La mémoire des vivants - 08/10/1997

L'ancienne bonne de Maurice Papon à Constantine raconte

Annie LARRANETA

Ma grand-mère paternelle a travaillé chez Papon à la Préfecture de Constantine. Quand elle a entendu parler de toute cette affaire en 1981, elle n'y croyait pas. Elle était sidérée ! Quand elle était sa femme de ménage, elle le trouvait plutôt aimable ! " C'est entre autres en souvenir de cette grand-mère paternelle juive qu'Agnès Cohen (28 ans) était hier après-midi devant les portes du palais.
Cette jeune infirmière, arrivée de Paris il y a quelques mois, n'a pu rentrer dans le palais de justice mais elle ne renonce pas. Elle va revenir. Elle attend que Papon reconnaisse ses fautes " et s'étonne qu'il se trouve des avocats pour le défendre. " Faire justice, c'est bien tard, la punition ne m'intéresse pas mais il est essentiel que le procès ait lieu maintenant, et que le monde reconnaisse ce qui a été fait. Il faut que tout le monde se souvienne, qu'on approfondisse la question, qu'on en parle dans les écoles... "
Edouard Drommelschlager est venu de Toulouse, Alexandre Halaunbrenner de Paris, tous deux au nom des Fils et Filles des déportés Juifs de France. Le premier, en souvenir de sa mère Lucia (24 ans) et de son père Raphaël (29 ans). Originaires de Pologne, ses parents étudiants en Belgique ont fui en train le 20 mai 40, Edouard est né deux jours après... Ils ont été arrêtés par des gendarmes français et ont pris, le 11 septembre 42, le convoi 31 pour Auschwitz.
" Ma mère avait eu l'audace, le courage, le sang-froid, je ne sais comment le dire, de me laisser là. Moi aussi j'aurais du faire partie du voyage. J'ai tout vu et même si je ne me souviens de rien tout est enfoui au fond de moi. Je ne peux ni oublier, ni pardonner. Je n'ai aucun esprit de vengeance, aucune haine mais le caractère de ma judéïté est irréversible. " confie ce Toulousain qui a rencontré Alexandre Halaunbrenner en 1992, dans le train du souvenir Drancy-Auschwitz.

A la poursuite de Barbie

A 11 ans, Alexandre qui s'était fait rafler avec sa famille le 8 octobre 1942 alors qu'il avait déjà passé la ligne de démarcation, a connu les camps de Nexon (près de Limoges), de Rivesaltes, de Gurs (Pyrénées-Atlantiques) avant que son père, arrêté par la Gestapo, ne soit fusillé à Lyon, son frère aîné (13 ans) déporté. Sa mère avait confié ses soeurs de 3 et 7 ans à une communauté juive qui les a cachées... dans la maison d'Yzeu. On sait le sort funeste de ces enfants. On ne s'étonnera donc pas d'avoir vu cette femme aux côtés de Beate Klarsfeld pourchasser Barbie en Bolivie puis se porter partie civile avec son fils cadet, en mai 87 au procès de Klaus Barbie.
Tous les deux sont restés longtemps, dignes dans leur douleur, sur la place de la République où les jeunes du Mouvement Betar de Paris, revêtus de tee-shirts portant l'inscription " Vichy voulait, la France savait, Papon signait " ont manifesté, eux aussi, leur volonté de voir " le monde ouvrir les yeux "


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