Renaud Vincent suivra la saga judiciaire de Maurice Papon jusqu'à Noël. Ce presque retraité a demandé une prolongation à son journal pour finir sa carrière en beauté
Christophe LUCET
Dans le petit monde des chroniqueurs judiciaires, Renaud Vincent est un pilier. Depuis vingt ans, il hante les prétoires pour France-Soir et fait partie des rares journalistes qui suivront les deux mois et demi du procès Papon jusqu'au bout. Normal : " c'est un procès hors normes ".
" Jamais un prévenu n'a été poursuivi 55 ans après les faits et il faut remonter à Pétain pour en retrouver un aussi vieux ", explique Renaud Vincent. " Sans compter l'énormité des faits qui lui sont reprochés. Quant au matraquage médiatique, je n'en ai jamais vu de pareil, sauf peut-être pour le procès Barbie ". Naturellement, le chroniqueur parisien du quotidien de la rue Réaumur avait suivi de près les procès de l'ancien chef de la Gestapo de Lyon en 1987 et celui du chef milicien Touvier en 1994.
Troisième saga judiciaire sur la période de l'Occupation, le procès Papon pose à Renaud Vincent de menus problèmes d'organisation : " le procès Touvier n'avait duré qu'un mois et le procès Barbie deux mois. Et pour ce dernier, j'avais dû quitter Lyon deux semaines pour suivre le procès d'Action Directe. Cette fois, c'est deux mois et demi, pendant lesquels il y a quelques procès intéressants, notamment celui des filières islamistes à Paris ". Mais c'est décidé, le chroniqueur de France-Soir privilégiera Bordeaux.
Il rentrera les week-ends à Paris mais sa chambre d'hôtel est réservée jusqu'à fin octobre au Novotel de Mériadeck. Et après ? " Les hôteliers m'ont assuré qu'en novembre, ce sera moins chargé, et de toutes façons, je sais par expérience qu'un écrémage va se produire dans les rangs de la presse. La plupart des confrères sont là pour le début et la fin du procès. Dans quelques jours, il n'y aura plus que les pros ".
A vrai dire, Renaud Vincent, âgé de 65 ans, n'aurait manqué le procès de l'ancien haut-fonctionnaire de Vichy pour rien au monde. " Je devais partir à la retraite en juillet, mais j'ai demandé à la direction du journal de continuer jusqu'en janvier ". Il pourra ainsi achever sa carrière en beauté sur ce procès exceptionnel. Même s'il se prolonge au-delà de Noël, le journaliste prendra ses dispositions mais il n'y croit pas : " de toutes façons, ils ont vu large. Des témoins manqueront à l'appel. Au procès Touvier, la moitié des témoins de moralité s'étaient désistés ".
" Pour que je regagne Paris, il faudrait vraiment que le procès s'enlise. C'est possible, on ne sait jamais ", concède le chroniqueur. " Par exemple quand Klaus Barbie avait refusé de paraître devant la cour de Lyon, on pensait que le procès était fini. Or il a été passionnant jusqu'au bout grâce aux témoignages. Cela dit, il y avait des témoins directs des faits, ce qui ne sera pas le cas cette fois ".
Pour le chroniqueur, là réside le risque du procès de Bordeaux : " les témoins directs ne sont pas là et il y aura un côté cours magistral avec ce défilé d'historiens. Personnellement, çà me passionne, mais il y aura aussi beaucoup de rhétorique -celle des avocats, des parties civiles, du procureur- alors que ce qui m'intéresse, ce sont surtout les ambiances, les dialogues, les personnages ". Bref, la chair du procès.
Plus prosaïquement, Renaud Vincent est un peu ennuyé par le choix de la cour d'assises de ne siéger que l'après-midi : " c'est une des choses qui m'a fait hésiter ", avoue-t-il. " Je dois dicter le corps de mon papier vers 18 heures, ce qui va m'obliger à quitter le palais vers cinq heures et demie. C'est embêtant, même si je peux encore appeler les sténos du journal jusqu'à neuf heures ".
Mais France-Soir compte fermement sur la saga Papon pour tenir ses lecteurs en haleine jusqu'à Noël. La preuve ? Renaud Vincent est venu à Bordeaux flanqué de l'écrivain Yann Quéffélec. A côté des compte-rendus d'audience du spécialiste, l'auteur de " Et la force d'aimer " rédigera tous les jours un billet d'humeur...
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