La colère d'Alain Rousset, Maire de Pessac
Jean-Paul VIGNEAUD
Mauvaise surprise, dimanche matin, au réveil, pour le maire de Pessac. Alain Rousset venait de recevoir l'information du préfet de police : Maurice Papon s'installe à l'hôtel-restaurant la Réserve, un très charmant endroit avenue du Bourgailh, sur la route qui relie Pessac à Mérignac.
" Je suis mis devant le fait accompli, constate le maire. Je prends ça comme une attaque contre tous ceux qui, comme à Pessac, font un travail de mémoire envers les déportés et les victimes du nazisme. Ce personnage, je ne l'accepte pas sur la commune. "
Alain Rousset n'ignore pas qu'il ne peut, juridiquement, refuser sa présence. " C'est vrai ", reconnaît aussi Mlle Bonnafon, présidente départementale et nationale des déportés résidant à Pessac, " mais il faut qu'il proteste, qu'il fasse savoir qu'il est contre. "
C'est ce qu'a fait Nicolas Corfias, au nom des élus communistes : " Il n'est pas le bienvenu dans notre commune, dont la population a aussi subi la politique du régime de Vichy. Le meilleur hébergement pour lui est bien la maison d'arrêt de Gradignan. "
Même réaction chez Jean- Jacques Benoit, secrétaire fédéral du PS et secrétaire de la section locale : " Nous ne voulons pas que la plus petite parcelle du territoire pessacais soit occupée par le responsable de la mort de dizaines et de dizaines d'enfants, de femmes et d'hommes juifs. Nous savons que, par décision de justice, il est libre, mais nous avons honte. " Jean-Jacques Benoit ajoute qu'il a reçu de nombreux appels téléphoniques de Pessacais désireux de faire quelque chose pour que Maurice Papon ne réside pas dans la commune.
Son séjour, pourtant, risque de durer, si l'on en croit du moins le directeur de la Réserve, qui avoue : " Je n'avais pas besoin de cette publicité-là. " Il ajoute : " De toute façon, c'est la personne affectée aux réservations qui a reçu l'appel, et on lui a seulement demandé s'il y avait des chambres libres. On m'a aussi fortement conseillé, en haut lieu, de ne pas faire d'histoires. "
Maurice Papon est arrivé dimanche en début d'après midi à la Réserve. Il a demandé à déjeuner. Le service de sécurité qui lui est affecté lui a conseillé de ne pas s'afficher au restaurant et de prendre son repas dans sa chambre. Des chambres dont le prix varie entre 350 et 550 francs.
Restera-t-il au-delà d'une nuit ou deux ? C'est plus que probable, d'après le directeur de l'hôtel, qui ajoute, philosophe : " Quand on a un client comme ça, on le gère. "
Mais c'est loin d'être l'avis d'Alain Rousset, qui cherche une solution. " Il fallait, assure-t-il, trouver avec la justice et ses avocats un dispositif qui ne soit pas aussi insultant pour la mémoire des victimes et inconvenant pour ceux qui la défendent. " " Nous venons, rappelle le maire de Pessac, d'inaugurer une stèle à la mémoire de deux résistants et déportés, Gaston et Renée Reyraud. Lors de la cérémonie, l'émotion était totale au rappel des atrocités du nazisme. On ne peut pas admettre que celui qui a jeté dans les trains de l'enfer des dizaines d'hommes, de femmes et d'enfants soit libre de s'installer dans les hôtels les plus confortables de l'agglomération."
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