Au Mémorial du martyr juif inconnu le Président de la République a invité le peuple français a regarder son histoire en face
Jacques Chirac a appelé le peuple français à " regarder en face son histoire " pour " inventer le présent sur des bases saines ", alors qu'il présidait vendredi à Paris la cérémonie de remise au Mémorial du martyr juif inconnu du fichier des Juifs victimes des persécutions sous l'Occupation.
Fortement chargée en émotion, cette cérémonie solennelle s'est tenue alors que le procès de Maurice Papon a fait renaître la polémique sur le rôle de Vichy dans la déportation des Juifs.
" Merci M. Chirac ", a lancé une femme au moment où le président de la République s'apprêtait à prendre la parole dans la crypte du Mémorial, haut lieu de la mémoire de la Shoah, qui héberge le Centre de documentation juive contemporaine (CDJC).
Dans son discours, le chef de l'Etat a appelé le peuple français à se comporter en " peuple adulte ", à " regarder en face son histoire ", à en assumer " le bien et le mal " et, une fois accompli le " difficile travail de mémoire, trop longtemps différé ", à " vivre son destin avec vaillance et avec vigilance ".
" Oui, la France de l'Occupation a existé. Oui, les arrestations, les rafles, les convois ont été organisés avec le concours de l'administration française ", a-t-il déclaré. " Oui, des camps d'internement et de transit, Pithiviers, Beaune-la-Rolande, Drancy, Compiègne et tant d'autres, ont été sous la responsabilité de celle-ci, de même que les recensements et la constitution des fichiers ".
Rappelant les mesures antisémites imposées au cours de " quatre années de menace et d'exclusion programmée ", le président de la République a fait passer un frisson dans l'assistance en lisant le motif d'internement porté sur la fiche du père du Pr Adolphe Steg: " en surnombre dans l'économie mondiale ".
Mais le chef de l'Etat a également tenu à exalter la " France résistante et combattante ", " une France généreuse, courageuse et fière ", " celle du général de Gaulle, des Français libres, des résistants et des Justes, qui l'a finalement emporté ".
Jacques Chirac a aussi justifié sa décision de déposer ces fichiers au Mémorial, sous la forme d'une enclave des Archives nationales. Cette solution, a-t-il déclaré, répond " aux exigences du passé et du présent, aux attentes de votre communauté comme aux principes de la chose publique ".
Au nom de l'indivisibilité du patrimoine historique national, certains historiens réclamaient que ces fichiers, découverts en 1991 dans les archives du ministère des Anciens combattants par Me Serge Klarsfeld, soient versés aux Archives nationales.
Le ministre de la Culture, Catherine Trautmann, l'ancien ministre Simone Veil, le maire de Paris, Jean Tiberi, le président du Mémorial, Eric de Rothschild, Serge Klarsfeld, le président du CRIF, Henri Hajdenberg, Pierre Lellouche, député RPR de Paris, et l'écrivain Paul-Loup Sulitzer ont assisté à l'installation du fichier, dans la crypte du Mémorial, face à la flamme du souvenir. La cérémonie s'est achevée par des prières et des chants religieux.
En juillet 1995, à l'occasion de l'anniversaire de la rafle du Vel' d'Hiv' des 16 et 17 juillet 1942, le président de la République avait rompu avec la position de ses prédécesseurs, en reconnaissant, le premier, la responsabilité de l'Etat français dans la déportation des Juifs.
" La France, ce jour-là, accomplissait l'irréparable ", avait-il déclaré.
L'ouverture à Bordeaux du procès Papon a rouvert cet automne une polémique autour de cette position. Certains gaullistes historiques et le président du RPR, Philippe Séguin, affirment que la responsabilité de la France ne saurait être mise en cause et ils s'en tiennent au jugement porté à la Libération par le général De Gaulle, qui avait considéré le régime de Vichy " nul et non avenu ".
Le 2 novembre dernier, dans un message lu à l'occasion de l'inauguration de la " Clairière des Justes " à Thonon-les-Bains (Haute-Savoie), Jacques Chirac avait rendu hommage à " ces Français anonymes, ces Justes parmi les nations " qui sauvèrent les trois quarts de la communauté juive de France.
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