Maurice Papon conteste l'ensemble des éléments à charge, débattus au cours de l'examen des faits
Maurice Papon, qui avait 32 ans lorsqu'il a été nommé secrétaire général de la préfecture régionale de Bordeaux en juin 1942, était considéré comme un " préfet-bis ". L'accusation évoque la confiance que lui témoignait le préfet régional Maurice Sabatier et cite les rapports " élogieux " qu'il a rédigés sur son secrétaire général. Si Maurice Papon a admis qu'il était " en osmose " avec le préfet, il assure que dès fin 1943, il " s'éloignait " du préfet, tout en continuant à être " solidaire ".
Dès son arrivée à Bordeaux, Maurice Papon a reçu une " délégation de signatures " de Maurice Sabatier qui lui donnait " une autorité directe " sur le service des questions juives, successivement dirigé par Pierre Garat puis Jacques Dubarry. Maurice Papon affirme qu'il ne s'agissait "ni d'une délégation de pouvoirs, ni d'une délégation de compétences : " J'avais une signature sans responsabilités, je signais toujours au nom et après avis ou décision du préfet régional. " Il présente plusieurs des documents qui portent son paraphe comme de simples comptes-rendus au préfet ou aux autorités de Vichy.
Il explique également que les réquisitions qu'il a signées aussi bien pour désigner des policiers et gendarmes qui ont participé aux rafles que pour trouver des moyens de transport l'étaient en exécution des ordres du préfet régional.
Se plaçant délibérément entre " l'autorité " du préfet et la " marge de manoeuvre " de Pierre Garat qu'il présente comme " l'interlocuteur habituel des SS ", Maurice Papon conteste avoir été le " véritable patron " du service des questions juives. Il prétend avoir donné pour consigne à ce service " de ne pas faire de zèle ", affirme qu'il avait pour mission d'intervenir pour " sauver les juifs " de la déportation, voire obtenir leur libération du camp de Mérignac, et soutient qu'il agissait dans " un but humanitaire ", en procurant de meilleures conditions matérielles aux déportés (des trains de voyageurs contre des wagons à bestiaux, sauf en janvier 1944), des matelas, des couvertures ou de la nourriture.
Le service des questions juives détenait des listes de juifs, établies dès le recensement en 1940, et régulièrement mises à jour, comme le prouvent les demandes adressées tout aussi régulièrement aux commissariats d'arrondissement. Maurice Papon conteste que ces listes aient été données aux Allemands comme ils le demandaient. Il affirme que les SS détenaient leurs propres listes et que d'autres leur étaient fournies par la SEC (police aux questions juives), des " collaborationnistes, amis des SS ". Alors même que le service des questions juives informait la SEC des changements de situation ou d'adresse de ces juifs.
Jusqu'en janvier 1944, les rafles, ordonnées par les Allemands, ont été exécutées avec l'aide des policiers et gendarmes français, également requis pour escorter les convois à Drancy. Maurice Papon conteste avoir eu la moindre autorité sur les services de police. Il affirme que l'intendant de police dépendait directement du préfet Sabatier et que petit à petit, les Allemands et la SEC saisissaient directement la police française. Il admet pourtant (pour le convoi de mai 1944) que si le préfet s'y était opposé, l'intendant régional de police aurait dû obéir.
L'accusation de " crimes contre l'humanité " repose sur la connaissance qu'avait ou non Maurice Papon du sort réservé aux juifs déportés. Les parties civiles ont régulièrement évoqué des tracts diffusés dès la fin de 1942, des émissions de Radio Londres ou des journaux clandestins qui dénonçaient l'extermination des juifs. Des résistants ont même affirmé qu'au poste qu'il occupait, Maurice Papon " ne pouvait pas ignorer ce qui se passait ". Maurice Papon nie avoir su que les juifs déportés de Bordeaux allaient être exterminés : " Nous pensions qu'ils partaient dans des camps de travail, puis dans des camps d'internement ". Maurice Papon qui évoquait le " sort cruel " des déportés, dès 1942, confesse cependant qu'il y avait " un voile de doute " même s'il ne " portait ni sur les souffrances endurées, ni sur les malheurs ".
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