Enfin les faits - 08/12/1997

Les premiers faits reprochés à Maurice Papon doivent, enfin, être abordés cette semaine avec la déportation de Léon Librach, puis la rafle et le convoi de juillet 1942

Bernadette DUBOURG

Cette dixième semaine - théorique - du procès de Maurice Papon doit enfin permettre d'évoquer les premiers crimes contre l'humanité qui sont reprochés à l'ancien secrétaire général de la préfecture de la Gironde.
Aujourd'hui encore, cependant, l'accusé sera interrogé par les avocats des parties civiles sur son rôle et son autorité sur le service des questions juives de la préfecture, chargé d'appliquer les lois anti-juives de Vichy.
Selon le volume de questions - les tensions qui pourront naître au cours de l'audience, mais aussi l'état de santé de Maurice Papon, 87 ans, qui était encore à l'hôpital il y a une semaine - les premiers faits seront abordés à partir de mardi ou mercredi.

Léon Librach

La cour évoquera d'abord la déportation de Léon Librach, 26 ans. Le 9 juin 1942, les autorités allemandes avaient demandé au commissaire Poinsot de transférer trois internés de race juive, dont Léon Librach, du Fort du Hâ où ils étaient détenus, au camp de Mérignac-Beaudésert.
Français, né à Varsovie, Léon Librach a été amené à Mérignac le 26 juin, puis transféré par la gendarmerie française au camp de Drancy le 8 juillet. Il a été déporté à Auschwitz le 18 septembre 1942.
Il est plus précisément reproché à Maurice Papon, qui était le nouveau secrétaire général de la préfecture de la Gironde, véritable " bras droit " du préfet régional Maurice Sabatier dont il était déjà le directeur de cabinet au Ministère de l'Intérieur à Vichy, d'avoir requis le commandant de gendarmerie de Bordeaux pour conduire le jeune homme à Drancy.
Deux factures concernant ce transfert ont été établies et adressées au service des questions juives de la préfecture de la Gironde, dirigé par Pierre Garat, sur lequel Maurice Papon avait " autorité ".
Les jurés entendront une première partie civile, Herz Librach, qui intervient également au souvenir de Benjamin Librach, le jeune frère de Léon, déporté dans le premier convoi du 18 juillet 1942.

La première rafle

Après la déportation de Léon Librach, la cour évoquera justement la première rafle du 16 juillet 1942, suivi le 18 juillet par le premier convoi pour Drancy.
Il ressort de l'arrêt de renvoi que le 2 juillet 1942 le chef de la Sipo de Bordeaux adressait au préfet de Bordeaux une note sur " l'évacuation de Juifs des deux sexes, porteurs de l'étoile jaune et âgés de 16 à 45 ans ". Selon cette note, le délégué pour les questions juives Pierre Garat devait établir en six exemplaires des listes comportant les nom, date de naissance, profession et nationalité des intéressés, les arrestations devaient être effectuées par la police française, ils devaient être dans un premier temps internés au camp de Mérignac, les camions pour le transport devaient être fournis par la police française, et deux trains de 20 wagons pouvant transporter 1 000 personnes devaient être prévus au départ de Bordeaux.
Le lendemain 3 juillet, Pierre Garat adressait, à son tour, une note au préfet régional de Bordeaux dans laquelle il reprenait ces différentes indications. Maurice Papon lui signait une habilitation.
Entre le 16 et le 17 juillet 1942, 145 juifs, arrêtés en Gironde, dans les Landes et les Basses-Pyrénées, ont été amenés au camp de Mérignac. Parmi les 70 personnes arrêtées en Gironde dans la nuit du 15 au 16 juillet, figuraient Liba Rawdin épouse Fogiel, 35 ans, Jean Fogiel, 35 ans, Abram Husetowki, 37 ans, Jeannette Rawdin épouse Husetowski, 31 ans, Antoinette Matisson épouse Alisvaks, 30 ans, Henri Alisvaks, 33 ans, Sjajudko Plevinski, 34 ans, Emmanuel Plevinski, 34 ans, et Benjamin Librach, 20 ans.
Ces 9 personnes ainsi que Jeanne Locker épouse Grunberg, 41 ans, et sa fille Jacqueline, 20 ans, arrêtées sur la ligne de démarcation; Adolphe Benifla, 22 ans, (de père juif et de mère catholique) arrêté en septembre 1941 et interné au camp de Mérignac depuis avril 1942, ont été transférés le 18 juillet au camp de Drancy et déportées le lendemain 19 juillet à Auschwitz où elles ont été exterminés.
A l'occasion de l'examen de ce premier convoi, il sera également question des accords entre le général SS Karl Oberg et le secrétaire général de la police de Vichy René Bousquet, du 2 juillet 1942, entérinés le lendemain par le gouvernement Vichy qui, dès lors, favorisa l'arrestation et la déportation de juifs français et étrangers.


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