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Maurice Papon : " Je ne suis pas fou " (Crédit AFP)

"Je ne suis pas fou" - 14/10/1997

Après la longue lecture de l'arrêt de renvoi durant cinq heures, la cour a entendu mardi le médecin psychiatre que Maurice Papon a juste accepté de rencontrer " par courtoisie "

Mardi 14 octobre. Cinquième jour d'audience. Maurice Papon entre dans le box, son dossier jaune cartonné sous le bras, à l'instant même où l'huissier annonce la cour.
Me Jean-Marc Varaut, suivi de Me Francis Vuillemin, arrive presque en courant : " Monsieur le président, je m'excuse de mon retard. Mais nous sommes dans une situation particulièrement difficile ".
Comme à son habitude, depuis une semaine, Me Varaut pose Maurice Papon en victime. A destination surtout des jurés.
" Premièrement, explique-t-il, Mme Chapel (veuve de l'ancien directeur de cabinet de Maurice Sabatier qui doit témoigner aujourd'hui mercredi) m'a téléphoné ce matin, inquiète, bouleversée. Cette dame qui devait faire 400 kms en ambulance, refuse de se déplacer à Bordeaux où des manifestations ont lieu devant le palais de justice ".
En cet instant même, pourtant, il n'y a personne devant les marches du palais. Il n'y a pas grand monde non plus dans la salle d'audience, à l'exception des parties civiles. Maurice-David Matisson, le premier plaignant, assis à côté de Michel Slitinsky. Ou encore, de l'autre côté de l'allée, le rabbin Marcel Stourdze, 86 ans, torturé par Klaus Barbie, déporté à Buchenwald et président de l'association des déportés juifs, partie civile au procès.

Papon SDF ?

Me Varaut poursuit : " Deuxièmement, nous sommes dans une situation quasiment dramatique. Le maire de Pessac a organisé de telles manifestations que l'Hôtel La Réserve a indiqué à Maurice Papon qu'en sortant de l'audience, il ne serait pas reçu à l'hôtel. A l'heure qu'il est, nous n'avons pas trouvé un hôtel, une maison ou un appartement où le recevoir ". " La partie civile, à aucun moment, n'a lancé un appel au calme, à l'apaisement, à la sérénité " accuse l'avocat.
" Cet appel a eu un écho hier dans ce prétoire, je regrette qu'il n'ait pas eu l'écho qu'il méritait à l'extérieur " répond avec fermeté le président Jean-Louis Castagnède.
Mais l'incident n'est pas clos. " Il n'y a eu aucune pression de ce côté-ci de la barre " se défend Me Lévy. " L'intervention de Me Varaut est déplacée, renchérit Me Touzet, la dramatisation à laquelle nous avons droit à chaque début d'audience devient insupportable, celà doit cesser ".
Le président met rapidement un terme à cette polémique née de la remise en liberté de Maurice Papon, vendredi dernier : " Laissons dehors la dramatisation. Que le drame ne pénétre pas dans le prétoire, que la sérénité des juges ne soit pas atteinte. Ces juges, Maurice Papon leur doit de comparaitre devant les assises. Le problème de résidence doit être surmonté. La cour l'entend ainsi, elle ne peut l'imaginer autrement ".

Le psychiatre à la barre

Sans plus attendre, le président redonne la parole aux deux greffières pour achever la lecture de l'arrêt de renvoi.
Les jurés découvrent les faits reprochés à Maurice Papon lorsque la greffière égrenne la liste des 10 convois partis de Bordeaux entre juillet 1942 et mai 1944, emportant 1484 juifs vers le camp de Drancy avant leur déportation à Auschwitz. Ils écoutent, attentifs, les noms des 72 victimes au nom desquelles les 36 plaintes ont été déposées, des hommes, femmes et enfants, arrêtés à Bordeaux pendant les rafles ou sur la ligne de démarcation, internés au camp de Mérignac ou à la Synagogue en janvier 1944, transportés à la gare Saint-Jean dans des tramways de la ville de Bordeaux, surveillés et escortés par des policiers ou des gendarmes français. Ils entendent aussi clairement l'accusation de " crimes contre l'humanité " porté contre l'ancien ministre du budget.
Maurice Papon, comme la veille, suit attentivement cette lecture sur un exemplaire de l'arrêt de renvoi, posé devant lui, sur une tablette en bois. Impassible, il tourne les pages en même temps que la greffière, souligne ou annote des passages. Il garde le plus souvent sa tête appuyée sur sa main gauche.
La lecture se poursuit durant cinq heures, entrecoupées de deux suspensions d'audience.
En fin de journée, le président appelle à la barre le professeur Serge Brion, 75 ans, neuro-psychiatre honoraire à Versailles, commis par le magistrat instructeur pour expertiser Maurice Papon en juin 1989. " Maurice Papon qui niait les faits nous a reçus par courtoisie mais a contesté le bien fondé de l'expertise ". Il a simplement dit au médecin : " Je ne me prête à aucune espèce d'expertise car je suis en bonne santé. Je ne suis pas fou. Si je suis fou, c'est d'être resté au service de l'Etat pendant longtemps et d'avoir été le préfet de police du général de Gaulle " .
Ce mardi, le président interrogera justement Maurice Papon sur sa carrière. Le procès reprend à 13 h 30.


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