Lundi, la cour d'assises doit clore le plus important volet du procès : les faits. Il appartiendra aux jurés de se forger leur intime conviction vers le 25 mars
Bernadette DUBOURG
Les jurés, cinq hommes et quatre femmes, aux côtés des trois magistrats, imperturbables depuis le 8 octobre, malgré les turbulences diverses qui ont émaillé l'environnement de cette procédure fleuve, auront épuisé l'analyse des actes directement reprochés à Maurice Papon. Ils savent qu'ils auront à se prononcer, aux alentours du 25 mars prochain en prenant en compte tout ce qui aura été dit.
L'organisation de ces débats sans précédent a été extraordinairement minutieuse. De loin, ce pointillisme a pu apparaître criticable et donner l'impression que les choses trainaient en longueur, mais les observateurs qui ont assisté à toutes les audiences en se gardant de confondre juridiction criminelle et dernier salon à la mode n'ont pas le sentiment que la cour d'assises de la Gironde a perdu son temps.
On pourra éternellement discuter de l'intérêt qu'il y avait de faire ce procès, mais en aucun cas du temps qu'on lui consacre. Ce temps était dû aux victimes tout comme à l'accusé, seul à répondre de faits à propos desquels, jusqu'ici, la collectivité nationale n'avait pas, en plus d'un demi-siècle, jugé opportun de s'interroger publiquement.
Les longues semaines consacrées à reconstituer la carrière de l'ancien secrétaire général de la préfecture de la Gironde, préfet de Paris, député et ministre du budget, étaient indispensables à la l'étude de sa personnalité.
L'examen de ses responsabilités sous Vichy, ce régime qui a " mis la main puis le bras dans une stratégie de collaboration d'Etat avec l'Allemagne nazie " a constitué un rappel nécessaire. Tout comme ce qu'avait été l'organisation de la préfecture de Bordeaux en ces temps presque oubliés, ou en tout cas méconnus des plus jeunes.
Ainsi, il sera tout aussi important d'analyser ce qu'a pu être la Résistance de Maurice Papon pendant les années d'Occupation et en quoi a constitué l'épuration de la fonction publique. Les deux prochaines semaines vont aborder ces questions qui, en complément des témoignages précédents, aideront les jurés à mieux cerner la responsabilité de l'accusé et le contexte dans lesquels les déportations de juifs bordelais ont été perpétrées.
Au moment du délibéré, cependant, les 765 questions (environ) qui seront posées aux jurés concerneront uniquement les complicités d'arrestation, de séquestration, d'assassinat (notamment sur des enfants), ou de tentative de ces mêmes crimes, sur 74 victimes au nom desquelles les familles se sont constituées parties civiles. Des faits constitutifs de crimes contre l'humanité.
Si les débats ont permis de mesurer la drame vécu par la communauté juive bordelaise et leurs coreligionnaires qui avaient cru trouver refuge dans la région, chacun campe sur ses positions. Face aux accusations sans concession du ministère public et des parties civiles, Maurice Papon qui se pose en " victime expiatoire ", maintient ses dénégations, parfois de manière obstinée.
Il appartient aux jurés seuls, qui depuis le début du procès se montrent particulièrement attentifs et prennent de nombreuses notes sur des blocs rouges qui s'empilent devant eux, de se forger jour après jour leur " intime conviction ". Car, comme le rappelait dernièrement le président Jean-Louis Castagnède : " Les débats ne sont pas destinés à établir la vérité, ils doivent permettre à la cour et aux jurés de se faire une opinion ".
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