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Me Jean-Marc Varaut, le dernier avocat de la défense (Crédit A.F.P.)

"Aucune responsabilité personnelle" - 30/03/1998

Me Varaut a voulu démontrer que Maurice Papon n'avait aucune responsabilité personnelle dans la déportation de Léon Librach puis dans la rafle et le convoi de juillet 1942

Compte rendu d'audience Bernadette DUBOURG

Lundi 30 mars. Quatre vingt douzième journée d'audience. Maurice Papon a repris place dans le box des accusés. Sa cravate noire est le seul signe du deuil de son épouse, décédée mardi dernier.
Son avocat, Me Jean-Marc Varaut l'évoque à demi-mot : " Nous voici à nouveau ensemble... La mort qui est au centre de ce procès avec les victimes, les acteurs et les témoins, et après les parents de trois jurés, a frappé l'accusé auprès de son coeur. Je n'en dirai pas plus ". D'une voix grave, Me Varaut assure d'ailleurs aux jurés : " Je ne veux pas chercher à vous émouvoir mais à vous convaincre qu'il faut acquitter Maurice Papon ".
Avant de poursuivre sa plaidoirie, interrompue mercredi dernier, Me Varaut résume les " trois acquis " de sa précédente démonstration, " déterminants pour votre conviction et de nature à vous faire répondre " non " à toutes les questions " : " Les pièces qui fondent la poursuite étaient déjà connues dans les procès d'après-guerre; Il n'y aucune confusion possible entre le statut d'exclusion des juifs voté par Vichy et la politique d'extermination des nazis; Il n'y avait pas non plus de plan concerté franco-allemand pour l'extermination des juifs comme ennemis communs ".
La suite de la plaidoirie de Me Varaut tient en deux questions : Qui faisait quoi ? Qui savait quoi ? Après l'examen des rafles et convois pour déterminer la complicité des crimes de droit commun que sont l'arrestation, la séquestration et l'assassinat, il abordera plus précisément, mardi et peut-être mercredi, la notion de crime contre l'humanité : " Je redirai longtemps que le crime de droit commun n'est constitutif d'un crime contre l'humanité qu'à la double condition d'une connaissance et d'une adhésion au plan concerté des nazis pour l'extermination des Juifs ".

"La tutelle du préfet"

Avant d'entrer dans le vif de sa démonstration, Me Varaut s'en prend " aux discours vociférateurs des parties civiles ", épargnant tout juste Me Michel Zaoui qui a " tenté de sauvé sa thèse par une habile construction juridique ", pour mieux le critiquer : " Devant la panique d'un acquittement possible, il a inventé la thèse du crime de bureau, du crime de papier. Puis il a fait la distinction entre le fonctionnaire d'exécution et le fonctionnaire d'autorité, pour en faire un crime d'appartenance... La préfecture de Bordeaux n'était pas un service public criminel ".
Après une première suspension d'audience au cours de laquelle le fils de Maurice Papon s'approche du box pour parler quelques instants avec son père, Me Varaut cerne la responsabilité de chacun des " responsables des affaires juives " à Bordeaux : " Le commissariat aux questions juives pousse à la roue alors que la préfecture freine, la SEC (la police aux questions juives) est l'auxiliaire des SS alors que le service des questions juives qui n'a aucun pouvoir propre de police agit positivement pour radier et négocier les exemptions ".
Au sujet des rapports entre le préfet et le secrétaire général, Me Varaut affirme : " Maurice Papon n'a jamais pris une décision détachable de sa fonction administrative, il n'a jamais signé un acte autrement que par délégation du préfet sous la tutelle duquel il se trouve ".
De la même manière, Me Varaut assure que le fichier de la préfecture, établi dès septembre 1940, était en possession de la Feldkommandatur, des SS et de la SEC, bien avant l'arrivée de Maurice Papon à Bordeaux : " Par la suite, le fichier de la préfecture n'a jamais été enrichi mais au contraire diminué. Il n'est pas l'arme du crime ". Me Varaut insiste également sur " la force exécutoire " des autorités d'occupation : " Les Allemands exigent l'obéissance de l'administration à tous les niveaux ".

"Aucune connaissance"

Puis Me Varaut en vient aux faits. Il commence naturellement par Léon Librach, arrêté par les Allemands en avril 1942 sur la ligne de démarcation, transféré le 26 juin 1942 " sur ordre allemand " du Fort du Hâ au camp de Mérignac, avant sa déportation à Drancy le 8 juillet 1942 " sur instruction du préfet régional ".
Non seulement, Me Varaut assure que l'intervention de Maurice Papon n'a été que ponctuelle pour " répercuter une instruction en l'absence du préfet ". Mais surtout, il souligne que ce transfert à Drancy intervient trois jours avant une réunion à la préfecture de Bordeaux où Maurice Sabatier, de retour d'une conférence des préfets à Paris, informe ses collaborateurs du projet allemand de déporter 40 000 juifs pour la zone occupée et 10 000 juifs pour la zone non occupée. " Le 8 juillet 1942, personne n'avait connaissance du plan concerté de déportation " conclut Me Varaut qui rappelle que le parquet général dans son réquisitoire définitif avait, sur la base de ce simple constat, exclu toute responsabilité de Maurice Papon pour la complicité de séquestration de Léon Librach.
Après une deuxième suspension, Me Varaut aborde la rafle et le convoi de juillet 1942. Mettant en avant " la contrainte allemande ", il écarte également toute " responsabilité personnelle " de Maurice Papon, en rappelant que le nouveau secrétaire général de la préfecture " n'a signé que trois documents " : Une note d'information au préfet, préparée par Garat, le 3 juillet : " C'est le devoir d'un subordonné, ce n'est pas l'obéissance à l'injonction allemande, ce n'est pas un acte opérationnel "; Une habilitation à Pierre Garat " au nom du préfet, pour obtenir des renseignements dans un but humanitaire, ce n'est pas un acte de complicité active "; Et une lettre au gouvernement de Vichy, le 14 juillet, " toujours au nom du préfet, c'est une demande de protection, un appel au secours ".
" Maurice Papon n'a pas participé personnellement, effectivement, aux arrestations ordonnées par les Allemands, transmises par le préfet, exécutées par la police française, ni aux séquestrations à Mérignac, ni aux séquestrations vers Drancy. Il n'y a aucune responsabilité personnelle de Maurice Papon. Or, nul n'est pénalement responsable que de son propre fait " conclut Me Varaut qui poursuivra mardi l'examen des autres faits.
L'audience reprend à 10 heures.


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