Deux mois et demi d'audience - 08/10/1997

Le procès de Maurice Papon, qui a débuté le 8 octobre à 14 heures, est prévu pour durer deux mois et demi. Une centaine de témoins devraient être entendus

Bernadette DUBOURG

Le procès de Klaus Barbie, à Lyon, a duré un mois et demi. Il est vrai qu'au troisième jour d'audience, l'ancien nazi jugé pour l'arrestation et la déportation de 44 enfants et de 7 adultes d'Izieu le 6 avril 1944, avait quitté le box des accusés et refusé d'assister à son procès qui avait débuté le 11 mai 1987 pour s'achever le 4 juillet 1987 avec sa condamnation à la réclusion criminelle à perpétuité.
Le procès de Paul Touvier, devant la cour d'assises de Versailles, a été encore plus court. Il a duré un mois, du 17 avril au 20 mars 1992. L'ancien milicien a également été condamné à la réclusion criminelle à perpétuité pour le crime de Rillieux, le meurtre de sept juifs pour venger la mort de Philippe Henriot.
Le procès de Maurice Papon, qui débute mercredi prochain à Bordeaux, devrait être beaucoup plus long. L'ancien secrétaire général de la préfecture de la Gironde pourrait comparaître durant deux mois et demi devant la cour d'assises, pour répondre des " crimes contre l'humanité " qu'ont constitué, selon l'accusation, les complicités d'arrestations, de séquestrations et de déportations de près de 1 500 juifs bordelais entre juillet 1942 et mai 1944.

Témoins de moralité

Le président de la cour d'assises, Jean-Louis Castagnède, a établi un calendrier prévisionnel pour le déroulement du procès, qui sera cependant précisé en début d'audience (1).
Le premier jour du procès sera vraisemblablement consacré à la demande de mise en liberté de Maurice Papon, avant même le tirage au sort des jurés, puisque seule la cour est compétente pour apprécier le maintien en détention ou la remise en liberté d'un accusé.
Le tirage au sort des neuf jurés titulaires ainsi que d'un certain nombre de jurés suppléants (neuf maximum), puis l'appel des experts et des témoins, pourraient occuper la cour le jeudi et le vendredi. A ce jour, 128 personnes ont été citées comme témoins dont 82 par la défense.
C'est ainsi que la lecture des 169 pages de l'acte d'accusation par les deux greffières de la cour, prévue pour durer sept heures, n'aurait pas lieu avant le lundi 13 octobre.
Les débats débuteraient ainsi réellement le mardi 14 octobre avec l'examen du curriculum vitae de Maurice Papon. Une semaine sera consacrée aux cinquante ans de carrière de l'ancien préfet de Paris, député du Cher et ministre du budget. La période 1942-1944, durant laquelle il était secrétaire général de la préfecture de la Gironde, sera mise entre parenthèses et examinée avec les faits. Maurice Papon a fait citer plusieurs témoins de moralité, dont le grand rabbin Joseph Sitruk (également cité par les parties civiles); l'ancien président Valéry Giscard d'Estaing; les ex-premiers ministres Raymond Barre et Pierre Messmer; l'ancien président du Sénat, René Monory; l'ancien ministre des anciens combattants, Pierre Pasquini; les gaullistes Alain de Boissieu (gendre du Général), Olivier Guichard et Maurice Druon; l'ancien PDG de Danone, Antoine Riboud; le président du Conseil économique et social, Jean Matteoli; l'académicien Maurice Rheims ou encore les barons Guy et Edmond de Rothschild.
La déposition des experts désignés par le juge d'instruction pour une expertise psychologique et psychiatrique devrait être brêve. Car, si Maurice Papon a accepté de les rencontrer, il s'est refusé à tout examen de sa personnalité.
Entre le 23 et le 30 octobre, la cour a prévu d'évoquer l'environnement du procès. Tout d'abord Vichy et les autorités d'occupation, avec la législation antisémite, le rôle de l'administration et l'appareil allemand, puis, dans un deuxième temps, l'organisation et le fonctionnement de la préfecture régionale de Bordeaux, les attributions de Maurice Papon et le service des questions juives.

Les convois en novembre

C'est à ce stade des débats que doivent intervenir les principaux historiens dont Jean-Paul Azema, Philippe Burin, Henri Rousso, Marc-Olivier Baruch, Henri Amouroux, auteur de " la Vie des Français sous l'Occupation " (cité par la défense), et Robert O. Paxton, auteur de " la France de Vichy " (cité par le ministère public). Tous les deux devraient être entendus le même jour. Ou encore d'anciens préfets, comme Bernard Bergerot, Yves Cazaux et Bernard Vaugon.
L'examen des faits, à proprement parler, devrait débuter le 31 octobre, avec le transfert et la déportation de Léon Librach. Tout le mois de novembre sera ensuite consacré aux arrestations et aux huit convois reprochés à Maurice Papon.
Le président Castagnède a souhaité que l'examen des faits, qui seront évoqués chronologiquement, soit ponctué de débats plus généraux. De ce fait, les accords Oberg- Bousquet seront abordés avec la rafle du 16 et le convoi du 18 juillet 1942; le camp de Drancy et la connaissance de la déportation vers l'Allemagne avec le convoi du 26 août 1942; la gestion du fichier juif, les radiations et la prévention des arrestations avec la rafle du 19 et le convoi du 26 octobre 1942, juste après le convoi du 21 septembre; l'imputation des dépenses des convois avec celui du 25 novembre 1942; la tentative d'arrestation et la fuite du grand rabbin Cohen avec la rafle du 21 et le convoi du 31 décembre 1943; les frictions entre la préfecture et la SEC, avec la rafle du 10 et le convoi du 12 janvier 1944; puis la connaissance de la solution finale avec le dernier convoi du 13 mai 1944.
Le parquet général a cité des témoins des rafles et des rescapés du camp d'Auschwitz. Des historiens et des chercheurs, comme Asher Cohen, spécialiste de la déportation et du sauvetage des juifs; l'universitaire bordelais Michel Berges ou encore Jacques Delarue, qui a étudié les crimes et les trafics sous l'Occupation (tous les trois cités par la défense), devraient donner leurs points de vue sur la connaissance de la solution finale. Tout comme le prix Nobel de la paix Elie Wiesel, à la demande des parties civiles.

22 avocats

La Résistance et l'épuration seront abordées en fin de débats, avec l'audition d'une vingtaine de résistants, dont l'ancien maire de Bassens, Henri Chassaing (cité par les parties civiles), d'anciens préfets et autres personnalités comme Jacques Chaban-Delmas, si toutefois il accepte de témoigner. La cour entendra également les plaignants qui le souhaitent.
Les plaidoiries des 19 avocats (connus à ce jour), représentants 35 personnes et 14 associations parties civiles, devraient débuter le lundi 8 décembre et durer une semaine.
Le réquisitoire, soutenu par le procureur général Henri Desclaux et l'avocat général Marc Robert, est annoncé pour le lundi 15 décembre, avant les plaidoiries des trois avocats de la défense, M$s es Jean-Marc Varaut, Francis Vuillemin et le bâtonnier Marcel Rouxel.
La parole sera donnée en dernier lieu à Maurice Papon. Avant que les jurés ne se retirent pour délibérer, répondent aux 760 questions qui leur seront posées et rendent un verdict " en leur âme et conscience ". Le procès pourrait se terminer la veille de Noël.
Si Maurice Papon est condamné, il bénéficiera de cinq jours pour se pourvoir en cassation. S'il est acquitté, il sortira libre du palais de justice.


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