de retard sur l'horaire prévu, Jean Louis Castagnède, Jean-Pierre Esperben et Irène Carbonier pénétrent dans la salle d'assises. Ils sont tendus. D'une voix blanche, le président demande à l'accusé de dire son nom, son prénom et son âge. Maurice Papon s'exécute. S'il est ému, il ne le montre pas. Devant lui, il a posé une pochette et quelques documents.
Avant même que les jurés ne soient tirés au sort, son avocat, Me Jean-Marc Varaut réclame sa mise en liberté. Il évoque la nuit épouvantable passée par son client dans la cellule de la maison d'arrêt de Gradignan. Insulté, condamné par la vox populi pénitentiaire, il n'a dormi que trois heures. Et son bref sommeil a été interrompu par des suffocations.
Au moment où le défenseur de Maurice Papon stigmatise un " un traitement inhumain ", la retransmission s'interrompt. C'est le premier d'une longue série de pépins. La défaillance du système de retransmission vidéo tourne même au gag lorsque des diapositives aux inscriptions incompréhensibles se substituent au visage de Me Jakubowicz, l'un des avocats des parties civiles.
Excédés, nombre de journalistes quittent alors la salle. C'est sans doute une façon d'évacuer la fameuse pression médiatique que déplore Me Jean-Marc Varaut. Après un blanc de plusieurs minutes, l'image revient sous la forme d'un timbre-poste. Sa définition est mauvaise mais elle ne cache rien de l'irritation du président Castagnède. D'une phrase sèche, il signifie à Me Arno Klarsfeld qu'il doit impérativement se taire.

Assurance

L'âge de l'accusé, son état de santé, les nécéssités de sa défense justifient-ils sa mise en liberté ? Les débats sont vifs dans le prétoire. Les bras croisés sur sa cravate, Maurice Papon donne parfois l'impression de s'immerger dans ses pensées. Il ne perd pourtant pas un mot de ce qui se dit.
Lorsque la parole lui est donnée, il se défend pied à pied. Il s'exprime avec assurance, ne cherche pas ses mots. Son élocution ne trahit aucune fatigue." La présente séance est figurative de ce qui m'attend. J'ai ici une voix. Il y a vingt voix pour me répondre. Je demande l'égalité... "
Le président suspend l'audience. La salle vidéo se vide en quelques secondes. Dans la salle des pas perdus, les ténors du barreau sont hélés par les journalistes. Des bouquets de micros fleurissent au pied des piliers. " Il est où Klarsfeld. Je veux le voir ",s'exclame une avocate du barreau bordelais en s'excusant d'avoir une âme de badaud.


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