Dominique RICHARD
La cour ordonne la mise en liberté de l'accusé ". Dans la salle des assises, un silence absolu accueille les mots du président Castagnède. Soufflé, Me Arno Klarsfeld, l'avocat le plus médiatique du banc des parties civiles, marque un instant d'hésitation avant d'annoncer qu'il se retire. Il sort en balançant son sac bleu marine sur le dos.
Les journalistes l'attendent déja dans le hall des pas perdus. Les cheveux rejetés en arrière, le buste droit et les mains sur les hanches, il ne refuse aucun des micros qui se tendent vers lui. " Le procès perd son sens ",répète-t-il invariablement à ceux qui l'interrogent. Selon lui, ce n'est pas une décision d'indépendance mais de complaisance. Tétanisés, les avocats des parties civiles obtiennent une première suspension d'audience. Les hommes qui assurent la sécurité de Maurice Papon se préoccupent déja de l'endroit où il dormira le soir même. La solution la plus simple consisterait à retenir une chambre au Saint-James à Bouliac, l'hôtel le plus chic du grand Bordeaux où a pris pension son avocat Me Jean-Marc Varaut.
Sollicité peu avant 14H, Jean-Marie Amat, répond par la négative. " Mon hôtel est complet et je ne tiens pas à le recevoir pour une simple question de sécurité. Cette affaire dépasse le cadre du cernable. Elle a quelque chose de passionnel dans lequel je ne souhaite pas impliquer l'établissement et l'équipe . "
L'audience renvoyée à lundi, Maurice Papon rejoint alors une pièce proche du prétoire. Il participe lui même à la recherche d'un gite. Sur un portable qu'on lui prête, il compose le numéro d'un ami hôtelier qui réside en Gironde. Ce dernier lui donne deux adresses. Elles sont situées toutes les deux dans le Médoc.
Le premier des deux se désiste. Il accueille des séminaires et il n'a plus de place. Ce n'est pas le cas du Relais de Margaux situé un peu à l'écart de la commune du même nom. Propriété d'un Japonais, il a réouvert il y a quelques mois. Un traiteur bordelais assure la cuisine. En cette fin de semaine, il est loin d'avoir fait le plein de réservations.
Au téléphone, le standardiste ne fait aucune difficulté pour réserver une chambre. Au nom de Maurice Papon ou au nom d'un des fonctionnaires chargé de sa garde rapprochée ? On l'ignore. A 15h 45 lorsque la voiture de l'ancien ministre de Giscard quitte le palais de justice, tout est réglé. Au moins pour une nuit.
Deux motards et une véhicule de protection l'escortent sur les routes de Médoc. Ce mini convoi circule à vitesse raisonnable suivi comme son ombre par une équipe de France 2. Elle a réussi à prendre sa roue dans les embouteillages bordelais. A l'entrée de Margaux, les gardes du corps écarquillent les yeux derrière les vitres embuées. Ils cherchent le panneau signalant l'hôtel.
Fiché au coeur du vignoble, cet ancien relais et château affiche quatre étoiles. On y accède par une grande allée bordée d'arbres. Un vaste parc agrementé d'une piscine l'entoure. Il comprend cinq appartements et vingt cinq chambres. Ils se louent entre 700 francs et 1 200 francs la nuit. Si l'on en croit le guide Gault et Millau, il y a un brunch-jazz le dimanche.
L'arrivée de Maurice Papon passerait totalement inaperçu sans le déploiement de forces de la gendarmerie. Plusieurs véhicules bleus stationnent sur le parking de l'établissement pour parer à toute éventualité. Des l'arrivée de l'accusé, l'un d'entre eux se porte à hauteur du portail. Les deux militaires qui s'y trouvent notent les allées et venues.
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